-
Par demhaitam le 8 Février 2007 à 16:02À Herzliya, Israël dévoile sa stratégie contre lIranGuerre sans finpar Thierry MeyssanParlementaires et ministres, principalement israéliens et états-uniens, se sont bousculés à la 7e conférence dHerzliya pour entendre dévoiler la stratégie israélienne contre lIran : instrumenter la pseudo-menace nucléaire pour renverser la république islamique qui a le tort de soutenir les Résistances en Palestine, en Irak et au Liban. Le résumé de ces quatres jours de débats comme si vous y étiezBenjamin Netanyahu, Ehud Olmert et Amir Peretz
Le Centre interdisciplinaire dHerzliya est une université privée laïque qui joue un rôle central dans la vie politique israélienne. Il dispose de deux centres de recherche particuliers : lInstitut du contre-terrorisme, dirigé par Shabtai Shavit (directeur du Mossad de 1989 à 1996), et un Institut de politique et de stratégie, dirigé par Uzi Arad (ancien sous-directeur du Mossad). Depuis 2000, il organise une conférence annuelle sur « la sécurité dIsraël » qui sest imposée comme le lieu où sont actées les décisions stratégiques. Ainsi, cest lors de la conférence de 2003 et non au Parlement quAriel Sharon dévoila son « plan de désengagement unilatéral de la bande de Gaza ».
La septième conférence dHerzliya sest tenue du dimanche 21 au mercredi 24 janvier 2007. Les néoconservateurs états-uniens y ont rejoint tout ce qui compte de bellicistes israéliens. Loin dêtre un forum permettant aux acteurs politiques et militaires de confronter leurs analyses, la conférence a donné lieu à lexposé de la stratégie en cours et sest transformée en un meeting où chaque orateur a surenchéri sur le précédent pour dénoncer le péril imminent du nouveau génocide.
Les débats ont été ponctués par des interventions, soit physiques, soit par satellite, de leaders états-uniens, notamment des candidats à la Maison-Blanche, le « pacifiste » John Edward et lex-Marine John McCain, qui rivalisèrent de déclarations martiales [1].
Le sénateur dArizona John McCain intervenait en duplex
Désigner lennemiLes organisateurs avaient choisi de donner la parole lors du premier déjeuner à lancien Premier ministre Benjamin Netanyahu. Les positions de celui-ci sont connues depuis son discours de Los Angeles. Il y déclarait avec son habituel sens de la nuance : « Nous sommes en 1938, et lIran cest lAllemagne, et il sest lancé dans la course pour sarmer avec des armes nucléaires. Les mêmes tendances : calomnier et salir ses victimes en préparation de leur massacre. Ahmadinejad a appris ses réplique dHitler et personne ne sen préoccupe. Chaque semaine il parle deffacer Israël de la carte, et personne ne dit rien. Parfois les juifs ne parlent pas assez. La grande différence cest quHitler sétait dabord engagé dans le conflit et avait seulement alors essayé de développer des armes nucléaires » [2].
À Herzliya, Benjamin Netanyahu passa de la diatribe à la pratique. Il annonça à son aimable auditoire quune stratégie avait été déterminée contre lIran dans laquelle Israël jouait deux rôles [3] :
Diffuser dans les médias lidée que lIran, dans la ligne du Reich nazi, sapprête à détruire les juifs [4]. Puis faire juger le président Ahmadinejad par un tribunal international pour incitation au génocide (principe de justice préventive)
Convaincre les États occidentaux de prendre unilatéralement des sanctions économiques contre lIran pour mettre son économie à genoux, sans passer par le Conseil de sécurité de lONU. Une opération déjà avancée avec linterdiction prononcée par le Trésor états-unien de commercer avec la banque Saderat qui a servi à transférer les pétro-dollars iraniens au Hezbollah pour reconstruire le Liban [5].Le dimanche après-midi, une table-ronde réunissait le sous-secrétaire dÉtat états-unien Nicholas Burns et le vice-Premier ministre israélien Shaul Mofaz [6]. Il leur appartenait de clarifier si la stratégie israélienne exposée par Netanyahu visait à renverser la République islamique (« le régime ») ou à préparer la guerre. Les deux hommes sefforcèrent déluder la question, tout en soulignant que lon doit « affronter lIran » et que « loption militaire est ouverte ».
