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Par demhaitam le 16 Octobre 2006 à 19:32
Une interview d'Hassan Nasrallah
par Talal Salman
Talal Salman [TS] : Ne craignez-vous pas que votre victoire se perde dans les limbes de la politique intérieure libanaise ? Quelle évaluation en faites-vous, en tenant compte de ses coûts sur les plans humain, social, économique et matériel ?
Hasan Nasrallah [HN]: En ce qui concerne la situation libanaise et le point de vue libanais, le problème principal tient aux enseignements que nous retirons de ce qui sest passé et du point où ont abouti les choses : considérons-nous quil sagit dune victoire ou bien, au contraire, dune défaite ? Si nous considérons quil sagit bien dune victoire, nous devons déterminer quelles en sont les limites, quelle en est la valeur, afin que nous soyons à même davoir une évaluation réelle de la victoire, en tenant compte des sacrifices que nous avons faits. Par conséquent, nous pouvons certes dire que cette victoire a été assombrie par des sacrifices, mais nous pouvons tout aussi bien affirmer que les sacrifices consentis ne lont en rien entamée. Si les sacrifices lont en partie assombrie, alors, examinons de quelle manière ils lont assombrie, car cest là que réside la clé de lensemble de cette question. Sil est une chose angoissante, cest bien les dissensions au sujet de lévaluation des résultats de la guerre. De mon point de vue, ces dissensions au sujet de lévaluation des résultats de la guerre nont pas de fondement objectif ; elles résultent, ni plus ni moins, des divers contextes politiques, religieux et communautaires. A ceux qui, nombreux, formulent des opinions divergentes à ce sujet, [je dirai] : si nous allons dans le monde arabe et musulman et que nous interrogeons nombre dexperts ès stratégie qui étudient les résultats de la guerre et la manière dont elle sest déroulée de manière objective, nous constaterons quil sont unanimes à affirmer la victoire du Liban et celle de la Résistance. Même si nous allions interroger lentité israélienne elle-même et cest un terrain que jai personnellement suivi jour après jour nous constaterions quil y a unanimité, en Israël, sur léchec dIsraël au Liban. [Je traduis :] sur la défaite dIsraël au Liban, par conséquent. Dan Halutz lui-même, le chef détat-major des armées israéliennes, tentant de se défendre lui-même, a parlé de « faiblesses dans linstitution militaire » et il a éludé la question des manquements. Parler de faiblesses, cest une manière de justifier léchec. Cependant, malgré cela, nous trouvons, au Liban, dautres lectures des événements : cela suscite des sentiments dinquiétude, que votre question traduit assurément. Il peut sagir là, déjà en soi, dune intention délibérée de porter atteinte à limage de la victoire, en la déformant progressivement et de pousser autrui à des réactions épidermiques, et parfois même à la provocation, afin dentraîner la perte définitive de cette victoire.
A ce propos, je dirai quil est de la responsabilité du Liban qui, de mon point de vue, est ressorti vainqueur et pour être encore plus précis, je parle ici du Liban vainqueur, et de la responsabilité des Libanais qui sont convaincus que le Liban a vaincu donc, il est de la responsabilité des Libanais qui se considèrent partenaires dans lobtention de cette victoire quils soient musulmans ou chrétiens, quelles que soient les orientations et les communautés, quels que soient les courants politiques dans lesquels ils se reconnaissent duvrer à préserver cette victoire et à ne pas permettre quelle soit galvaudée dans les impasses confessionnelles, politiques et communautaires. Cest là une grande responsabilité et, comme on dit : conserver la victoire est parfois plus difficile que la conquérir Je puis affirmer quil est effectivement plus difficile de préserver la victoire que de la conquérir, où que ce soit dans le monde, et qua fortiori, au Liban, cest infiniment plus difficile. Je men tiendrai là, dans ma réponse à cette question, pour le moment
TS : Voyons, maintenant, du côté israélien, quelles sont les répercussions [de sa défaite] sur la position stratégique dIsraël dans la région du Moyen-Orient ? LIsraël daprès le 12 juillet est-il aujourdhui le même Israël quavant cette date fatidique ?HN : Là encore, cela dépend de lévaluation que nous faisons de ce qui sest passé : cest de la manière dont nous comprenons ce qui sest passé que nous pouvons en escompter les conséquences et les répercussions. A ce sujet, je peux vous donner un résumé du volet israélien [de la question], et je précise demblée que cette victoire, en résumé, est à la fois stratégique et historique. A mon avis, elle aura des répercussions extrêmement importantes sur le plan des relations israélo-palestiniennes, sur celui de lensemble du monde arabe, et aussi dans lensemble de la région. Je pense quil est encore trop tôt pour répertorier et pour intégrer les résultats stratégiques et les répercussions gigantesques de notre victoire. [Considérez « seulement »] la Palestine, lIrak et lIran, pour ne pas parler du monde arabe !
Pour répondre à votre question, jinsisterai plus particulièrement sur le conflit israélo-palestinien. La bataille contre Israël a eu pour effet datteindre les fondements du projet israélien ainsi que lentité israélienne : cest là un constat que beaucoup dobservateurs ont fait. Quand on dit que tous les pays ont leur armée, sauf Israël, qui est une armée, qui, elle, a un pays, [cest la réalité] : lentité israélienne, cest une armée ! Cest un camp militaire ; cest une grande, une immense caserne. En Israël, lélément essentiel à savoir la sécurité, la tranquillité, la stabilité, la quiétude, la sérénité, lespérance est incarné par larmée ; ce qui importe par-dessus tout, cest la confiance du peuple israélien en son armée et la confiance de larmée israélienne en elle-même. Cette confiance découle de la puissance de larmée, quil sagisse de sa force objective, réelle, ou de sa force artificiellement inculquée dans les esprits des ennemis dIsraël. Parfois, cette force objective, réelle, nexiste pas, mais Israël a réussi à inculquer à ladversaire quil serait lui-même faible, battu davance et quon ne saurait sattaquer à une armée « invincible » [comme le serait prétendument larmée israélienne]. Les guerres arabo-israéliennes nont fait que renforcer la confiance en elle-même de larmée israélienne ainsi que la confiance que place en elle le peuple israélien. Par exemple, nous sommes en train de procéder, là, au moment où je vous parle, à une comparaison entre les effectifs (membres actifs et sympathisants) de la Résistance, dun côté et Israël et son armée, de lautre Mais, eux [les Israéliens], ils avaient depuis toujours veillé à ce quon comparât Israël à lensemble de la nation arabe et des peuples arabes, et ils avaient réussir à faire de cette comparaison se voulant édifiante une véritable légende !
En 2000 [retrait de larmée israélienne du Sud-Liban, sous les coups du Hezbollah, NdT], la légende avait déjà été ébranlée. Mais Israël pensait quil avait besoin dune occasion pour restaurer limage de son armée et, dune manière ou dune autre, en lan 2000 les Israéliens ont réussi à faire douter de la réalité de notre victoire. Il y a eu un doute, aussi, arabe et même un doute libanais. Certains dirigeants arabes ont même affirmé quIsraël nétait pas parti du Liban la queue entre les jambes, en 2000, mais tout simplement quil avait été séduit par la résolution 425 de lOnu ! Dautres ont évoqué je ne sais trop quel marché libano-irano-syro-israélien. Dautres sont même allés encore plus loin dans le délire. Mais on peut dire également, et plus pertinemment, à propos de la victoire de lan 2000, que la Résistance, qui menait une guerre incessante depuis dix-huit ans une guerre de harcèlement prolongée, contre une armée régulière a pu, en fin de compte, imposer à cette armée régulière de se retirer. Cest donc bien une victoire, comme en 2000, mais cette victoire a ses limites, qui sont celles que jai évoquées. Mais ce qui vient de se produire, dans les derniers affrontements, a démontré lerreur de ce qui se disait, lors des débats sur les stratégies défensives, et ce qui sest dit lors des premiers jours de la guerre : on disait alors que la résistance populaire pouvait libérer la terre au moyen dune guerre de harcèlement prolongée, mais quune telle résistance ne pourrait pas tenir face à une incursion massive. Quelle serait incapable dempêcher que notre pays soit occupé et tombe sous la coupe de larmée israélienne
En 2000, il y avait débat. Aujourdhui, plus personne ne tergiverse sur ce résultat-là. Il est certes possible que la Résistance ait joui dun grand prestige, durant dix-huit ans, dans le monde arabe, mais elle navait pas réussi à devenir une véritable légende. Trente-trois jours ont suffi à inverser totalement les positions : larmée [israélienne], qui était une véritable légende, est devenue lincarnation de léchec, de la sidération et de la perte de repères. Au contraire, la Résistance, dont beaucoup pariaient sur le fait quelle seffondrerait en quarante-huit heures, est devenue, quant à elle, à son tour, une légende. Or, cette légende, cétait lélément fondamental, sur lequel reposait lentité [sioniste]. Cela, Shimon Peres la bien compris, avec son expertise et sa longue expérience, quand il a dit quil sagissait, avec cette guerre, dune question de vie ou de mort. Cest ce dont on discute tellement aujourdhui dans lentité sioniste. Et si on ne parvenait pas à régler cette question, cest-à-dire à convaincre les foules israéliennes dune manière qui leur redonne confiance et qui les rassure, je suis persuadé que la société israélienne sera confrontée à des répercussions extrêmement dangereuses sur les plans sécuritaire, moral, économique, politique, et même démographique. Je mexplique : si le peuple de cette entité perd la confiance en son armée protectrice, qui incarne la forteresse imprenable de lentité, beaucoup dinvestissements vont quitter ce pays et de plus en plus de fissures politiques vont apparaître à lintérieur de lentité.
Aujourdhui, lavenir dOlmert est en jeu. Lavenir de Peretz est en jeu, ainsi que celui de plusieurs dirigeants de partis, et il y a même des partis politiques dont lavenir est lui-même compromis, au premier rang desquels « Kadima », qui ne passera sans doute pas lhiver. Ces conséquences suffiraient, à elles seules, sans que jaie besoin dinvoquer dautres aspects [de la défaite israélienne], et afin de faire bref, à démontrer que notre victoire est une victoire stratégique et historique. Aujourdhui, en Israël, on parle des conséquences [de la défaite israélienne] sur le plan intérieur ; il y a même des stratégistes qui ont évoqué cet aspect. Cest aussi le cas de certains gouvernants arabes. Eh oui : Israël, qui terrorisait les régimes arabes, et dont on disait que la résistance pouvait libérer quelques territoires quil occupait, mais certainement pas tenir tête à une armée aussi forte que la sienne Quant à la résistance, quest-ce qui la caractérise aujourdhui ? Je vais vous le dire : ce nest pas le fait quelle ait tenu bon, quelle ait conservé le terrain non : cest le fait quelle a infligé des pertes extrêmement importantes humiliantes à la soldatesque israélienne. Cest là quelque chose quil est impossible de celer aux yeux du peuple israélien, ni de dissimuler à ceux du monde entier, en dépit de loccultation médiatique hermétique qui a été imposée aux informations sur le déroulement des combats.
