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Par demhaitam le 24 Novembre 2006 à 15:48
Lassassinat de Pierre Gemayel :
cui bono (à qui profite le crime) ?
« Nous allons continuer à militer et à mourir en martyrs pour le Liban » : cest ainsi que le site web des Kataeb commente le 22 novembre la mort de leur ministre.<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p><o:p></o:p>
Pierre Amine Gemayel, 38 ans, était ministre de lIndustrie dans le gouvernement de Fouad Siniora, où il représentait le parti fondé par son grand-père Pierre et dirigé par son père Amine, ancien Président de <?xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" /><st1:PersonName w:st="on" ProductID="la R←publique">la République</st1:PersonName>, qui avait lui-même pris la place de son frère Bachir, assassiné en 1982, peu après son entrée en fonctions.<o:p></o:p>
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Pierre Amine Gemayel a été victime dun attentat le mardi 21 octobre à Beyrouth, alors quil se trouvait au volant dune KIA que son garde du corps venait de louer la veille au soir. Craignant pour sa vie, Gemayel changeait de voiture de location tous les deux jours. Seul son garde du corps était au courant de ce genre de détails. Et Pierre Gemayel lui avait justement donné congé ce jour-là.
Avec la mort de Gemayel, on approche du fameux « quorum ». Ce quorum inscrit dans le pacte issu des Accords de Taëf, qui fait office de loi fondamentale, stipule que toute décision gouvernementale engageant lavenir de la nation ne peut être prise si un tiers des membres du gouvernement, soit huit ministres, sy oppose. Or, la décision du gouvernement libanais dentériner la proposition au Conseil de sécurité des Nations unies détablir un tribunal pénal international pour juger lassassinat de Rafic Hariri a été prise de manière illégale, puisque ce quorum nétait pas atteint et que de surcroît, la réunion avait été boycottée par le Président de <st1:PersonName w:st="on" ProductID="la R←publique">la République</st1:PersonName> Émile Lahoud. Six ministres ont en effet démissionné : deux appartenant au mouvement Amal, trois proches du Hezbollah et un, le ministre de lEnvironnement, proche du Président Lahoud. Il ny avait donc plus de représentant de la communauté chiite dans le gouvernement. De plus, le principal parti chrétien, le Courant patriotique du général Michel Aoun, nest pas représenté au gouvernement, et le Hezbollah na eu de cesse de réclamer son intégration, jugée nécessaire pour mobiliser toutes les énergies dans le travail de reconstruction consécutif à la guerre israélienne contre le Liban.
Logiquement, Fouad Siniora aurait du démissionner, laissant au Président Lahoud le soin de former un nouveau gouvernement. Mais il nen fera sans doute rien, vu lémotion suscitée par lassassinat de Gemayel. Une émotion on ne peut mieux venue pour paralyser lensemble de la classe politique et des faiseurs dopinion libanais, qui se rendront évidemment tous aux funérailles de Pierre Gemayel, ce jeudi 23 novembre.
En frappant le « petit » Pierre Gemayel, les assassins ont bien visé : cétait, dans le clan Gemayel, le plus innocent et le moins malin. Sils avaient frappé Amine, on aurait pu mettre cela au compte des règlements de compte de la guerre civile, évoquer les luttes pour la prise de contrôle du « trésor de guerre » des Kataeb ou la figure plus que sombre dAmine. Mais le « petit » Pierre, par sa mort, aura permis de bétonner encore plus limpasse libanaise, que le Hezbollah avait, par sa résistance, essayé de transformer en une avenue. Même si le Hezbollah a été le premier à demander une enquête sur la mort de Gemayel, il aura du mal à se dépêtrer des accusations qui fusent tous azimuts contre <st1:PersonName w:st="on" ProductID="la Syrie">la Syrie</st1:PersonName> et donc contre lui.<o:p> </o:p>
« L'ombre de la Syrie derrière le meurtre de Pierre Gemayel », « le crime est signé », « c'est à l'Europe de réagir enfin, sans complexes, en faveur des minorités chrétiennes de plus en plus menacées, dans l'ensemble du Moyen-Orient » : ces quelques réactions de la presse française du 22 novembre 2006 se retrouvent dans toute la presse européenne et américaine.