Au demeurant, Nicholas Burns tout en répétant que les États-Unis souhaitent régler diplomatiquement leur différent avec lIran ne fit pas mystère de leur volonté de renverser la République islamique indépendamment de la question nucléaire. Il précisa que même en cas de suspension de lenrichissement duranium, Washington poursuivrait ses pressions sur Téhéran, confirmant ainsi que la question nucléaire nest quun prétexte pour parvenir au renversement de la République islamique. Au passage, il confirma que, dans le cadre des sanctions économiques unilatérales évoquées par M. Netanyahu, les États-Unis convaincraient lUnion européenne de cesser tous prêts et garanties relatifs au commerce avec lIran, de manière à rendre celui-ci impossible à grande échelle.Bien que la parole ait été donnée à divers fabriquants darmes, du directeur de Raytheon à celui de Boeing, il fallut attendre la table ronde « Prévention et dissuasion » pour entendre les plans de guerre [7]. Star incontesté de ces stratéges de salon, Richard Perle, le « prince des ténèbres », se livra à son brillant numéro de rhétorique : « Une fois que lIran aura des armes nucléaire, il ne sera pas facile de le dissuader ou de le contenir. Il nest pas facile de menacer de tuer une vaste population civile en réplique et de toute manière, cest trop tard. Alors, quand lIran aura-t-il la bombe ? Vous ne pouvez attendre des preuves pour prendre la décision » [8]. Que faire ? « Attaquer avec précision pour infliger des dommages critiques aux installations nucléaires, avec efficacité et rapidité. Les bombardiers B-2 et les missiles de croisière peuvent le faire. Israël devra le faire, sil est clair quil y a une menace existentielle. Israël devra le faire et le président [Bush] sy joindra » [9].
Réorganiser les alliances
La journée du mardi fut consacrée aux alliances. Le premier temps fort étant la présentation du nouveau concept stratégique de « réalignement arabe » [10]. Dore Gold, président du Jerusalem Center for Public Affairs, annonça que les États de la région, créés par les Britanniques à partir des provinces ottomanes, avaient fini leur temps et que le moment était venu de redessiner les cartes. Puis, il expliqua que la ligne de confrontation nopposerait plus Israël aux pays arabes, mais les Occidentaux et les sunnites modérés aux chiites.
Lancien chef détat-major et actuel consultant du Shalem Center, Moshe Yaalon, souligna que la révolution iranienne de 1979 sest produite indépendamment du conflit israélo-palestinien. Dès lors, il est possible de déplacer la ligne de fracture de la Palestine vers lIran, et dajuster le concept de « choc des civilisations » en le déplaçant dun affrontement juifs et chrétiens contre musulmans à une guerre juifs-chrétiens-sunnites contre chiites. Il fut appuyé par le professeur Bernard Lewis, toujours heureux dutiliser son érudition pour justifier les décisions du moment. Avec, en prime, une description de la folie apocalyptique du président Ahmadinejad pour lequel « lassurance dune destruction mutuelle nest pas dissuasive, cest une incitation [à utiliser la bombe atomique] » [11].Avec fougue, lancien directeur de la CIA James Woolsey ajouta quil ne fallait pas se contenter « de frappes chirurgicales sur deux ou trois installations [nucléaires] », mais quil faut « détruire le pouvoir du Vilayat-al-Faqit » (cest-à-dire le pouvoir du clergé chiite). Et de poursuivre : « Nous sommes appelés et contraints à user de la force contre lIran » [12]. Une opération qui ne peut-être conduite que par les États-Unis et Israël car « jaurais aimé que nous ayons un partenariat avec lEurope, mais je suis effrayé par sa détérioration. LEurope saccommode de la Sharia et devient incroyablement affectée par la poussée démographique des musulmans » [13].
Pour conclure, le ministre de la Défense, Amir Peretz a indiqué que, compte tenu des évolutions politiques en Israël et dans les Territoires, Tel-Aviv entendait relancer les négociations en renonçant à sa traditionnelle condition préalable darrêt du terrorisme [14]. Il convient donc
De régler dabord une série de contentieux allant de la libération du soldat Gilad Shalit au démantèlement dimplantations récentes ;
Pendant six mois, de négocier avec toute autorité reconnaissant lÉtat dIsraël, cest-à-dire le président Abbas dès aujourdhui et le Hamas sil franchit ce pas, à propos des voies de communication (ouverture dun aéroport à Dahanya, ouverture dun passage entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, etc.). Il sagit de sappuyer à la fois sur le plan Bush et sur le plan saoudien ;
Enfin démanteler les organisations terroristes et négocier la solution à deux États.Au cours de laprès-midi, lancien président du gouvernement espagnol José-Maria Aznar plaida pour ladhésion dIsraël à lOTAN de manière à renforcer la sécurité de lÉtat juif et non pas à labandonner au milieu du Proche-Orient musulman [15]. Une adhésion qui exige, à ses yeux, un « changement » en Europe car le vieux continent est actuellement submergé par la vague démographique musulmane. Toutefois, lenthousiasme de M. Aznar fut tempéré par Lord Charles Guthrie of Craigiebank, ancien chef détat-major britannique, qui objecta quaucune procédure dintégration de lÉtat juif dans lalliance nétait en cours.