Par conséquent, fondamentalement, tant il est vrai que la bataille, profondément, est une bataille de la volonté, je puis vous affirmer que notre volonté de résistance a tenu le coup et que la volonté israélienne, en revanche, a été ébranlée. Jen veux pour preuve le fait quIsraël a été contraint à arrêter sa guerre. Celui qui penserait que cest la pression internationale qui aurait mis un terme à loffensive israélienne se tromperait gravement ; permettez-moi de lui dire quil ne connaît pas la réalité de la situation politique dans le monde, aujourdhui, et de quelle façon ça fonctionne Lélément principal qui a arrêté leur guerre, cest léchec retentissant de leur opération terrestre dans les derniers jours, et limportance de leurs pertes, ainsi que la crainte des dirigeants politiques et militaires israéliens dêtre entraînés vers une situation encore pire et encore plus dangereuse, encore plus catastrophique pour larmée et [par conséquent] pour lentité elle-même. Ce à quoi sest surajoutée une voix internationale, qui sest élevée, obtenant la fin de la guerre. Mais avant tout, si ladministration Bush & Olmert avait été assurée quen poursuivant sa guerre une semaine, ou deux semaines supplémentaire(s), il aurait pu se produire un tournant qualitatif dans lissue des combats, la guerre aurait continué, et elle ne se serait pas arrêtée ce lundi-là, comme elle la fait Voilà qui approfondit encore limpact stratégique de la bataille et, partant, la confiance du peuple israélien en son armée et en son entité régresse, tandis que la confiance mise par les peuples arabes et en particulier le peuple palestinien dans le fait que le choix de résister peut apporter la victoire, surtout une victoire dune telle ampleur, ne pourra que se renforcer. A mon avis, cela aura assurément des conséquences sur le fondement même de lexistence de lentité [sioniste] à longue, voire à moyenne échéance. Bien entendu, je ne prétends pas (personne dailleurs ne prétend) que cela aura des répercussions existentielles prochainement ou rapidement [pour lentité sioniste].
Bien sûr, nous parlons ici de lexistence de lentité et de son devenir, ainsi que de notre propre avenir. Mais demeure, dans le volet palestinien, la motivation essentielle : les Palestiniens ont lidée de résister, ils en ont le projet, ils en ont la conviction et la volonté, et il faut que cela leur permette de maîtriser tous les autres éléments qui ont été réunis dans lexpérience de cette guerre, afin que le peuple palestinien soit en mesure dobtenir, lui aussi, sa victoire. Quant au blocus imposé aux Palestiniens et ce blocus est pour partie imposé, hélas, par certains régimes arabes il limite terriblement la possibilité de mobiliser notre victoire au service du champ de bataille palestinien.
TS : Pensez-vous quIsraël relancera sa guerre, après avoir arrangé son désordre interne soit, derechef, contre le Liban ; soit, en choisissant de sorienter vers un conflit plus pépère, contre la Syrie ?HN : Tout dabord, je confirme la nature intrinsèquement agressive dIsraël. Par conséquent, quand je dis : « cest possible », « cest peu vraisemblable », ou « on ne peut lécarter », cela nest pas lié à la nature essentiellement agressive dIsraël, ni à ses intentions sincères : il sagit bien des circonstances, et des possibilités qui sont les siennes. Revenons, si vous le voulez bien, à cette guerre : cela nous aidera pour évaluer la situation Quel était lobjectif de la guerre ? « Liquider le Hezbollah ». Rien que cela ! Cétait lobjectif principal et direct, dont la réalisation débouchait sur la soumission définitive du Liban à la volonté américaine, laquelle, dans notre région (dois-je le rappeler ?), nest autre que la volonté israélienne. Cet objectif, les Américains et les Israéliens lont annoncé, dès les premiers jours de la guerre. Ici, je nanalyse pas ; je nextrapole pas. Cest ce quils disent carrément ; leurs textes sont très clairs et nappellent aucune interprétation. Seulement voilà : non seulement Israël a été incapable de « liquider le Hezbollah », ce qui était son objectif suprême, mais il a même été incapable de réaliser lun quelconque de ses objectifs de guerre annoncés : « liquidation définitive du Hezbollah », liquidation définitive de son infrastructure militaire, destruction totale des missiles du « Hezbollah », expulsion du « Hezbollah » du Sud Liban, puis au-delà du Litani, sans oublier la récupération inconditionnelle des deux soldats israéliens capturés Israël na réalisé aucun de ces objectifs proclamés. Les dernières réalisations prétendues dOlmert car Olmert, voyez-vous, prétend avoir obtenu quelque chose cest, dit-il, de mavoir confiné dans un abri Voilà à quoi se sont réduits les objectifs de guerre israélien : contraindre Hassan Nasrallah à rester à labri ! Turban ! (oups : Chapeau !) Belle performance ! Une guerre totale, prolongée, généralisée, a abouti à cet objectif-là Tout ça, pour ça ? Dans cette guerre, Israël a mobilisé je ne veux certes pas dire « toutes ses forces », mais bien la plus grande partie la partie essentielle de sa puissance militaire. Qualitativement, la seule chose quils naient pas employée, cest larme nucléaire. Tous les types davions ont été employés. Les tanks les plus modernes, des bataillons délite les ont amenés sur le champ de bataille : les « Golanis » et les « Givatis » les ont retirés de Gaza et les ont amenés au Sud Liban. Même chose pour les unités de parachutistes. Ils ont amené 40 000 fantassins. Trois compagnies de réservistes. Concernant la puissance de feu déployée : ils ont effectué 9 000 raids aériens ; les survols sans bombardement, je vous en fais cadeau Ils ont évoqué le chiffre de 175 000 projectiles, en trente-trois jours ! Ils ont employé une puissance de feu absolument démentielle. Ils ont épuisé leur stock stratégique de missiles air-sol, si bien quils ont même utilisé leurs missiles mis au rebut, désamorcés et promis à la casse : ils les ont chargés dans leurs avions, et ils les ont balancés sur le Liban ! Israël est allé pleurer dans les jupes de Condoleezza non seulement pour lui quémander des bombes « intelligentes », mais tous les types de fusées et de missiles air-sol
Ce qui est important, dans ces données de détail, cest quIsraël a employé une grande partie de son potentiel. Ceci signifie quil y avait des centaines davions de guerre israéliens qui survolaient et qui bombardaient le Liban, en même temps : ils ne pouvaient pas en utiliser plus Ils ne pouvaient pas envoyer toute leur armada en même temps dans le ciel du Liban, cela serait devenu très dangereux pour eux [ils se seraient gênés mutuellement] ! Ils ne savaient plus quoi bombarder Il est important de comprendre que le Liban est un petit pays, quil nest pas assez grand pour que laviation de guerre israélienne, au grand complet, vienne le survoler et y bombarder des objectifs Oui, cest bien dIsraël, dont je parle... DIsraël, avec son énorme puissance militaire, avec ses capacités effrayantes, avec le soutien américain et international dont il bénéficie, avec linfamante trahison du Liban par les régimes arabes, dont il bénéficie aussi Malgré tout ça (excusez du « peu » !), Israël a perdu cette guerre, et des pertes lui ont été infligées qui ont porté atteinte à limage de marque de son armée et à son efficacité en particulier à limage et à lefficacité de ses tanks et de ses hommes. Si bien que plusieurs pays, qui étaient en négociations avec Israël pour lui acheter le dernier cri des blindés, le tank Merkava de quatrième génération, se sont retirés et ont rompu les contrats. Dans une guerre contre une résistance populaire, un tank blindé se transforme en cercueil. Israël, avec la baffe quil a reçue au Liban, va aller se lancer dans une nouvelle guerre ? A mon avis, cela ne sera pas avant longtemps, même si je nécarte pas totalement cette possibilité. Mais : une guerre contre le Liban ? Assurément, quand les Israéliens voudront se lancer dans une nouvelle guerre contre le Liban, ils devront réfléchir plus de deux fois, en particulier si la situation libanaise évolue vers une situation intérieure raisonnable, après le déploiement de larmée libanaise et des forces de la FINUL, et si la résistance nest pas désarmée. Par conséquent, si la résistance demeure, si elle conserve ses armes, et si, donc, demeure la force qui a infligé la défaite à Israël dans cette guerre tant que cette force existera, Israël devra réfléchir mille fois, et longuement, avant de se lancer à nouveau dans une guerre contre le Liban
Quant à une guerre lancée par Israël contre un autre pays Je ne pense pas. Quant à ceux qui imagineraient quune guerre contre la Syrie serait moins hasardeuse, je leur dis quils font erreur. Permettez-moi de leur dire que tandis quIsraël attaquait le Liban, et alors quil était supposé faire peu de cas de la Syrie (comme daucuns tentent de le faire ailleurs quen Israël, aussi ) et quil déclarait que les roquettes qui avaient frappé Haïfa, Al-Khudeïra et Afoula étaient des roquettes de fabrication syrienne, dans la même période, le ministre israélien de la Défense, Amir Peretz, affirmait, plusieurs jours durant, quIsraël navait nullement lintention de viser la Syrie ou douvrir un front actif avec elle. Cest là une claire indication, mais il y a un autre indice, extrêmement important : la Syrie a déclaré quelle entrerait dans le conflit, au cas où larmée israélienne se rapprocherait de sa frontière terrestre. On a pu remarquer, au cours des dernières guerres déclenchées par Israël, que les Israéliens ne se sont jamais approchés vraiment de la frontière syrienne. De plus, il faut savoir que laxe des fermes de Shebaa est extrêmement important, dans un paysage ouvert : les Israéliens pouvaient donc sy mouvoir aisément, avec des forces importantes, afin de prendre la résistance à rebours dans la région située sur la rive Sud du Litani. Et, néanmoins, Israël na pas bougé du tout dans cette région, et il a soigneusement évité de sapprocher de la frontière syrienne. Ceci signifie que les Israéliens étaient très circonspects et pesaient les dangers dune confrontation avec la Syrie, ou de lentrée de la Syrie dans le conflit. Ce point mériterait une évaluation plus générale et plus approfondie, mais personnellement, jai tendance à penser que les Israéliens auront besoin de beaucoup de temps avant denvisager une nouvelle guerre. Non seulement contre le Liban, mais, y compris, contre la Syrie. Je pense que le seul point faible sur lequel Israël va se concentrer et tenter non seulement de récupérer son image de marque dissuasive, mais aussi de sopposer à lexploitation de la victoire libanaise dans la situation palestinienne, cest précisément la Palestine. Cette récupération de son image, Israël en sera malheureusement capable, les Palestiniens étant assiégés et fractionnés, coupés de tout contact ; leur situation est très dure, même sils ont une volonté de fer et un moral très élevé, et leffort israélien portera de plus en plus sur les territoires palestiniens.
