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Par demhaitam le 1 Novembre 2006 à 17:17
Tensions en Corée
Après le lancement par la Corée du Nord de sept missiles, le 5 juillet dernier, les dissensions se sont brusquement aggravées dans la péninsule coréenne malgré les mises en garde répétées de Washington et de Tokyo. Sans contrevenir aux lois internationales, ces tirs dessai dont celui du missile Taepodong-2, théoriquement capable datteindre le territoire des Etats-Unis, mais qui, comme les six autres, sest abîmé en mer du Japon , sont condamnables parce quils fragilisent la sécurité en Asie du Nord-Est, une des régions potentiellement les plus dangereuses du monde.
Il y a un an, le 19 septembre 2005, Pyongyang sétait pourtant engagé à abandonner son programme nucléaire militaire. Adoptée dans le cadre des négociations à six (Chine, Corée du Nord, Corée du Sud, Etats-Unis, Japon, Russie), cette décision avait soulevé de grands espoirs, en particulier en Corée du Sud.
Depuis le rétablissement de la démocratie dans les années 1990, Séoul a fait de lamélioration des relations avec son voisin du Nord une priorité. La visite à Pyongyang du président sud-coréen dalors, M. Kim Dae-jung, et la signature, le 15 juin 2000, dune déclaration commune avec son homologue du Nord, M. Kim Jong-il, ont constitué un tournant dans les relations intercoréennes.
Les autorités du Sud misent sur le dialogue et les échanges, en particulier économiques, et sur le développement dintérêts communs pour réduire les disparités entre les deux pays, prévenir les conflits et préparer une éventuelle réunification. Depuis lors, le montant des échanges commerciaux a atteint 1 milliard de dollars, la Corée du Sud devenant, après la Chine, le deuxième partenaire économique de Pyongyang. Au nord du 38e parallèle, une zone économique spéciale a été créée à Kaesong, où se sont implantées des entreprises du Sud qui emploient quelque huit mille salariés du Nord. Malgré des obstacles persistants, les deux parties uvrent aussi à la réouverture de la liaison ferroviaire Séoul-Pyongyang, qui désenclaverait la Corée du Sud.
La situation sest dégradée très vite après laccord du 19 septembre 2005, lorsque le Trésor américain a adopté des mesures financières contre Pyongyang au prétexte quune banque de Macao (Chine), Banco Delta Asia, aurait blanchi de largent pour le compte de la Corée du Nord. Ce quaucune enquête internationale na démontré. Intimidée par Washington, la banque a gelé, en février dernier, 24 millions de dollars dactifs nord-coréens. Pyongyang a alors claqué la porte des négociations à six, réaffirmé son droit à posséder larme nucléaire, et procédé aux tirs dessai du 5 juillet dernier désapprouvés par le Conseil de sécurité de lOrganisation des Nations unies (ONU), dont la Chine.
Selon la Corée du Nord, le gouvernement des Etats-Unis ne cherche pas une solution diplomatique, mais poursuit un seul objectif : le changement de régime. En Corée du Sud, une partie des autorités partagent ce sentiment.
Rencontré le 14 septembre dernier dans sa résidence de Séoul, lancien président Kim Dae-jung, architecte de la réconciliation avec le Nord et Prix Nobel de la paix 2000, désapprouve les tirs de missiles mais pense que Washington ne fait rien pour calmer le jeu : « Les néoconservateurs américains ne veulent pas la paix dans cette région, nous dit-il. Ce sont des dogmatiques. Ils ne défendent pas les intérêts des Etats-Unis, comme le faisait le président [William] Clinton, qui soutenait nos efforts pour un dialogue pacifique, mais restent obsédés par une idéologie : celle des sanctions, qui na jamais marché, ni contre Cuba, ni contre lIrak, ni contre lAfghanistan, ni contre lIran. Ils font pression sur Tokyo pour quil impose aussi des sanctions, ce qui aggrave les mésententes régionales. Celles-ci, à leur tour, fournissent un prétexte à la droite japonaise pour réclamer le réarmement du Japon. Ce qui augmente la méfiance de la Chine. Cest une spirale fort dangereuse. »
Le président sud-coréen, M. Roh Moo-hyun, nest pas loin dépouser ce point de vue. Lors de son entretien au sommet avec le président George W. Bush, à Washington, le 15 septembre dernier, M. Roh, qui doit ménager son grand allié américain, a bien défendu les trois dossiers en débat entre les deux pays. Il a réitéré sa volonté de récupérer le commandement militaire en temps de guerre sur les troupes américaines (trente mille hommes) basées en Corée ; a réclamé plus de temps pour négocier le projet (fort impopulaire) de traité de libre commerce avec les Etats-Unis ; et a refusé enfin daugmenter les sanctions contre la Corée du Nord.
Sur cette affaire, Séoul ne veut pas céder aux pressions de Washington et souhaite conserver une autonomie de décision. Comme laffirme M. Kim Dae-jung : « Nous ne voulons ni une réunification par la force comme au Vietnam, ni une réunification ruineuse comme en Allemagne. Que lAmérique nous laisse suivre notre propre rythme, lent et pacifique, vers une réunification heureuse. »
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