Au cours du dîner, la ministre des Affaires étrangères et de la Justice, Tzipi Livni étoile montante de la politique israélienne annonça quIsraël se doterait prochainement dune constitution lui permettant de saffirmer comme un « État-nation juif », basé sur « la loi du retour » (cest-à-dire le droit dimmigrer reconnu à tout juif de la diaspora en vertu dun mandat biblique sur « la terre promise ») [16].
La proposition de Mme Livni doit être comparée à celle des Afrikaaners dAfrique du Sud qui reconnurent unilatéralement des bantoustans de manière à ce que leur pays devenu 100 % blanc ne puisse plus être accusé dapartheid.Reconquérir le soutien de lopinion publique internationale
Le mardi 23 janvier fut consacré à lapprovisionnement dIsraël en énergie et au soutien politique de lopinion publique internationale.
Fort étrangement ce second point fut introduit lors du déjeuner par lécrivain états-unien Charles Murray. Déjà connu pour sa théorie de linfériorité intellectuelle et de linclination des noirs au crime [17], il développa lidée dune supériorité intellectuelle des juifs. Selon lui, ceux-ci auraient un quotient intellectuel moyen de 112 contre 100 pour le reste de lhumanité. « Pourquoi les juifs ont-ils un quotient intellectuel plus élevé que les autres ? La réponse la plus simple serait de dire que les juifs sont le peuple élu de Dieu, mais se serait déconsidérer les réalisations scientifiques et lhistoire des juifs » [18]. La réponse à cette question délirante tiendrait au fait que ce coefficient intellectuel prétendument plus élevé aurait permis au peuple juif de perdurer et de conserver le génie de sa culture laquelle favorise son quotient intellectuel. Applaudissements soutenus des généraux sionistes.
Plusieurs intervenants reprirent alors des propos tenus la veille par Alan Dershowitz. Le professeur de droit dHarvard et théoricien de la légitimité de lusage de la torture sétait longuement plaint de la poussée anti-israélienne dans lopinion publique internationale. Il avait dénoncé la « campagne antisémite » de lancien président Jimmy Carter selon lequel Israël pratiquerait lapartheid en Palestine. Et celle de lancien commandeur suprême de lOTAN, le général Wesley Clark, déclarant que « Les friqués de New York sont en train de pousser les États-Unis à la guerre contre lIran » [19].
Au dîner, lancien vice-Premier ministre Nathan Sharansky [20] mit en garde lassistance quant à limpact des accusations de crimes de guerre portées par le Hezbollah contre Tsahal. Il ne sagit plus simplement de défendre Israël, il faut défendre Tsahal, et aussi défendre le général Halutz, sexclama-t-il alors que lon apprenait la démission de ce dernier de ses fonctions de chef détat-major.
Lavenir dIsraël
La quatrième et dernière journée fut consacrée aux réformes internes à réaliser en Israël, notamment au plan économique.
Concluant cette longue conférence, le Premier ministre Ehud Olmert fit le point sur « la menace iranienne » et le « réalignement arabe » [21].
Il déclara : « Le soutien de lIran au terrorisme palestinien à travers un soutien financier, la fourniture darmes et de savoir-faire, à la fois directement et via la Syrie ; lassistance iranienne à la terreur en Irak, la découverte des moyens reçus dIran par le Hezbollah durant la guerre au Liban et lassistance offerte encore récemment au Hamas, ont démontré à beaucoup le sérieux de la menace iranienne » [22]. Cependant « Aussi sérieux que soit la menace iranienne, une attaque nucléaire contre Israël nest daucune manière imminente » [23]En dautres termes, tout ce qui a été dit depuis trois jours sur le génocide nucléaire à venir est de la pure propagande que lauditoire est priée de répéter mais de ne pas croire, le seul vrai grief, cest le soutien aux Résistances en Palestine, en Irak et au Liban.
M. Olmert pouruivit : « Cette activité [de soutien aux Résistances] a suscité un front dopposition qui inclut, avec plus ou moins dintensité, tous les membres permanents du Conseil de sécurité de lONU, des États arabes comme lArabie saoudite, les États du Golfe, lÉgypte et la Jordanie, ainsi que dautres États occidentaux clés comme lAllemagne et le Japon » [24].Reste à savoir si ce « front dopposition » passera du stade des déclarations dintention obtenues sous la menace de sanctions économiques à celui dalliance militaire.
Thierry Meyssan est journaliste et écrivain, président du Réseau Voltaire.
Notes
[1] « Hysteria at Herzliya » par Patrick J. Buchanan, Antiwar.com, 31 janvier 2007.