TS : et que dites-vous, au sujet des armes de la résistance et de la question de savoir si lopération [du Hezbollah] aurait eu lieu malgré tout, si une évaluation des conséquences quelle a manifestement entraînées avait été faite et aussi au sujet de la manière dont Olmert a exploité la défaite israélienne sur le plan intérieur ?HN : Je répète ce que jai déclaré à la chaîne News TV : cest la confirmation de ce que jai déclaré durant la guerre. Cest une question dont jai traité en détail. Quant aux propos sur le fait que si nous avions su, ou si nous avions escompté , ils ont été tenus au cours de cette interview. Mais, malheureusement, ce passage a été extrait de son contexte de manière malveillante et, ce, afin de susciter artificiellement des prises de position politiques oiseuses et de fonder des analyses biaisées sur la base de cette citation extraite de son contexte.
De plus, au cas où je désirerais reformuler ce que jai déjà dit, je répèterais que jai dit très clairement que lopération des deux prisonniers a poussé Israël à déclencher au mois de juillet [le 12, précisément, NdT] une guerre quil aurait de toutes les manières déclenchées= au mois doctobre, auquel cas la catastrophe aurait été très très très destructrice. Lopération [de capture] des deux prisonniers [israéliens], pour une raison que nous ignorons (et jai été très transparent, sur ce point-là), a fait échouer un plan déjà ourdi, et ourdi avec un soin extrême. Mais la mise en actes de ce projet était prévue pour le début de lautomne, car il nécessitait de compléter certains préparatifs et de réunir certaines données, et pour dautres raisons encore. Cest dailleurs la raison pour laquelle jai été très clair, et jai dit que la guerre navait pas eu pour facteur déclenchant la capture des deux soldats.La guerre relève dune décision américano-israélienne, avec la couverture de certains partenaires [arabes] qui y étaient préparés. Ses préparatifs, en cours depuis longtemps, se poursuivaient, et le moment de son déclenchement avait été fixé. Elle reposait essentiellement sur un effet de surprise, et le scénario en avait été ficelé depuis pas mal de temps, même si le scénario suivi durant la guerre réelle, celle qui vient davoir lieu, nétait pas celui qui avait été initialement prévu pour plus tard Quand lopération des deux soldats a eu lieu, et quun si grand nombre de soldats israéliens sont tombés [huit, NdT], les Israéliens ont été sidérés, et ils se sont trouvés placés devant la réalité suivante : soit ils encaissaient le choc de ce qui venait de se produire, soit ils se lançaient sans plus tarder dans la guerre prévue pour le mois doctobre prochain. Nous savons quaprès consultation avec les Américains, dès le lendemain de lopération des deux soldats, les Israéliens ont décidé de se lancer dans la guerre quils avaient prévu de lancer au début de lautomne. Nous leur avons fait perdre lavantage de la surprise. Nous leur avons imposé un calendrier qui nétait pas celui quils avaient préparé avec grand soin, et cest la raison pour laquelle la bataille est arrivée tandis que nous étions en alerte et sur nos gardes, tandis que les Israéliens, eux, en face, nétaient pas prêts. Alors que si la guerre avait eu lieu en octobre, la bataille aurait commencé sans motif, car un motif quelconque, une provocation quelconque, cela aurait équivalu, de notre part, à attirer lattention [de lennemi]. Si, au mois doctobre, des gens étaient venus dans le Sud du Liban afin dy installer des missiles incognito et si ces gens avaient tiré ces missiles sur la Palestine occupée, le Hezbollah aurait été mis en alerte, naturellement, car il se serait attendu à ce quIsraël réplique dune façon ou dune autre. La guerre qui devait commencer en Octobre était prévue pour commencer dune manière très brutale, avec un effet de surprise totale, sans aucun prétexte, et Israël navait pas besoin dun mobile, étant donné quil jouit du soutien absolu de lAmérique. Cette guerre, en Octobre, aurait été considérée comme une guerre contre le terrorisme, et donc comme une guerre totalement légitime, sans même quil fût besoin dun motif ni dune quelconque nécessité de se justifier, ni de quoi que ce soit dautre
Oui, jétais sincère et transparent, quand jai dit quau moment où nous avons décidé de procéder à lopération des deux prisonniers, nous navions pas lintention dentraîner Israël dans un conflit rapproché au mois de juillet, sans attendre jusqu'au mois doctobre. Bien entendu, tel nétait pas notre objectif. Nous savions quun jour, le jour venu, choisi par eux, les Israéliens et les Américains nous feraient une guerre totale, visant à en finir avec nous militairement et à nous exterminer, physiquement. Mais, bien entendu, nous ne savions pas quand cela adviendrait, et nous nous contentions de suivre le plus attentivement possible la conjoncture et les développements politiques. Quand on te demande de revenir au 11 juillet et que tu tentends dire que lopération de capture de soldats israéliens allait nécessairement entraîner une guerre qui causerait toutes ces destructions et la mort de tant de martyrs, etc., si je répondais que « oui », cest-à-dire que, même si nous avions anticipé tout cela, si nous avions su que la capture de deux pékins israéliens allait entraîner cette guerre à une échelle tellement incroyable, si je répondais que oui ; nous aurions, malgré tout, procédé à cette opération, à ces enlèvements, je mentirais. Des gens mal intentionnés à notre égard ne manqueraient pas de dire, alors : « Regardez-les ! Peu leur importent le pays et le sang des braves gens ! »
Très simplement ; jaurais pu me défiler, esquiver cette question. Je pourrais le faire, aussi, là, maintenant, et affirmer quen tous les cas, la guerre na rien à voir avec la capture de deux soldats israéliens. Mais, parce que je sais que cette question taraude les gens et quelle a été soulevée fortement tout au long de la guerre, je considère quil est de ma responsabilité sincère dy répondre. Si nous avions, lorsque nous avons procédé à lopération des deux prisonniers, au moment où nous lavons effectuée, escompté comme conséquence la guerre, alors je laurais dit, jaurais répondu à la question par laffirmative.
Mais ces propos, dans quel contexte ont-ils été tenus ? Ils ont été tenus dans un contexte dans lequel cette supposition étant totalement inconcevable, dans un contexte où personne, où que ce soit dans le monde entier, ayant étudié, évalué et analysé la situation prévalant à lépoque naurait pu supposer que lenlèvement de deux soldats aurait entraîné une guerre dune telle intensité, pour la simple raison, encore une fois, que la guerre navait strictement rien à voir avec lenlèvement de ces deux soldats Cette guerre échappe à toute logique, à toute mesure, à toute loi, à tout critère. On na jamais vu, dans toutes les expériences tirées des guerres arabo-israéliennes et de la résistance, dans son combat contre Israël, dans toutes les expériences des conflits enregistrés par lhistoire, où que ce soit dans le monde, que la capture de deux soldats entraîne un quelconque conflit. Certes, lenlèvement a été mis à profit pour avancer le déclenchement dune guerre programmée. Mais, de notre point de vue, cela nous a été profitable, et cela sest avéré dans lintérêt du Liban. La capture des deux soldats israéliens a précipité une guerre qui, de toute manière, aurait eu lieu, un peu plus tard ; il a avancé le déclenchement dune guerre inévitable, absolument certaine.
Cest pourquoi, si je voulais utiliser des expressions insécables et impossibles à tronquer, je dirais que nous navons pas commis derreur dappréciation et que nos calculs étaient précis et exacts, et aussi que nous ne regrettons rien, que je nai dailleurs tenu aucun discours contrit ni défaitiste, comme lont inventé certains Israéliens. Au contraire, mon discours était un discours de victoire, dès le premier jour de la guerre. Le premier jour, alors que le ciel était obscurci de nuages noirs, jétais confiant en la victoire ; la victoire allait venir. Là-dessus, tous les experts un tant soit peu objectifs sont aujourdhui unanimes, quand ils procèdent à lévaluation de ce qui sest passé durant cette guerre et je pense cela, je lai dit à plusieurs reprises que ce qui sest produit, tant en matière du moment où la décision de procéder à lopération a été prise, que de ses conséquences, résulte dune volonté divine que nous réussissions, et dune faveur de la bonté divine et que, si nous navions pas fait cette opération, si nous étions restés inactifs et inattentifs jusquau mois doctobre, le Liban ne serait plus le Liban, et dune manière ou dune autre, comme la dit le Dr. Talal Salman (mais dans un sens tout à fait opposé à celui qui prévaut aujourdhui) Israël ne serait plus non plus Israël (mais, là encore, dans des termes entièrement opposés) Dans cette hypothèse, en octobre, grâce à lélément de surprise et grâce à la possibilité qui aurait été sienne de tirer avantage de bien dautres facteurs, Israël aurait pu parier sur la destruction de la résistance au Liban et cela aurait entraîné au final la soumission du Liban à Israël et aux USA ; cela aurait conduit à un horizon impitoyable et dangereux pour la résistance palestinienne, cela aurait gravement menacé la position de la Syrie, et cela aurait remis en question tout possibilité dune résistance quelconque, dans lensemble du monde arabe. Cest pourquoi, je le répète : nous ne regrettons rien ; nous navons commis aucune erreur et nos estimations étaient fondées et exactes. Ce qui sest produit est beaucoup plus important que les estimations des conséquences de nos intentions. Oui, je laffirme : si nous avions fait limpasse sur tous ces projets, sur tous ces aspects fondamentaux pour notre cause, si nous étions restés planqués dans notre coin et si nous disions que si nous avions escompté de telles conséquences, nous aurions fait lopération ou que nous ne laurions pas faite, évidemment la réponse logique aurait été de ne pas la faire Si nous cantonnons le sujet à la seule opération de lenlèvement des deux soldats, et à la réaction à cette opération, ce qui sest réellement passé au Liban au mois de juillet se retrouverait totalement à lextérieur de ce contexte et de cette logique.
TS : Il se dit quil y aurait eu une réaction israélienne disproportionnée à lenlèvement, par des Palestiniens, dun soldat israélien, à Gaza, avant le 12 juillet. Vous navez pas été averti ?HN : Nous étions prêts Nous étions suffisamment préparés, et ce qui sest passé est ce à quoi nous nous attendions. Nous nous attendions à une réaction de représailles limitées Ce qui sest passé est [bien] resté dans les limites prévues. Les Israéliens nont pas envahi, ni détruit la bande de Gaza ; ils nont pas fait, à Gaza, ce quils ont fait au Liban. De plus, il faut tenir compte du fait que lenlèvement du soldat israélien à Gaza était beaucoup plus humiliant, pour les Israéliens, que la séquestration de leurs deux soldats, au Liban.
