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Par demhaitam le 9 Janvier 2007 à 19:30
Bilan militaire de lannée 2006 :
limpuissance de la force
Ladministration Bush et les États membres de sa Coalition ont oublié à leur dépends une vérité dévidence : on peut vaincre des États, pas des peuples. Au cours de lannée écoulée, les armées les mieux dotées du monde ont été tenues en échec du Liban à lAfghanistan, en passant par lIrak, par des va-nus-pieds.
Lun des événements les plus marquants de lannée 2006 aura été, dans le domaine militaire, la défaite de la coalition dirigée par les Etats-Unis en Irak, léchec de larmée israélienne au Liban et le retour des Talibans en Afghanistan malgré la présence de 20 000 hommes des forces de lOTAN.
Cest quelque chose dincroyable. Des détachements de semi maquisards, armés tout au plus de kalachnikovs, de lance-grenades et dexplosifs entassés dans un véhicule ou enroulés à la ceinture de kamikazes remportent des guerres face à des armées régulières, équipées dun matériel dernier cri et de hautes technologies. Cest-à-dire de systèmes satellitaires complexes de communication et de commandement, de viseurs à infrarouges, de stations radars détectant tout ce qui bouge, et même des objets immobiles et des personnes isolées, de moyens de lutte électronique. De blindés ultramodernes, de chasseurs, de bombardiers et de missiles de croisière De tout ce quont su créer les grands constructeurs de la fin du XXe et du début du XXIe siècle, dotés de la pensée militaire la plus pointue, maîtrisant lart de la tactique et des opérations, nourris de lexpérience et de la sagesse des guerres précédentes. Des guerres sont perdues par des armées dans lesquelles servent des professionnels hautement qualifiés, dont la préparation et la formation ont coûté des sommes astronomiques.
Cest même incroyable : des troupes pour lesquelles on dépense chaque année plus dun demi trillion de dollars - autant que pour toutes les autres forces armées du monde réunies - ne peuvent rien contre des moudjahiddines dont les armes ne représentent pas plus de cinquante dollars par personne. Comment cela se fait-il ? Essayons dy voir clair.
Quand on leur pose la question sacramentale de « linutilité de la force », les chercheurs commencent par dire, et cest leur principal argument, que toutes les armées régulières modernes sont faites pour se battre contre des armées analogues et des États. Mais pas pour sopposer à des francs-tireurs, quon les appelle terroristes, moudjahiddines, combattants ou insurgés. Souvent, de plus, tous ces résistants nont pas de centre unique de commandement. Ils agissent par petits groupes qui nont aucun lien entre eux. Ils opèrent parfois avec laide de la population locale qui a de la sympathie pour eux et les soutient totalement. Cest dailleurs en son sein quils recrutent, le paysan ou louvrier, le jour, devenant un combattant de la résistance la nuit. Ces gens ne vont pas à lengagement avec de grosses unités bien organisées et armées, ils privilégient lembuscade, se planquent dans les coins, attaquant des colonnes en mouvement, lors des moments de repos de petites unités. Et se font sauter dans les rues et sur les places des villes occupées.
Cette tactique repose sur un principe simple : lattaque, un tir nourri et meurtrier et un retrait immédiat. En ordre dispersé. Qui faut-il chercher et où, qui faut-il poursuivre, on ny comprend rien. Cest la tactique qua adoptée le Hezbollah. Cest ainsi quagissent les moudjahiddines afghans, les hommes des Talibans, les autres groupes terroristes, y compris en Tchétchénie.
Les théoriciens de la guerre ont même un terme pour désigner ce type dopérations. Ils parlent de « guerre asymétrique ». Mais ils ne savent toujours pas comment la faire.
On peut vaincre nimporte quelle armée régulière, vaincre nimporte quel État, surtout si les forces sont inégales : larmée états-unienne du début du XXIe siècle contre larmée de Saddam, dont la modernisation sétait arrêtée au milieu du XXe siècle et qui était épuisée par des décennies de sanctions économiques. Mais il est impossible de vaincre un peuple, quil soit sunnite, chiite, kurde ou autre. Même si, à lintérieur du pays, ces peuples ou ces clans nationaux se déchirent. Parce quarrive le moment où ils sunissent pour combattre lagresseur. Même sils nont pas toujours conscience dêtre unis par un même but.
Tel a dailleurs été le cas en Afghanistan, où des tribus ennemies depuis des siècles se sont retrouvées dun coup unies dans la lutte contre les troupes soviétiques. Elles agissent aujourdhui ensemble ou séparément, par clan, par communauté, contre les troupes de lOTAN. Même si cette lutte revêt également un caractère sporadique, inorganisé, lorsque telles ou telles unités de la coalition sous commandement de lOTAN commencent à les agacer un peu trop, se mêlent de changer un ordre des choses établi au fil des siècles, veulent leur imposer un concept tel que la démocratie à loccidentale. Le peuple a déjà sa propre démocratie qui veut que tous les membres de la tribu se soumettent sans broncher à un chef unique, soient prêts à donner leur vie pour lui, pour les traditions léguées par les ancêtres.
Quon le veuille ou non, des phrases de Lénine à moitié oubliées aujourdhui reviennent en mémoire : « on ne vaincra jamais un peuple dont les ouvriers et les paysans ont, pour la plupart dentre eux, compris, senti et vu quils défendaient le pouvoir des Soviets qui est le leur ». Enlevez les mots « pouvoir des Soviets », remplacez les par « religion », « valeurs nationales, traditions populaires », « mode de vie séculaire » et vous verrez que Lénine, hélas, avait raison. Hélas pour ceux qui ne veulent pas tenir compte dévidences plutôt banales. Ce reproche concerne pleinement ladministration états-unienne actuelle.
Les amis des États-Unis (dont Moscou) ont averti George Bush que la guerre contre lIrak, dautant plus sous un faux prétexte, pouvait se révéler une aventure aux conséquences difficilement calculables. Il ne les a pas écoutés. Voilà maintenant que les recommandations de la commission James Baker ne le satisfont pas et que la défaite du Parti républicain lors des élections au Congrès ne la pour linstant incité à aucune conclusion radicale, alors quen Irak, le nombre des soldats états-uniens tués se rapproche très vite du seuil funeste de trois mille. Et le départ des États-uniens de ce pays, quil ait lieu lan prochain ou dans trois ou quatre ans, ne peut que conduire à un nouveau chaos selon Sergueï Rogov, directeur de lInstitut des États-Unis et du Canada près lAcadémie des sciences de Russie. Non plus au Proche-Orient, mais bien au-delà
Limpuissance de la force dun des super-États ou de la coalition des États qui se rapprochent de ce statut, à qui font défaut le sens de la mesure et de la responsabilité politique envers leurs propres citoyens et les citoyens des autres pays, se transforme en catastrophe générale. Cest lune des tristes conclusions de lannée 2006.
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