[2] « Its 1938, and Iran is Germany, and its racing to arm itself with nuclear weapons. Same tendencies : to slander and vilify its victim in preparation for slaughter. Ahmedinijad takes his cue from Hitler, and no one cares. Every week he talks about erasing Israel from the map, and no one says anything. Sometimes the Jews dont say that much. The big difference : is that Hitler embarked on the conflict and then tried to develop atomic weapons ».
[3] « Lancien Premier ministre israélien Netanyahu appelle à imposer des sanctions à lIran », Xinhua ; « Netanyahu : Who will lead the effort against genocide, if not us ? » par Gil Hoffman et « A Prime minister in wainting ? » par Anshel Pfeffer, The Jerusalem Post,, 22 janvier 2006.
[4] « Mobilisation sioniste contre lIran », Réseau Voltaire, 17 novembre 2006.
[5] « La guerre monétaire États-Unis/Iran en suspens », Réseau Voltaire, 19 septembre 2006.
[6] « LIran est sur la défensive, selon un haut responsable américain », AFP, 21 janvier 2007. « US Undersecretary of State Burns : We have to confront Iran » par Sasson Tiram, The Jerusalem Post, 22 janvier 2006.
[7] « Shadow boxing with Iran » par Anshel Pfeffer et « Analysts optimistic that West will act » par Haviv Rettig, The Jerusalem Post, 22 janvier 2006.
[8] « Iran with nuclear weapons will not be that easily deterred or detained. The threat to destroy a large civilian population in a second-strike is not an easy threat to make, and anyway, by then its too late. So when will Iran have a nuclear weapon ? You cant wait for all the evidence to take a decision. »
[9] « Precision attacks to critically damage the nuclear facilities, efficiently and quickly. B-2 bombers and cruise missiles can carry it out. Israel will have to do it if its clear that there is a existential threat. Israel must do it and this president will join in ».
[10] « Experts at Herzliya Conference War of Global Jihad », Israel Faxx, 23 janvier 2007.
[11] « The Mutual Assured Destruction is not a deterrent, but an inducement to him ».
[12] « And if we use force, we should use it decisively, not execute some surgical strike on a single or two or three facilities. We need to destroy the power of the Vilayat al-Faqih if we are called upon and forced to use force against Iran ».
[13] « I wish we had a partnership with Europe, but I am afraid it is deteriorating ( ) Europe is accommodating Sharia and becoming increasingly affected by the Muslim demographics in their countries ».
[14] « Peretz pousse son plan de paix avec les Palestiniens », Reuters et « Le ministre israélien de la Défense voit le Hamas comme un éventuel partenaire de négociations », Xinhua, 22 janvier 2007. « Peretz hints at Hamas talks before conditions met » par Ori Porat, The Jerusalem Post, 23 janvier 2007.
[15] « LOTAN : Une alliance pour la liberté » par Cyril Capdevielle et « José-Maria Aznar est favorable à un bombardement du Liban par lOTAN », Réseau Voltaire, 6 décembre 2005 et 31 juillet 2006.
[16] « Tsipi Livni pour une constitution israélienne », Communiqué de lAmbassade dIsraël en France, 29 janvier 2007.
[17] La Bible du racisme ordinaire aux États-Unis : Bell Curve : Intelligence and Class Structure in American Life par Charles Murray et Richard J. Herrnstein, Simon & Schuster Ltd, 1996. Voir « Le Manhattan Institute, laboratoire du néo-conservatisme » par Paul Labarique, Réseau Voltaire, 15 septembre 2004.
[18] « [Why do Jews have a higher mean of intelligence ? The simplest answer would be that Jews are Gods chosen people, but that would discredit all the scientific data and history of Jewish accomplishments »
[19] « Hoelein : Deligitimization of Israel rising among US elite » par Haviv Rettig, The Jerusalem Post, 23 janvier 2007.
[20] « Natan Sharansky, idéologue de la démocratisation forcée », Réseau Voltaire, 24 février 2005.
[21] « Olmert : Nuclear Attack Not Imminent », Israel Faxx, 25 janvier 2007.
[22] « Iranian support of Palestinian terror through financial support, provision of weapons and knowledge, both directly and through Syria Iranian assistance of terror in Iraq, the exposure of the capabilities which reached the Hizbullah from Iran during the fighting in Lebanon and the assistance which they offered just recently to Hamas, have demonstrated to many the seriousness of the Iranian threat ».
[23] « As serious as the Iranian threat is, the threat of nuclear attack on Israel is by no means imminent ».
[24] « This activity has created an opposing front, which includes, in varying intensities, all the permanent members of the UN Security Council ; Arab states such as Saudi Arabia, the Gulf States, Egypt and Jordan ; and other key countries in the West, such as Germany and Japan ».
Reste à savoir si ce « front dopposition » passera du stade des déclarations dintention obtenues sous la menace de sanctions économiques à celui dalliance militaire.
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique