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Par demhaitam le 15 Novembre 2006 à 16:50
Miami et la corruption de la profession journalistique
Miami est décidément une ville bien particulière, unique sur le territoire étasunien. Limmense majorité de ses institutions, des services de police, en passant par la presse et jusquaux pompiers, sont sous le contrôle dune minorité extrémiste dorigine cubaine extrêmement puissante. Lobjectif avoué de ce secteur très influent, descendant de loligarchie prérévolutionnaire, est de renverser, par tous les moyens, le gouvernement de La Havane.
Le dernier scandale en date a éclaté en septembre 2006 quand il a été découvert que près de 50 journalistes de lEtat de Floride, dont trois du journal El Nuevo Herald, recevaient de manière régulière des émoluments de la part du gouvernement fédéral en échange dune participation dans les programmes de Radio et TV Martí où ils étaient chargés de promouvoir la propagande anti-cubaine de Washington. Les programmes de ces deux médias publics, dotés dun budget annuel de 37 millions de dollars et destinés à « accélérer la fin du régime castriste », sont uniquement transmis vers Cuba car la législation anti-propagande étasunienne interdit leur diffusion sur le territoire national1.
Les trois journalistes du quotidien El Nuevo Herald, M. Pablo Alfonso qui a reçu pas moins de 175 000 dollars depuis 2001, M. Wilfredo Cancio Isla stipendié à hauteur de 15 000 dollars durant les cinq dernières années, et Mme Olga Connor dont le chèque sélève à 71 000 dollars, soccupaient de la section Cuba du journal. Ils ont tous été licenciés par le Miami Herald dont ils dépendaient. Leur entreprise leur reprochait davoir gravement failli à léthique journalistique. En effet, en acceptant de dépendre financièrement du gouvernement étasunien, ces derniers entraient dans un conflit dintérêts évident et se trouvaient dans limpossibilité de faire preuve dimpartialité et dobjectivité dans le traitement de linformation2.
M. Jesús Díaz Jr., président et rédacteur en chef du lentreprise The Miami Herald Media Company à laquelle appartient El Nuevo Herald, a exprimé sa profonde déception et a regretté que ses professionnels de linformation aient violé « la confiance sacrée » qui lie le public et les journalistes. « Je ne crois pas que nous pouvons garantir lobjectivité ni lintégrité si lun de nos reporters reçoit une compensation monétaire de nimporte quelle entité [ ], surtout sil sagit dune agence du gouvernement », a-t-il souligné3.<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>
Plusieurs autres journalistes recevaient une rémunération de la part du Bureau des transmissions vers Cuba parmi lesquels Mme Helen Aguirre Ferré et M. Ariel Remos du Diario Las Américas, M. Miguel Cossío, directeur de linformation du Canal 41, M. Juan Manuel Cao également journaliste du Canal 41, Mme Ninoska Pérez Castellón de Radio Mambí et M. Carlos Alberto Montaner, chroniqueur de El Nuevo Herald4.
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Le gouvernement cubain a longtemps dénoncé que certains journalistes du sud de la Floride étaient stipendiés par le gouvernement des Etats-Unis. Le cas du reporter Juan Manuel Cao, qui a reçu près de 11 400 dollars de la part de TV Martí, est apparu dans les médias au mois de juillet 2006 quand ce dernier a vigoureusement questionné le Président cubain Fidel Castro, lors dune conférence de presse en Argentine. La réponse du Comandante avait alors fusé : « Qui vous paye donc pour poser ce genre de questions ? ». Malgré son âge avancé, le vieux leader révolutionnaire na jamais perdu sa vivacité desprit et son sens de lanalyse. Il avait deviné la réalité bien avant tout le monde.
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Beaucoup dexperts en éthique journalistique, tel que M. Iván Román, directeur exécutif de lAssociation national des journalistes hispanophones, ont dénoncé ce conflit dintérêts aussi grave quinacceptable. « Il y a une limite que les journalistes ne doivent pas franchir », a-t-il déclaré. M. Jon Roosenraad, professeur de journalisme à lUniversité de Floride sest penché sur ce cas décole. « Cest comme si un reporter économique travaillait à temps partiel [ ] pour une entreprise locale durant ses heures libres et retournait à son journal le lendemain pour écrire su son entreprise », a-t-il noté5.
Ce nest pas la première que le gouvernement étasunien rémunère grassement des journalistes pour quils promeuvent leur agenda politique. En 2005, la Maison-Blanche avait stipendié le célèbre journaliste Amstrong Williams à hauteur de 240 000 dollars, afin quil défende, dans son programme télévisé diffusé à travers tout le pays, la loi de réforme de léducation6.<o:p></o:p>
M. Robert Beatty, vice-président en charge des affaires publiques de la Miami Herald Media Company sest montré intransigeant et catégorique : « Létique du journalisme ne peut souffrir dinterprétations à géométrie variable. Lorsque nous sommes au courant de tels agissement, nous réagissons avec fermeté ». Pour lui, lindépendance du journalisme ne pouvait être souillée par la propagande gouvernementale7.
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Mais M. Beatty avait sous-estimé la puissance et le pouvoir de coercition de lextrême droite cubaine qui contrôle la vie politique et économique de Miami. En effet, suite à de fortes pressions, des menaces de boycott et dautres actions plus radicales, les propriétaires du Miami Herald ont décidé de réembaucher les trois journalistes remerciés, et de fermer les yeux sur la découverte dans leur entreprise de six autres reporters qui sétaient rendus coupables des mêmes méfaits8.
Cette décision spectaculaire a entraîné la démission de M. Jesús Díaz Jr., qui a décidé de tirer les conséquences de ce revirement. Le président du journal a considéré pour sa part que le fait de servir les intérêts dun gouvernement constituait « une violation des principes déthique journalistique largement acceptés ». Il a été remplacé par M. David Landsberg dont le premier acte a été de déclarer que lentreprise naccepterait plus ce genre de pratique à lavenir9.<o:p></o:p>
Ce nest pas la première fois que le Miami Herald courbe léchine et cède face au chantage et aux menaces de la droite radicale de Miami, par crainte de représailles. Dans les années 1990, le journal sétait plié aux exigences de Jorge Mas Canosa qui avait alors lancé la campagne « Je ne crois pas au Herald ». Lancien président de la Fondation nationale cubano américaine, une organisation extrémiste impliquée dans le terrorisme international, avait menacé le journal de boycott et dactions denvergure sil ne faisait pas preuve de plus de fermeté envers le gouvernement cubain.
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Cette grave violation de léthique journalistique et de la liberté de la presse na pas ému grand monde au niveau international. Quant à la célèbre organisation française de « défense de la liberté de la presse », Reporters sans frontières, elle est restée muette sur cette affaire pour ne pas froisser certaines connaissances du sud de la Floride.
Notes<o:p></o:p>
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1 Oscar Corral, « Conflicto de intereses en pagos a periodistas locales », El Nuevo Herald, 8 septembre 2006.<o:p></o:p>
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2 BBC, « US Paid Anti-Cuba Journalists », 8 septembre 2006.<o:p></o:p>
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3 Oscar Corral, op. cit.<o:p></o:p>
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4 Ibid.<o:p></o:p>
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5 Ibid. <o:p></o:p>
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6 The New York Times, 8 septembre 2006.<o:p></o:p>
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7 Ibid.<o:p></o:p>
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8 Jason Deans, « Miami Herald Chief Quits Over Cuba Revelations », The Guardian, 3 octobre 2006.<o:p></o:p>
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9 Ibid.<o:p></o:p>
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