En tenant compte [toutes proportions gardées] des possibilités existantes chez les Palestiniens, en comparaison à celles de la Résistance au Liban, les représailles à Gaza nont pas été [démesurées]. Nous nous attendions à ce que la réaction israélienne soit au Liban comparable, voire totalement identique, à ce quelle avait été à Gaza, ou, à la rigueur, un peu plus intense. Mais ce à quoi ont procédé les Israéliens au Liban ne fut pas une réaction, mais bien une action préméditée et arrêtée dont on a simplement avancé le déclenchement. En ce qui concerne les martyrs, une étude statistique effectuée avant lenlèvement [de Gilad Shalit, NdT] a montré que, chaque mois, de trente à quarante Palestiniens tombaient en martyrs. Et rien, en la matière, na été modifié [après lenlèvement]. A ce propos, je dirai que je comprend à la rigueur pourquoi Israël sarroge le monopole sur ce fief, pour quOlmert, par exemple, puisse en profiter pour tenter de réengager des négociations, ce qui pourrait laider à se débarrasser de la commission denquête israélienne (sur les dysfonctionnements de loffensive au Liban, NdT) ou de ses nombreux problèmes Bien entendu, quand je me suis exprimé publiquement, je ne parlais pas de cela ; je parlais avec la sincérité et avec la transparence dont les gens avaient besoin, auxquelles les gens aspiraient. Mais, résultat : on ma dit, et jai lu dans la presse quOlmert essayait dexploiter cette phrase à son avantage, et peu mimporte : quOlmert en profite, je nai rien contre ! En effet, si on nous donne le choix entre le fait que ce soit un chef de gouvernement cinglé, stupide et faible qui continue à gouverner lentité et entre un autre Premier ministre à sa place, fort et capable bien entendu, nous préférons garder le chef de gouvernement cinglé et stupide !
Si Olmert peut tirer profit de citations tronquées de mon discours, je nai rien contre. Mais je regrette que ceux qui comprennent très bien larabe et qui comprennent que cette phrase sinsérait dans le contexte dun exposé cohérent et quil nétait pas convenable de lextraire de son contexte naturel aient pu extraire cette phrase et la mettre au service de leur lecture erronée des événements au Liban, cest regrettable tout simplement regrettable. Sans plus.
TS : Après ladoption de la résolution 1701, le paysage politique se caractérise par de nombreuses ambiguïtés. Résolution ambiguë et paysage politique ambigu. Ne vous coupez-vous pas de toute possibilité détudier laprès-1701 lorsque vous insistez sur la priorité, pour la Résistance, de conserver ses armes ?HN : Il y a deux volets. Le premier a trait à la situation à laquelle peut aboutir une stabilisation de la situation dans le Sud. A mon avis, les choses sont claires : larmée libanaise poursuit son déploiement dans la région frontalière, et on suppose qualors les forces israéliennes se retireront et que celles de la FINUL renforcée prendront leurs quartiers dans les sites choisis dun commun accord avec larmée libanaise et aussi avec le gouvernement libanais. Au Sud du Litani, jusquà la frontière internationale, il y aura larmée libanaise et des forces de la FINUL. Quant à la Résistance, sa politique consiste fondamentalement à éviter toutes les manifestations et défilés armés. Désormais, lengagement implicite et la politique publique ne suffisent plus : il faut quil y ait un engagement personnel et implicite envers larmée libanaise et envers lÉtat libanais.
Ceci signifie que nous aurons une situation dans le Sud du Liban, cest-à-dire au Sud du Litani, semblable à celle prévalant au Nord du Litani. Avant le 12 juillet, il y avait, au Nord du Litani, une armée libanaise et un État libanais étendant sa souveraineté dans tous les domaines. Et la résistance était aussi présente, mais de façon implicite. On aura désormais la même situation au Sud : la Résistance restera présente, de manière implicite et par conséquent larmée libanaise donc, lÉtat libanais de par sa présence au contact immédiat des frontières sera, par définition, responsable : elle devra sopposer à toutes les violations israéliennes. Jai dit, et je répète, que la résistance aura désormais pour rôle essentiel de soutenir larmée libanaise, qui sera désormais, conformément à la résolution, présente au long des frontières du pays. Mais, assurément, si les Israéliens se pointent, comme cela sest produit par exemple à Budaï, pour procéder à un parachutage dans telle ou telle localité du Sud ou de la Beqâ, la résistance est présente, et bien présente, même si sa présence est secrète La résistance, ce sont les enfants de cette localité du Sud ou de la Beqâ, qui sopposeront au parachutage israélien. Et la résistance nattendra pas, pour relever ce genre de défi, lautorisation de quiconque, car il sagit de légitime défense. Mais, dune manière générale, cest larmée qui est chargée de sopposer aux violations, par sa présence sur les frontières. La Résistance devient dès lors une force auxiliaire de soutien, pour larmée. Je ne pense pas quil y aura de problème, car la résistance est sincère dans se ses engagements, dune part, et disciplinée dans sa manière de servir, dautre part. Il peut exister une résistance dont la direction soit engagée, mais dont lencadrement et les hommes seraient indisciplinés. Cela peut provoquer des problèmes sur le terrain, aux conséquences redoutables. Mais en ce qui concerne notre résistance, cette question est résolue. La décision émanant du conseil des ministres, après un débat approfondi, est une décision claire, qui définit la mission de larmée libanaise dans le Sud du Liban. Or le désarmement de la résistance ne fait pas partie de cette mission impartie à cette armée, de même que sa mission ne comporte pas lespionnage de la résistance ni les fouilles de ses dépôts darmes.
Il ny a donc aucune raison pour quil y ait un quelconque problème : lÉtat-major de larmée est engagé vis-à-vis de cette décision, tant en ce qui concerne son niveau idéologique que sa discipline en tant quinstitution officielle. La mission de larmée, dans le Sud, cest de défendre la patrie et de protéger les citoyens, leurs biens, leurs moyens de subsistance et leur sécurité. Il nexiste donc pas de points de frottement [avec nous, qui seraient] susceptibles de créer des problèmes. La FINUL renforcée, daprès ce qua déclaré le Secrétaire général de lOnu sauf nouvelle résolution na pas pour mission désarmer le Hezbollah. Sa mission consiste à épauler lÉtat libanais, à laider à étendre sa souveraineté et à soutenir larmée libanaise. Il ny a donc aucun problème. Je pose comme principe quil nexiste aucune cause dun quelconque problème ou dun quelconque dysfonctionnement. Par conséquent, la situation intérieure au Sud Liban retrouvera sa stabilité des six années écoulées, avec comme changement, le fait que sera présente sur la frontière larmée chargée de sopposer aux violations, et cela nincombera pas à la résistance, qui, elle, nest pas directement chargée de sopposer aux violations de la frontière. Cest la raison pour laquelle je suis serein, et absolument pas inquiet.
Le deuxième volet a trait à larmement de la résistance, après la guerre, comme avant la guerre. Nous ne disons pas que cet armement ne puisse faire lobjet de discussions ; cela reste un objet de dialogue. Le président [du Parlement], Nabih Berri, a annoncé dans son dernier discours, en son nom personnel et aussi en notre nom, quau nombre des priorités de létape qui souvre devant nous, il y a les discussions en vue de parvenir à un accord, sur le plan national, sur une stratégie nationale de défense tirant profit de la très importante expérience que représente la guerre que nous venons de mener. Par conséquent, il faut poursuivre la discussion de cette question, et avancer. Restent à déterminer les modalités de cette discussion Mais quant à lessence, quant au principe, il faut poursuivre létude de cette question au moyen de la discussion. Nous navons jamais écarté quiconque de ce débat. Même au cours de ma dernière interview avec la presse, jai dit que nous ne voulions pas conserver cet armement jusquà la Saint-Glinglin. La résistance est venue remplir le vide laissé par la carence de lÉtat libanais. Alors : allez-y [là, je propose une solution sera-t-elle acceptée, ou non, je nen sais rien ] ; allez-y : inventez-nous cet État fort, puissant et résistant, capable de rassurer le peuple et de le protéger ! Voilà qui pourrait servir dentrée en matière à un débat sur le devenir des armes de la résistance Il est possible de trancher la question du devenir de ces armes. Donc : nous sommes toujours ouverts à toute formule sur laquelle on puisse tomber daccord sur le plan national, en vue de discuter cette question et de la régler.
Nous navons absolument pas fermé la porte au nez de qui que ce soit, et nous sommes prêts pour ce débat, non seulement dun simple point de vue théorique comme avant la guerre [mais] en nous fondant sur lexpérience acquise par la résistance [à loccasion de sa victoire] et aussi, déjà, en lan 2000 De plus, je suis convaincu que la dernière guerre nous a apporté une expérience très importante expérience que le Liban doit mettre à profit pour formuler sa stratégie défensive. Bien plus : le Liban doit aussi mettre à profit cette expérience [acquise par la résistance] dans sa méthodologie de reconstruction de larme libanaise et de renforcement de cette armée, ainsi que de son équipement et de son armement, si nous voulons rendre cette armée suffisamment forte pour pouvoir tenir face à Israël, afin que nous ne dépensions pas des sommes folles, dune manière anarchique, et en pure perte.
TS : Que deviendront les armes, je veux parler, en particulier, des missiles et des roquettes ? Cette question est-elle actuellement à létude ?HN : En tout cas, depuis 1996 après lagression israélienne déclenchée au mois davril de cette année-là , ces fusées étaient présentes au Liban, et elles nont pas été employées avant 2006 : ceci signifie que, pendant dix ans, elles ne lont pas été. Fondamentalement, ces fusées nétaient pas destinées à une utilisation opérationnelle quotidienne, jusquau jour où il y a eu des opérations quotidiennes Ces fusées sont [normalement] utilisées au moment de léclatement dun conflit, comme cela avait été le cas en 1993, en 1996 et, enfin, en 2006 [au début de la guerre]. La résistance avait donc un principe : ne recourir à ces fusées quen cas dagression israélienne et de lancement, par Israël, dune guerre contre le Liban.
fusées ? Quen faisons-nous ? Cest très simple : nous les gardons, comme nous les avons conservées, de 1996 à 2006, sans les utiliser pour autant Nous conservons ces fusées, parce quelles sont destinées à nêtre utilisées quen cas dagression militaire [israélienne] massive contre le Liban. Sil se produit une nouvelle agression contre le Liban, bien entendu, il est de la responsabilité de larmée libanaise de défendre le Liban, et la résistance a, elle aussi, pour mission de défendre le pays, en tant que résistance populaire. Mais cest larmée qui décide de cela. Nous préférons, en tout état de cause, que cette question ne soit pas examinée dans ses moindres détails ; nous préférons ne pas nous lancer dans cette discussion Nous ne souhaitons pas nous entendre dire : « Ces fusées, là : quen faisons-nous ? » ; « Ces jeunes combattants, ici : quen faisons-nous ? » ; « Tel ou tel type darmes : quen faisons-nous ? » Une discussion en détail de cette question serait une discussion oiseuse, éloignée de la pratique, du réel bref : une discussion inutile.
Il est préférable dentamer une discussion globale. De dire, à la lumière de ce qui sest passé et de toutes les expériences accumulées, que le Liban est concerné par son existence, par sa structure [démographique et communautaire, NdT], par son indépendance, par sa souveraineté, par sa sécurité face à toute guerre quIsraël pourrait à nouveau provoquer, à lavenir.
La nouveauté, cest que, désormais, larmée libanaise est présente au long des frontières. Cela nétait pas le cas, avant le 12 juillet. Daprès lexpérience acquise, comment le Liban pourra-t-il se défendre, avec les [maigres] moyens à sa disposition ? Nous poursuivrons le débat déjà engagé à ce sujet. Je pense quun débat général permettra de meilleurs résultats, et de servir les intérêts du Liban, sans pour autant nous plier aux exigences dIsraël.
TS : En cas dabsence de décision politique permettant à larmée de répliquer aux violations [du cessez-le-feu et aux agressions israéliennes, quelle serait la position de la résistance, à lavenir ?HN : Le conseil des ministres a donné pour mission à larmée de défendre le Liban, notamment dans le Sud.
TS : A la lumière de ce qua dit le président [du Parlement] Nabih Berri, au sujet de la résistance, qui doit se poursuivre tant que les Fermes de Shebaa et que les collines de Kafr Shouba seront occupées, quelle sera la position du Hezbollah, sur le terrain, en ce qui concerne la poursuite de loccupation des Fermes de Shebaa par Israël ?HN : Notre position politique est connue, et elle est claire. Cette terre est une terre libanaise occupée, et il faut que cette terre soit restituée au Liban. Cest la responsabilité de lÉtat libanais, comme il était de sa responsabilité, en 1948, de défendre le territoire libanais et, ensuite, de récupérer chaque arpent du territoire libanais occupé en 1978 ou en 1982 et, jusquà ce jour, il est de la responsabilité de lEtat libanais de récupérer ces territoires. Dès lors que lEtat veut bien assumer ses responsabilités, la résistance doit le soutenir ; mais si lEtat veut en revanche se débarrasser de cette responsabilité, il devient de la responsabilité de la résistance de satteler à la résolution de ce problème.
Résister est notre droit légitime ; mais allons-nous exercer ce droit ici et maintenant ? Non ; cest une question de temps. Vous avez sans doute remarqué que, de 2000 à 2006, tout en réaffirmant ce droit, nous avons eu un comportement différent, en ce qui concerne les fermes de Shebaa, de celui que nous avions eu antérieurement à 2000, pour différentes raisons politiques, sécuritaires et logistiques. Cest la raison pour laquelle nous nous contentons de dire, comme la dit également le président Nabih Berri, que la résistance est notre droit, que nous devons conserver ce droit et que ces terres doivent nous être rendues. Aujourdhui, on peut nous demander si nous accordons une chance à lÉtat libanais ? Même après lan 2000, lÉtat na jamais cessé davoir des opportunités, davoir « ses chances » ; nous navons pas ouvert de front secondaire dans les fermes de Shebaa, ni nous navons monté dopérations quotidiennes dans ces fermes. Les opérations que nous y effectuions, nous les appelions « opérations de rappel » ; ces opérations étaient espacées les unes des autres dans le temps, de plusieurs mois. Nous sortons, aujourdhui, dune véritable guerre, et nous néprouvons aucune impatience à effectuer des opérations dans les fermes de Shebaa. Mais nous affirmons bien haut que nous en avons le droit, et que personne ne saurait offrir des garanties et des assurances sécuritaires aux Israéliens, qui continuent à occuper une partie de notre territoire. Aujourdhui, lÉtat et le gouvernement peuvent prendre linitiative Quoi quil en soit, nous suivons cette question [des fermes de Shebaa] et nous verrons bien comment les choses évolueront. Après la guerre, il faudra reconsidérer de manière équilibrée la politique et lorganisation militaire du parti, dans le sens où le parti [le Hezbollah, NdT] avait ses positions, ses abris, ses munitions et ses armes, il combattait sur le front, et où, désormais, ce front a été refermé. La mission militaire du parti de la résistance nest plus, désormais, sa priorité absolue.
TS : Comment imaginez-vous la transition entre létape actuelle, où laspect militaire était prédominant, et larène politique ? Quel rôle aura le Hezbollah après la guerre de Juillet 2006 ?HN : Le Hezbollah na peut-être pas besoin de cette mutation dramatique sur le plan organisationnel, car, tous les trois ans, le parti a procédé à des congrès dévaluation en vue de la réorganisation et du développement de son appareil et de ses capacités et dapporter les réformes adaptées à sa structure, correspondant à lexpansion constatée sur le terrain, tant sur le plan politique que sur le plan populaire ou encore sur celui de la définition des missions.
Par conséquent, nous ne sommes peut-être pas confrontés à une mutation tellement importante, étant donné que la structure du parti, en particulier à partir de 1990 et depuis lors était celle dune organisation militaire concernée par la résistance, ne soccupant que de cela, et dont cétait lunique mission ; et puis il y avait, parallèlement, un autre organisme, tout aussi important, organisationnel, populaire et politique, qui se consacrait entièrement à ces tâches. Aucun de ces deux corps nétait influencé négativement par lautre ; au contraire, ils sinfluençaient mutuellement de manière positive et synergique. Jexplique : les réalisations de la résistance profitaient à lautre corps [politique], grâce à son apport en matière de polarisation et de participation populaires, defficacité politique et dactivité informationnelle. Cet apport en matière dadhésion populaire et en présence politique assurait un surcroît de capacité au corps combattant [ar. jihâdiyy, NdT] au sein du Hezbollah.
Le Hezbollah avant et après le 12 juillet 2006, dessin de Renaud Bedard, Canada, 24 août 2006. Source : irancartoon
TS : Une reconsidération de la structure organisationnelle du Hezbollah est-elle possible, dès lors que lénorme acquis du parti au plan national libanais et au niveau arabe en général est de nature à se faire reconnaître au-delà de la communauté chiite ?HN : Jimagine quil sera possible, sur la base de lexpérience acquise au cours de cette dernière guerre, de repenser beaucoup des idées et des programmes du Hezbollah, en particulier en ce qui concerne les relations politiques et laugmentation des possibilités den nouer de nouvelles et de les développer et / ou den ouvrir de nouvelles au niveau de la totalité du territoire libanais. Parmi les aspects positifs de ce qui sest passé durant cette guerre, il y a le fait que les contacts avec les autres forces et les autres courants politiques ont débordé des cadres officiels et des états-majors des partis, par la force des choses, et non plus dune manière planifiée par qui que ce soit. Quand les réfugiés sont partis se mettre à labri dans dautres régions du Liban que la leur, il sest produit, dans un contexte sécuritaire et humain extraordinaire, un surcroît dinteraction avec dautres citoyens libanais : avec des sunnites, dans les régions sunnites ; avec les chrétiens, dans les régions chrétiennes ou encore avec les Druzes, dans les régions druzes. Et on a pu parfois faire état à de rares exceptions près des impressions positives que les réfugiés ont rapportées, une fois retournés chez eux, qui étaient des impressions positives et parfois excellentes. Et même si on a pu qualifier parfois cette solidarité de solidarité [purement] humaine, et non de solidarité politique, cest une des réalisations, une des bénédictions les plus importantes de cette guerre, car, à ma connaissance, le Liban navait plus connu, depuis des lustres, une telle solidarité humaine, en particulier quand on se souvient des convulsions intérieures et de la guerre civile qua connue le Liban, ainsi que ce qui la précédée, et que la période qui lui a succédé.
Sans doute, daucuns, en qualifiant cette solidarité libanaise dhumaine et de non-politique, ont-ils voulu en diminuer limportance et la valeur. Mais, en ce qui nous concerne, nous ne minimisons pas la valeur de cette solidarité, car nous voyons dans cette solidarité humaine une grande valeur, non moins importante que celle de la solidarité politique. Et puis il y a aussi un autre aspect : ceci [cette minimisation] sest produit au lendemain de propos tenus tant à lintérieur quà lextérieur du Liban, selon lesquels le Liban aurait été au bord de la dissension interconfessionnelle, voire de la guerre civile.
Et voici quon nous présentait soudain un tout autre tableau que celui dune solidarité populaire, dans laquelle les communautés, les régions et les gens souvraient mutuellement à lautre dans des circonstances particulièrement sensibles et dans le contexte de questions particulièrement difficiles à résoudre. Cette donnée [nouvelle] laissera assurément une marque très profonde sur la mentalité du Hezbollah, sur sa compréhension des choses, sur son fonctionnement, sur son action et sur ses relations ; je veux dire que cela conduira au développement et à lamélioration de cette cohésion et de cette interaction sociales [et sociétales].
Naturellement, il y a une chose que nous avons évoquée et à laquelle il faut prêter une certaine attention, cest notamment le fait que le Hezbollah, tant sa direction que ses adhérents appartienne majoritairement voire quasi exclusivement à la communauté chiite et que, par conséquent, le développement organisationnel en ce sens [celui de louverture et du pluralisme, NdT] qui a été évoqué au cours de plus dun débriefing, doit tenir compte de certaines sensibilités, dans le contexte de la situation prévalent aujourdhui au Liban, y compris en ce qui concerne nos prises de contact, en raison des complexités politiques internes particulières au Liban.
Par exemple, nous avons demandé à un certain nombre de nos [= du Hezbollah, NdT] responsables politiques et de nos chargés de relations publiques détablir des relations directes y compris avec les familles cest-à-dire que nous serions allés chez les familles et que nous aurions rencontré les notables de ces familles, pour nous présenter à eux, leur donner des explications et répondre à leurs questions, ceci, afin détablir avec ces notables des relations directes. Cest là un droit tout à fait naturel, et il faut que cela soit possible, au Liban ; je veux dire : il faut que les relations entre les chiites et les sunnites, ou entre les sunnites et les chiites ne passent pas obligatoirement par lintermédiaire des leaders, ni des partis, ni des cadres politiques ; il faut que ces relations soient des relations populaires et directes. Malheureusement, nous avons constaté que ce genre dinitiative risquait de susciter certaines susceptibilités qui étaient de nature à les mettre au grand jour dune manière indésirable ; on aurait aussi pu dire en effet que le Hezbollah voulait faire de lentrisme dans le domaine sunnite, et cest là la moindre des incriminations de certains, selon lesquels le Hezbollah aurait eu pour projet de falsifier le sunnisme en chiisme et dappeler certains sunnites à se faire chiites. Ce sont là, bien entendu, des mensonges et des billevesées sans aucun fondement.
Quoi quil en soit, nous comprenons ces sensibilités et ces susceptibilités, et je suis personnellement daccord avec ce que vous avez noblement évoqué dans votre question : le Hezbollah doit absolument sadresser plus quil ne la fait jusquà présent aux autres communautés confessionnelles, aux autres courants. Nous avons, par exemple, une évaluation positive sur plus dun domaine ; par exemple, pour parler des chrétiens, il faut savoir quavant même la guerre, depuis environ un an et demi, nous avons avec une partie dentre eux des relations solides, quil sagisse de certains partis politiques [de la tendance nationaliste, selon les anciens clivages] présents au sein des partis nationalistes libanais, ou orientés à gauche, ainsi quavec des chrétiens des régions de Zghorta et dEhden, par exemple. Ancienne, aussi, la relation que nous entretenons avec lancien Premier ministre Soleïman Frangié, dont le leadership est excellent et réel ; personne ne peut en ignorer limportance et la grande représentativité. Il y a aussi le mouvement des Maradah [= les Révoltés, NdT] : cela apparaît jusque dans le communiqué institutionnel quil a publié récemment, à loccasion de sa re-formation, et où il est question des armes de la résistance, des armes du Hezbollah, dans les mêmes termes que ceux du Hezbollah, ce qui signifie quil y a entre nous une totale identité de vues sur ce plan-là. A propos des régions chrétiennes et de la façon dont les réfugiés y ont été accueillis, nous pouvions nous attendre à ce que ces relations fussent excellentes à Zghorta et à Ehden, en raison, dans ces deux localités, dune alliance ancienne entre nous et le ministre Soleïman Frangié, et nous avons constaté dans ces régions une sympathie sincère et très intense, dont nous les remercions ; la même chose sest produite dans dautres régions, où sont présents certains politiques [alliés], et cest là quelque chose de logique et naturel.
Ce que daucuns sétaient imaginé, cest que nos relations qui sétaient ouvertes, récemment, avec le courant nationaliste était des relations purement formelles et officielles. Mais en réalité, il sest avéré quil sagissait dune relation populaire et naturelle, spontanée. Cela sest manifesté très clairement au travers de la guerre, et en particulier dans la manière dont a été traité le problème des personnes déplacées.
Même quand nous allons dans les institutions dépendant du Patriarcat, cest-à-dire dans les monastères et dans les écoles, je peux dire, dune manière générale, quaujourdhui, lélan du Hezbollah, la confiance du Hezbollah, la conviction qui est celle du Hezbollah, cest quil faut ouvrir et interconnecter nos relations et les renforcer avec les milieux chrétiens quil sagisse damitiés anciennes, ou de ces amitiés apparues au cours de la période difficile que nous venons de traverser, ou encore de la recherche de nouvelles relations et de nouvelles amitiés. Je vous affirme que cette conviction [chez nous] est encore plus forte, après cette guerre. De même, dans le milieu sunnite, même si notre attachement à nos relations dans ce milieu est ancien et plonge ses racines dans les spécificités du Liban et dans celle du monde musulman, ainsi que dans les répercussions qua cette spécificité [locale] sur les relations chiito-sunnites où que ce soit dans le monde. Même chose en ce qui concerne les druzes, tant ceux qui étaient dans le même camp que nous durant cette guerre quune partie de ceux qui ont des désaccords [littéralement : des observations ar. mulâhaZât, NdT] politiques ou avec lesquels nous sommes en opposition sur le plan politique les druzes se sont montrés solidaires sur le plan humain, et cest là quelque chose que nous ne saurions nier ou oublier.
TS : Les Chiites avaient-ils un projet particulier à travers le Hezbollah qui aurait fait quon aurait tenté de frapper celui-ci durant le dernier conflit ?HN : On parle tout le temps de je ne sais quel «projet particulier », et cela nest pas la réalité. Le projet du Hezbollah a été proclamé ; il est connu. Le Hezbollah a une vision déclarée, sur le plan politique, et nous ne cessons de réitérer notre position : le Hezbollah est sans doute le parti qui sexprime le plus, à travers des discours, notamment ; cest un parti qui a une présence médiatique forte, qui exprime ses convictions, ses points de vue ; cest un parti, aussi, qui a un programme qui a été ouvertement présenté au public à toutes les élections programme électoral que le parti a immédiatement entrepris, une fois élu, de traduire en programme et réalisations politiques.
Certains nous invitent à nous engager aujourdhui au sein de lÉtat libanais à ceux-là, nous disons que nous avons participé aux élections en 1992, alors queux, en revanche, ils les ont boycottées Nous, nous avons participé aux élections de 1996 ; et eux, ils les ont boycottées Mais voilà les mêmes, aujourdhui, qui font de la surenchère sur nous, et qui nous convient à nous engager dans le projet de lÉtat. Nous navons pas de projet particulier et nous disons, quant à nous, de manière très claire et là, ce nest pas, vous pouvez me croire, de la langue de bois politique, mais bien un discours intellectuel qui sappuie sur des fondements philosophiques et religieux, et pas seulement sur un vocabulaire purement politique que nous nous inscrivons dans la vision religieuse islamique cette vision unanime chez tous les musulmans cest-à-dire dans une vision qui est musulmane, et qui nest ni (simplement) chiite, ni (purement) sunnite. Nous affirmons que les gens ont besoin dun imâm [un guide, NdT]. Dans le langage daujourdhui, un imâm, cela veut dire un ordre, une organisation ; cela veut dire un État. Aucun groupe humain ne peut vivre sur un territoire déterminé sans État, en étant dépourvu de lidentité et du contenu de cet État. Il y a toujours eu, en permanence, une disputation juridico-théologique [niqâsh fiqhiyy] sur le point suivant : quand il y a à trancher entre un régime politique faisant lobjet de beaucoup de critiques et dobjections, dun côté et, de lautre côté, lanarchie et / ou la guerre civile, que doit-on faire ? Certains considéraient que la chose principale, fondamentale, essentielle [al-açl], cétait lexistence dudit régime politique [quel quil soit], et quil fallait à tout prix éviter de tomber dans lanarchie ; quil était préférable dendurer tous ces aspects négatifs, plutôt que dencourir le risque de connaître encore bien pire la guerre civile.
Nous affirmons aujourdhui que tous les Libanais ont besoin de sérénité, de tranquillité. Quand certaines personnes viennent au Liban et disent : « Nous avons peur de vous ; rassurez-nous ! », je tiens à leur répondre : « Et moi aussi, jai peur de vous ; rassurez-moi ! » Tout le monde, au Liban, a besoin dêtre rassuré ; cela est dû au fait que le Liban était et quil se trouve encore aujourdhui, bien entendu sur la faille sismique locale, régionale et mondiale. Cest le résultat des immixtions étrangères dans nos affaires en particulier des immixtions américaines et israéliennes.
TS : Parlons maintenant, si vous le voulez bien, de vos relations avec lArabie saoudite, en particulier depuis la publication, par ce pays, des premiers communiqués évoquant (de votre part) un aventurisme inconsidéré. Quelles sont vos relations avec Riyad ? Y a-t-il des rancunes, une interruption dans les contacts, dans léchange des points de vue ? Ou bien, au contraire, ce qui sest passé a-t-il été seulement passager ? Avez-vous repris contact avec les Saoudiens ?HN : En ce qui concerne les prises de position saoudiennes, au début du conflit, et aussi en ce qui concerne la déclaration émanant du sommet égypto-jordanien, sans oublier latmosphère générale de la première réunion des ministres arabes des Affaires étrangères au Caire, le moins quon puisse dire et je mesure mes propos cest que nous étions parfaitement fondés à protester, et quils nont aucun droit à être attristés ou à geindre !
Je ne veux pas leur dire quelle évaluation nous faisons de leur position, en particulier en ce qui concerne ce fameux « aventurisme inconsidéré » et les propos du même acabit. Je les renvoie à Monsieur Ehud Olmert soi-même, qui leur expliquera de quelle manière les Israélo-Américains ont utilisé ces déclarations et prises de positions pour justifier leur guerre dagression contre le Liban. Même si, bien sûr, comme nous le savons, les Israéliens se sont prévalu de bien pire encore que ces déclarations arabes officiellement proclamées, puisquils ont parlé de contacts que certains gouvernements arabes avaient établis avec eux pour bénir leur guerre contre le Liban et les exhorter à la mener sans relâche et sans faiblir, jusquà ce que le « Hezbollah soit liquidé » !
A ce sujet, je dirai que cest là ce que les Israéliens prétendent ; nous ne sommes absolument pas disposés à les croire sur parole, sur ce point.
Mais, à la lecture des prises de position arabes officielles, proclamées, sur la guerre du Liban et sur la résistance des déclarations que ces gouvernements ont diffusées officiellement, par la voie diplomatique je me limiterai à leur dire ceci : que vous layez voulu, ou non, votre de prise de position a servi de couverture à lennemi ou, dans le meilleur des cas, elle a représenté un abandon du Liban et de la résistance libanaise cette résistance dont vous aviez pourtant tous déclaré, en 2000, que vous étiez fiers delle, et que vous aviez félicitée pour sa victoire. Aujourdhui, nous ne voulons pas nous arrêter trop longtemps sur ce qui sest passé de fâcheux. Nous en prenons note et nous nous efforçons den tirer les leçons.
En ce qui concerne les pays arabes envers lesquels nous avons certains reproches à faire, en raison de leurs prises de position à tout le moins inamicales, nous pensons quil est naturel que ces pays sefforcent, comme nous nous y efforçons de notre côté, de restaurer nos relations dans lintérêt arabe et islamique, ainsi que dans lintérêt national de tous les pays concernés.