Dès que la nouvelle est tombée, Saad Hariri, lhéritier millionnaire à lintelligence pâteuse, et toute la smala des politiciens beyrouthins ont entonné la litanie lancinante : cest encore un coup de Damas. Et aussitôt la presse française et européenne sest déchaînée avec une touchante unanimité : haro donc sur <st1:PersonName w:st="on" ProductID="la Syrie">la Syrie</st1:PersonName>, accusée de tous les maux qui accablent le Liban. Oublié le Blitzkrieg israélien de 34 jours. Oubliés les deux réseaux despionnage israélien démantelés en un an au Liban. Oubliés les paquets darmes avec silencieux saisis à Beyrouth et destinés à lambassade US.
Il y a juste un détail qui cloche : quel serait lintérêt de <st1:PersonName w:st="on" ProductID="la Syrie">la Syrie</st1:PersonName> à assassiner linsignifiant Pierre Gemayel ? Et est-ce vraiment dans lintérêt de <st1:PersonName w:st="on" ProductID="la Syrie">la Syrie</st1:PersonName> de réveiller les démons dune guerre civile au Liban ? Il faut être idiot, mal informé ou mal intentionné pour oser croire cela. En revanche, si quelquun à intérêt à briser le front patriotique qui sest formé autour du Hezbollah à loccasion de lagression israélienne, cest bien Israël. Cest à Israël seul que le crime pourrait profiter.<o:p></o:p>
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Comme par hasard, cet assassinat survient alors que
- <st1:PersonName ProductID="la Syrie" u1:st="on">la Syrie</st1:PersonName> vient de rétablir des relations diplomatiques avec lIraq, interrompues depuis 25 ans<o:p></o:p>
- lIran vient de proposer un sommet à 3 avec <st1:PersonName ProductID="la Syrie" u1:st="on">la Syrie</st1:PersonName> et lIraq pour régler les problèmes de la région SANS les USA<o:p></o:p>
- le gouvernement libanais a avalisé la création dun tribunal pénal international sur lassassinat de Rafic Hariri, en labsence de 6 ministres et du Président de <st1:PersonName ProductID="la R←publique" u1:st="on">la République</st1:PersonName><o:p></o:p>
- Le Hezbollah venait dappeler à un mouvement non-violent de désobéissance civique pour protester contre les manuvres des factions pro-occidentales.
Ça ne vous rappelle rien ? Rassurez-vous, cet emblème des Phalanges libanaises a été remplacé par ce logo, plus neutre<o:p></o:p>
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On comprend bien sûr lémotion des Libanais, quon serait même tenté de partager, si Sil ny avait lhistoire, récente et plus ancienne. Non, tous les Libanais chrétiens ne sont pas des Phalangistes et les Phalanges libanaises ne sont ni une organisation démocratique ni une organisation patriotique. Il faut rappeler un peu dhistoire : cest après son voyage à Berlin, où il assiste aux Jeux Olympiques de 1936, que Pierre Gemayel, un grand féodal, crée les Kataeb, ces Phalanges, inspirées des chemises brunes nazies, des chemises noires franquistes et des chemises bleues franquistes (voir ci-contre lemblème des Kataeb, qui ne laisse aucune doute sur leur idéologie). Les Kataeb se rendront coupables de crimes contre l humanité pendant les 15 années de la guerre civile libanaise, de 1975 à 1990. Elles collaboreront étroitement avec les occupants israéliens en 1982. Mais tout cela, dans la rhétorique « chrétienne », est gommé, au profit dun délire lyrique, dont nous donnons un échantillon ci-dessous, tiré du quotidien francophone LOrient-le Jour du 22 novembre 2006<o:p></o:p>
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Il a rejoint la légende des héros de lindépendance <o:p></o:p>
L'article de Michel HAJJI GEORGIOU
« Cest Pierre que lon abat à la veille du 22 novembre, et cest Béchir que lon revoit, toujours souriant, fougueux, inébranlable comme un cèdre, fort comme un roc, déjà mythique, mais humain, trop humain.
Cest Pierre quon assassine, sauvagement, pour prouver que les lâches resteront toujours lâches et que les criminels sont tous des lâches... et cest cheikh Pierre que lon revoit, imposant dans sa stature, la tête haute, le front grisonnant, le regard fier, marchant à travers Gemmayzé pour faire cette indépendance de 1943 que les Assassins du 21 novembre 2006 ne pourront jamais détruire.
Cest Pierre qui est parti, trop tôt, trop vite, comme une étoile filante, et cest le regard de Maya, éclatant dinnocence et de beauté avant que de quitter un monde sans pitié, qui ressurgit dans les esprits, encore plus vivace. Cest Pierre que des barbares ont transfiguré dans le martyre, et cest Amine Assouad ou Manuel Gemayel, adolescents rêveurs et intrépides, tombés sous les tirs à Beyrouth et au Chouf, qui rejaillissent des profondeurs de la mémoire de la guerre.<o:p></o:p><o:p> </o:p>
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Cest Pierre qui sen va, les yeux pleins de malice, le regard prêt à défier la terre entière de toute la jeunesse de ses 34 ans, et cest limage du jeune Amine Gemayel, fraîchement élu député du Metn en 1970 face à Antoine Achkar, qui revient, lancinante. Cest Pierre qui part, et ce nest pas seulement un certain inconscient collectif chrétien qui se réveille, mais un sentiment de sacrifice pour un Liban différent, réuni, celui pour lequel sont déjà partis René Moawad [1], Rafic Hariri [2], Samir Kassir [3], Georges Haoui [4], Gebran Tuéni [5]. <o:p></o:p>
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Il sappelait Pierre Gemayel, nom et prénom lourds dun héritage ancestral, dun poids historique incontestable et si souvent contesté au nom de labolition du féodalisme politique. Ce que cest que de sappeler Gemayel quand on a eu un grand-père patriarche absolu pour plusieurs générations, un grand-oncle, Maurice, réformateur entre tous reconnu, un oncle devenu, vivant comme mort, une icône absolue et éternelle, un père dune intelligence aiguë et très tôt promu aux premiers rôles... Ce que cest que de sappeler Gemayel quand il faut se montrer à la hauteur de cet héritage et prouver quon mérite bien le nom quon a. Ce que cest que de sappeler Gemayel quand on a déjà quatre martyrs dans la famille, tous arrachés à la vie dans la fleur de lâge, quand donner son sang pour la patrie devient presque une fatalité, presque un devoir, inévitable, quand lhistoire du pays dans lequel on vit et on grandit finit par fusionner totalement avec le nom que lon porte. »<o:p></o:p>
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NOTES
<o:p>1 René Moawad : Président chrétien du Liban du 5 au 22 novembre 1989, date de son assassinat.<o:p></o:p>
2 Rafic Hariri : Premier ministre sunnite de 1992 à 1998 et de 2000 à 2004, assassiné le 14 février 2005<o:p></o:p>
3 Samir Kassir : journaliste et historien dorigine syro-palestinienne, assassiné le 2 juin 2005<o:p></o:p>
4 Georges Haoui : secrétaire général du Parti communiste libanais de 1979 à 1993, assassiné le 21 juin 2005<o:p></o:p>
5 - Gebran Tuéni : fils de la poétesse Nadia Tuéni et du propriétaire du quotidien An Nahar Ghassan Tuéni, rédacteur en chef du même quotidien et député grec orthodoxe sur la liste du Martyr Rafic Haririri, assassiné à Beyrouth le 12 décembre 2005.</o:p>
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