En ce qui concerne les frères saoudiens, sil existe un reproche, il est plus grave ; car nous avions avec eux une relation développée et parce que javais rencontré à de multiples reprises lambassadeur dArabie saoudite à Beyrouth, le Dr. Abd al-Aziz Khujah, ainsi que des responsables saoudiens de passage à Beyrouth. Par ailleurs, le roi Abdullah Ibn Abd al-Aziz a eu de bonnes paroles, à plus dune occasion, tant au sujet du Hezbollah, dune manière générale et de la résistance quà mon égard. Si bien quune semaine encore avant le déclenchement de la guerre, on a pu faire état de ses propos selon lesquels Hasan Nasrallah était « son cher fils », « notre héritier sur lequel nous parions » etc, etc
TS : Vous avez été invité en Arabie saoudite, par le passé, et on sest perdu en conjectures quant aux raisons pour lesquelles vous avez décliné cette invitation ?HN : Cest exact ; jai effectivement été invité à me rendre en visite officielle en Arabie saoudite. Ceci ayant été évoqué par les médias, je vais répondre, à ce sujet. Quand lambassadeur saoudien à Beyrouth men a transmis linvitation, je lui ai dit que je lacceptais sous langle politique et fraternel, que jen étais honoré, quaccepter cette invitation ne posait pas de problème politique ; mais que cela posait un problème de sécurité, car [en réalité] je ne pouvais pas me déplacer. Cest si vrai que je ne me suis pas rendu en pèlerinage à La Mecque depuis 1986. Non que je ne désirerais pas effectuer ce pèlerinage, mais, là encore, pour des raisons de sécurité (tout le monde sait bien, dailleurs, que tout musulman, en particulier sil est pratiquant et religieux, ne désire rien tant que de se rendre en pèlerinage à La Mecque. Je suis privé de cette bénédiction, et je ne peux pas non plus effectuer le petit pèlerinage [umrah], bien que linvitation men ait été faite chaque année : à chaque fois, jai dû décliner cette invitation, à mon grand regret, au motif de : la sécurité ] Enfin, bref : limportant, cest que nous navions aucune réserve dordre politique en ce qui concerne cette invitation officielle à nous rendre en Arabie saoudite. Certains responsables saoudiens pensent que ce qui maurait incité à en décliner loffre, cela aurait été des recommandations (plutôt : des mises en garde) iraniennes et syriennes ; ça nest pas tout à fait exact. En tous les cas, lavenir montrera que le mouvement politique le plus indépendant de tous, au Liban, par rapport à tous les axes régionaux et à tous les pays, cest bien le Hezbollah. Mais je tiens à rectifier la déduction erronée de certains responsables en Arabie saoudite : je leur dis que lorsque les Iraniens et les Syriens ont eu connaissance de linvitation saoudienne qui mavait été adressée, ils mont encouragé à lhonorer, me disant que cela permettrait de développer les relations [sic] contrairement, donc à ce que certains responsables saoudiens veulent bien donner à accroire. La réalité, je le répète, cest que lempêchement était purement sécuritaire. Jai dailleurs informé son Excellence lambassadeur saoudien à Beyrouth du fait que je nétais pas personnellement en mesure de me rendre en Arabie, mais que tout frère appartenant au parti [Hezbollah] et représentant son secrétaire général, soit quil appartienne au Conseil de décision [Shûrâ-l-Qarâr], soit quil sagisse du frère ministre Muhammad Fanish, pourrait sy rendre à ma place et me représenter. Jai dit aux Saoudiens quils avaient une liste de ces noms à leur disposition et quils pourraient choisir eux-mêmes le représentant du Hezbollah quils souhaiteraient éventuellement inviter [à ma place], sans que je sois amené moi-même à les mettre dans lembarras en désignant quelquun. Et que ce représentant du Hezbollah [ayant leur agrément] se rendrait en Arabie, où il me représenterait personnellement, tout en représentant également la direction du parti ; que je le chargerais des questions à examiner au cours de cette visite. Mais les Saoudiens ne mont pas répondu. Cétait avant la guerre. Je le répète, par conséquent : les causes [de mon non-déplacement officiel en Arabie saoudite] étaient purement sécuritaires et en aucun cas politiques ; je réaffirme également que nous sommes très attachés à nos relations avec lArabie saoudite et que nous souhaitons les développer et les améliorer.
TS : Puis-je déduire de ce que vous venez de nous expliquer que vous aviez véritablement motif à être mécontents ?HN : Oui. Cest vrai ; cela nous a particulièrement affectés en plus du reste Vous marchez avec nous dans la même direction, et voilà quen des circonstances particulièrement délicates critiques, même , des circonstances dans lesquelles cest notre destin qui est en jeu, vous venez nous dire ce qui nous a été dit ! ? Oui ; nous étions fondés à faire certains reproches. Mais quoi quil en soit, aujourdhui, nous avons des amis communs, au Liban, qui ont uvré à faire en sorte que nos contacts soient renoués et nous navons aucune objection à cela, bien entendu. Bien au contraire : nous avons établi de nombreux contacts ces tout derniers jours et, si Dieu le veut, les choses vont continuer à saméliorer
TS : On ne peut pas dire que le Hezbollah ait réservé un accueil délirant, dans la banlieue Sud de Beyrouth, à lEmir du Qatar ; dautant quon connaît limportance régionale du Qatar, et aussi ses relations particulièrement influentes ?HN : Dune manière générale, nos relations avec lensemble de nos frères des pays du Golfe se sont poursuivies, comme par le passé. En ce qui concerne lEmir du Qatar Celui-ci est le premier dirigeant arabe à être venu nous rendre visite dans les quartiers Sud de Beyrouth, et cest là quelque chose de très important, qui nous touche beaucoup. Cest quelque chose qui a une valeur [symbolique] énorme, à nos yeux. Tout dirigeant arabe qui aura le même geste et viendra nous rendre visite dans la banlieue Sud de Beyrouth, nous laccueillerons de la même manière. Cela tient à notre devoir daccueillir dignement nos hôtes et dexprimer toute notre reconnaissance pour lhonneur quils nous font en venant nous rendre visite et, cela, sans considération aucune pour les appréciations politiques que nous pouvons avoir, par ailleurs.
TS : Pourtant, ça ne semble pas avoir été le cas, avec un dirigeant international aussi éminent que Kofi Annan ?HN : Je pense que limage de « parti de fer » que lon donne du Hezbollah est peut-être exacte en ce qui concerne lesprit de discipline de la plupart des membres de notre parti. Mais, entre nous et la population de la banlieue Sud de Beyrouth, il ny a aucune « discipline de fer » ! Oui, cest vrai : les frères qui ont organisé la visite dAnnan dans les quartiers Sud de Beyrouth ont été surpris par le comportement de certaines personnes envers le secrétaire général de lOnu et la délégation qui laccompagnait. Vous pourrez, en tous les cas, re-visionner les archives vidéo, et vous pourrez vérifier que les personnes agressives qui sétaient rassemblées là pour attendre le passage de Kofi Annan nappartenaient pas au Hezbollah. Cétait de simples citoyens.
TS : Avez-vous, actuellement, des contacts avec les Egyptiens ?HN : Nous en aurons peut-être bientôt. Peut-être les relations redeviendront-elles ce quelles étaient, comme dans le cas de lensemble des relations internationales du Hezbollah ? Bien sûr, nous navons eu aucun entretien bilatéral avec son Excellence lambassadeur égyptien Hussein Darrar ; mais il a sans doute [sic] rencontré certains députés du parti [au Parlement libanais] et cela, plus dune fois.
TS : En ce qui concerne les secours arabes ; sont-ils du niveau que vous escomptiez ?HN : Avec toute notre gratitude et toute notre considération pour les pays arabes qui ont annoncé quils envoyaient ou enverraient des secours au Liban, ce qui a été annoncé nest pas à la hauteur de la [légendaire] générosité arabe, et cela ne couvre pas les besoin du Liban, qui sont immenses, en matière de reconstruction.
TS : Peut-on dire que le [très] chiite Hezbollah serait, pour ainsi dire, devenu le parti chef de file des musulmans sunnites dans la bataille contre Israël ? Quelle évaluation faites-vous de lattitude tant des régimes que des peuples arabes et musulmans par rapport au conflit ?HN : Bien sûr, jai beaucoup lu ou entendu, quUntel [que je ne nommerai pas ] ou que le Hezbollah incarnait désormais une avant-garde arabe ou islamique, ou quelque chose dans ce genre Je tiens à la précision ; or, je nimagine pas que cette _expression soit exacte. Oui, cest vrai : le Hezbollah (comme votre serviteur) jouit aujourdhui dun grand respect dans les mondes arabe et musulman, ainsi que dune grande confiance et dune grande crédibilité. Cest là le fruit de notre tenace résistance [çumûd], de notre victoire, de nos réalisation, et cela tient également au fait que nous affrontions lennemi commun de tous les Arabes et de tous les musulmans : Israël. En ce qui me concerne personnellement, je pense que cela ne va pas plus loin. Quant à lenthousiasme de certains, et à la tentative de présenter les choses de façon à pouvoir parler dun rôle de leader du Hezbollah au niveau arabe, davant-garde déterminée à diriger le monde arabe et à y provoquer des changements révolutionnaires, cest très exagéré, et telle nest pas la réalité
Soit dit entre parenthèses : cela ne fait quaugmenter nos problèmes. Le Hezbollah ne se targue nullement de tout diriger, ni au Liban, ni non plus, a fortiori, dans lensemble du monde arabe. Personnellement, je ne me la joue pas « grand chef ». Ni au sein du Hezbollah, ni a fortiori au niveau du monde arabe considéré dans son ensemble
TS : Quelles risquent dêtre les répercussions de cet état de fait sur votre volonté de couper court à tout risque de guerre de religion entre chiites et sunnites. Lon sait que vous avez énormément uvré à ce quils coexistent en bonne intelligence ?HN : Effectivement, cest ce quil y a de plus important, en ce qui concerne les possibles conséquences redoutables, absolument catastrophiques, de cette guerre. Les points marqués lemportent grandement sur les sacrifices endurés ; il ne faut donc pas que le rayonnement de ces sacrifices courageusement consentis empêche de voir lampleur du succès et de la victoire, qui sont devenus réalité. Et au premier rang des points acquis, il y a la question des relations chiito-sunnites. En effet, le projet fondamental [des Américano-sionistes, NdT], après linvasion américaine de lIrak et cest un projet qui continue à menacer ce pays arabe, et à travers lui toute la nation arabe et toute la communauté musulmane mondiale [ummah] ce projet fondamental auquel travaillent darrache-pied lAmérique et Israël, consiste à fomenter une guerre inter-religieuse une fitnah impitoyable et destructrice, en semant la dissension entre les (musulmans) sunnites et les (musulmans) chiites.
TS : Passons, si vous le voulez bien, au dossier de la reconstruction du Liban. Le président Siniora [il sagit du Premier ministre, Président du conseil, NdT] explique que le Hezbollah entend que son intervention se limite cest du moins ce quil dit avoir compris à assurer une allocation correspondant au montant dun loyer pendant une durée de dix ans (« seulement ») à ceux dont le logement a été détruit (ainsi quà lachat de mobilier), et que ceci signifierait que vous seriez revenu sur votre engagement initial de vous charger de la reconstruction intégrale ? La déduction de M. Siniora est-elle exacte ?HN : Jamais de la vie ! En aucun cas ! Cest totalement faux ! Dès le premier jour du cessez-le-feu, ainsi que le lundi suivant, lors dune interview télédiffusée par New TV, en présence de M. Siniora, jai personnellement indiqué et je le répète ici que nous restons fidèles à notre engagement. Nous avons fait une promesse aux sinistrés, et nous navons en aucun cas cessé dy être fidèles. Cette promesse, cest que les sinistrés retrouveront leur maison et leurs biens tels quils étaient, et même mieux que ce quils étaient. Nous parlons donc bien ici dune véritable reconstruction. Nous avons annoncé publiquement cet engagement. Après cette annonce, nous avons indiqué quil y aurait plusieurs étapes successives. La première de ces étapes létape en cours nous lavons appelée létape de fourniture de solutions alternatives provisoires concerne les personnes qui ont tout perdu : leur domicile et leurs meubles. Cest ce que nous avons décidé, en ce qui concerne les maisons et immeubles totalement détruits ou inhabitables, et cest ce qui a été effectivement réalisé.
Le principal problème auquel nous sommes confrontés, cest naturellement la reconstruction intégrale des logements totalement détruits [par les bombardements israéliens]. Nous sommes engagés par nos annonces, et nous assurons
Et puis voilà que lÉtat vient nous dire que cette tâche relève de ses prérogatives ; et je ne nie nullement que cela soit bien le cas. Voici ce qui sest passé, en réalité et cest ce que jai expliqué au cours de ma dernière interview télévisée : ce nest pas nous, qui nous serions adressés au Premier ministre Siniora, pour lui dire que nous aurions été incapables de reconstruire les immeubles totalement détruits. Cela na absolument pas eu lieu. Nous navons jamais dit à Siniora que nous avions besoin de son aide ! Cest lui qui a pris linitiative ce dont nous le remercions de demander à nous rencontrer afin de discuter de ce que nous allions faire au sujet de la reconstruction afin, nous a-t-il dit, « que je puisse [cest Siniora qui parle, NdT] savoir, en tant que gouvernement, ce que je serai en mesure de proposer et de faire, en contrepartie. Quand un pays viendra, dans le cadre de protocoles (qui seront officiellement décidés de manière bilatérale), se charger de reconstruire [à ses frais, NdT] les immeubles détruits [dans tel ou tel quartier, NdT], ma mission sachèvera là [car elle aura été en grande partie remplie]. Y a-t-il dautres domaines dans lesquels je puisse aider les propriétaires des immeubles [ainsi] reconstruits [grâce à laide internationale, NdT] ? Je suis naturellement à leur service. »
Quand le gouvernement vient proposer 50 millions de livres libanaises pour reconstruire une unité dhabitation, que disons-nous ? Nous disons que, par principe, la famille dont on reconstruira lhabitation, au cas où la somme offerte par lÉtat suffit, cette habitation sera reconstruite grâce à laide gouvernementale. Et, dans le cas où lallocation gouvernementale ne suffit pas, nous nous sommes engagés à apporter à la famille concernée le complément nécessaire pour reconstruire tout ce qui a été démoli, afin de remettre lhabitation dans son état préalable. Cest là un engagement absolu, sur lequel il est hors de question que nous revenions.
TS : Pendant le conflit, comment sétablissaient les contacts entre les trois Présidents et tous les autres états-majors politiques ?HN : En ce qui concerne le Président [de la République libanaise], M. Emile Lahoud, nous étions en relations constantes, grâce à un intermédiaire. En ce qui concerne le Président [du Parlement] Nabih Berri, jai déjà indiqué au début de cet entretien quil existait entre nous une coopération, une compréhension et une coordination, ainsi que des liaisons téléphoniques qui nous permirent de rester contact vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Avec le Président [du conseil des ministres], M. Fouad Siniora, nous avons eu plusieurs modalités de contact ou de dialogue ; soit par lintermédiaire des ministres appartenant au parti Hezbollah, au sein du conseil des ministres et aussi, parfois, nous avons eu des contacts directs avec le Premier ministre ou avec son conseiller politique, le frère hajji [= ayant effectué le pèlerinage à la Mecque, NdT] Hussaïn Khali. Mais ce sur quoi nous nous mettions daccord, en fin de compte, cétait sur la question de savoir la part de reconstruction qui serait réalisée par le canal de son Excellence le Président [du Parlement] Nabih Berri, sachant que cétait lui qui était chargé de ladministration politique de la guerre. Nous avons toujours été assis ensemble autour de la table du conseil des ministres, ou bien nous nous sommes parlé dans les coulisses, entretenant ainsi un dialogue permanent avec le Premier ministre. Et nous avons veillé, pendant toute la durée de la guerre, à ce que le gouvernement paraisse [et soit réellement] uni, fort, cohérent, en dépit que nous consignions nos réserves, nos observations et nos oppositions sur certains points ou sur certaines prises de position. Cela fut le cas notamment lors de la discussion des sept points [en vue dun cessez-le-feu, NdT] : dautres que nous ont admis les sept points à titre de principes généraux, les détails nécessitant des débats [au Parlement] et une prise de décision ultérieure en conseil des ministres. Ainsi, quand la discussion de la résolution [de lOnu] 1701 a été mise à lordre du jour et alors que nous avions de sérieux points de désaccord sur certains chapitres de cette résolution (jai déclaré que je la considérais inique et partiale, et nos réserves à son sujet sont sérieuses, mais) nous avons, là encore, veillé à lunité de la position gouvernementale et nationale et nous avons dit que cette résolution avait été entérinée à lunanimité, [mais] avec certaines réserves.
TS : Quid de vos relations avec Walid Jumblat ?HN : Pendant la guerre, nous navons pas eu de contact direct avec Monsieur le Député Walid Jumblat. Comme vous le savez sans doute, depuis la crise des communiqués et des prises de position précédentes, il ny avait plus de contacts réciproques entre lui et moi ; nous nous rencontrions seulement dans le cadre des tables rondes du débat national. Mais, en-dehors de ces séances, il nexistait aucun contact entre nous, et cette situation a prévalu durant toute la durée des trente-cinq jours du conflit. Les premiers jours de la guerre, il a pris certaines positions positives. Jai personnellement demandé au frère Nawwâf al-Mûsâwî dentrer en contact avec le ministre [druze, NdT] de lInformation, le frère Ghâzî al-Uraïdhi, afin quil transmette au ministre Jumblat nos remerciements pour les positions quil avait alors adoptées et exprimées. Mais jusquici, les choses ne sont pas allées jusquà la restauration des relations normales qui existaient entre nous jusquà il y a, de cela, environ, un an
TS : Y a-t-il actuellement des tentatives de renouer ce contact ?HN : En ce qui nous concerne, nous navons jamais fermé la porte du dialogue. Je vous dis, en toute sincérité, que, tant dune manière médiatisée que non-médiatisée, cest-à-dire, y compris, dans les coulisses, lorsquon nous proposait, parfois (souvent à linitiative damis communs) de reprendre ces contacts et cette relation, nous navons jamais formulé la moindre objection. Et, un jour, je lai dit, lors dune interview à la télévision. Et jai ajouté que ce nétait fondamentalement pas nous qui avions coupé les ponts avec Jumblat, en dépit de la position très ferme que nous avions publiée en réplique à la manière dont il venait de qualifier larmement de la résistance. Nous avions répondu quant à nous que nous ne souhaitions boycotter personne. Notre politique nest pas de boycotter qui que ce soit au Liban, même si nous avons pu avoir de très importantes divergences politiques avec lui, ajoutant que nous étions prêts à rétablir le contact et à dialoguer. Monsieur Walid Jumblat nous a fait répondre quil naccepterait de nous rencontrer que dans le seul cadre du conseil des ministres Cest donc clair : nous navons, pour ce qui nous concerne, jamais cherché à ostraciser quiconque, et en particulier par M. Jumblat.
TS : Vous avez été accusé douvrir la porte, en revanche, aux tiraillements politiques internes lors du débat sur un gouvernement dunion nationale, en liaison avec lapplication des accords de Taëf ?HN : En vérité, je navais nullement lintention douvrir une quelconque controverse politique interne Jai répondu à certaines questions posées par le ministre Walid Jumblat au cours dune conférence de presse quil avait organisée. Jai considéré quen grande partie, ces questions étaient dépassées, quelles appartenaient au passé, quil y avait reçu des réponses, soit directement de ma part, soit autour de la table ronde du débat national. Mais la question centrale que Jumblat a posée, cest une question clé, si je puis mexprimer ainsi. Une question clé, en ce sens que cette question en ouvre beaucoup dautres. Cest une question relative à laccord de Taëf, cela ne fait pas lombre dun doute. Et si vous voulez mettre sérieusement en application les accords de Taëf, alors, daccord : commençons par considérer que le premier point, le point essentiel, qui conditionne la mise en application effective de Taëf, cest la formation dun gouvernement dunion nationale, comme cela est stipulé expressément dans le texte de cet accord lui-même
TS : mais eux, ils ont répondu en disant que cela ne simposait quau premier gouvernement libanais formé après la signature de Taëf, nest-ce pas ?HN : Exactement ! Jusquà présent, ils disaient (je parle ici de la majorité des Forces du 14 mars [la « Révolution du Cèdre », NdT]) deux choses : primo, le gouvernement dunion et de concorde nationales stipulé par laccord de Taëf na jamais existé, tout au long des seize années écoulées depuis la signature dudit accord, et ils attribuent cet état de fait à la période de la « tutelle syrienne » sur le Liban, comme ils disent ; et, secundo, que la plupart des attendus des accords de Taëf nont jamais été appliqués jusquà présent.
Alors ? Nest-ce pas génial, si nous, nous disons que ce gouvernement na pas été formé et que laccord na pas été mis en application dans la plupart de ses articles et que cest précisément ce que nous voulons faire, et tout de suite ? ! ?
Le préalable naturel, comme le prévoit laccord de Taëf, pour mettre en application ce qui ne la pas été, cest la formation dun gouvernement dunion nationale. Ce nest là en rien une hérésie politique ; cest, au contraire, une volonté de croire en notre pays et de veiller politiquement à sa sauvegarde !Permettez-moi [pour conclure] de réaffirmer que ce qui a mis fin à la guerre, cest le fait que les Israéliens redoutaient de sacheminer vers une catastrophe militaire au cas où ils auraient poursuivi leur offensive terrestre ; cest le fait que lhorizon se soit refermé devant eux et quils nont connu quéchec après échec après échec
Le Liban doit sapprêter aujourdhui à faire face à de grands défis, à des défis redoutables, lourds de dangers. Alors, dites-moi : si nous entreprenons daugmenter la force de notre pays et son inviolabilité, en procédant à la formation dun gouvernement dunion nationale : nous sommes perdants, ou bien nous sommes gagnants ? Si un gouvernement réussit à réaliser certaines avancées, cela signifie-t-il quil faille se priver de la possibilité de renforcer notre pays politiquement, en faisant participer [au gouvernement] ceux qui en avaient été exclus à un moment donné ? Si les possibilités de former un gouvernement dunion nationale sont réunies, permettant de faire face aux défis énormes à venir prochainement, pour le Liban, quest-ce qui nous empêche de le faire ?
La logique que je viens dexposer est une logique de raison et de prudence. Ce nest en aucun cas une logique de rouerie politique, car cela nest absolument pas dans ma manière de raisonner.Jai dit : « Vous voulez appliquer laccord de Taëf et bâtir lEtat libanais ? Le préalable naturel, pour ce faire, cest la formation dun gouvernement dunion nationale Bien. Alors : allons-y ! Formons ce gouvernement dunion nationale, et ne perdons pas notre temps à répliquer à ce verbiage politico-juridico-constitutionnel unanimiste, qui tient tellement à son discours du type : « Cousez, mais pas avec cette alêne ! » »
Dailleurs, pourriez-vous avoir lamabilité de me dire quelle autre alêne ils souhaiteraient nous voir employer ?
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