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Par demhaitam le 22 Octobre 2006 à 18:12
Une république islamique séculière
Lhoyatoleslam Mohsen Kadivar est quelquun de réservé bien que ferme dans ses positions, qui, en, Iran, lont conduit jusquà lincarcération- mais ne se dérobe pas aux questions des journalistes. Nous lui en avons posé quelques unes pendant son séjour en Italie où il participait à plusieurs initiatives, parmi lesquelles le festival « Varchi » (Passages, troisième édition, Cittadinanza et Beni Communi, Citoyenneté et Biens Communs http://www.varchifestival.it/index.php?sezione=HOME&sotto_sezione=cittadinanza, NDT) de Frascati (dans la province de Rome, NDT) qui a rassemblé plusieurs représentants de lIslam modéré.
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Les discours radicaux et les « provocations » du président Ahmadinejad semblent parfois plus dirigés vers lopinion publique intérieure que vers le monde occidental
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Ses discours sont avant tout adressés à lopinion publique iranienne, mais ceux quil tient en politique extérieure ont aussi pour objectif sa propre préservation sur la scène politique intérieure. Cest important pour les iraniens qui vont en pèlerinage à létranger (La Mecque, Karbala, Nadjaf) de sentir que lIran est un pays important, que son gouvernement est appuyé par de nombreux musulmans pour ses positions radicales, exprimées par Ahmadinejad contre les Usa et Israël. Il est devenu un héros même pour Al Jazeera. La télévision qatari a réalisé un sondage sur les personnages les plus réputés dans plus de 50 pays musulmans : cest Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah, qui est arrivé en tête, suivi par Khaled Meshal, le leader du Hamas ; Ahmadinejad se trouve au troisième rang. Si on analyse les résultats sur la base de ces réponses, il en ressort que la priorité pour les citoyens du Moyen-Orient est lindépendance, tandis que la démocratie et les droits de lhomme passent en second plan. Au Liban le Hezbollah a le soutien de la population, comme le Hamas en Palestine, et donc on apprécie aussi Ahmadinejad. Lequel agit sur trois niveaux : interne à lIran, de la politique moyen-orientale et du conflit avec lOccident.
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Et ces attitudes lui font-elles atteindre ses objectifs ? <o:p></o:p>
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La majorité des iraniens naime pas Ahmadinejad, il ny a quune minorité qui le soutient. Aux élections, il ny a eu que 50 pour cent de votes. Mais la majorité est silencieuse. On peut calculer que les réformistes ont une représentativité de 15 pour cent en Iran aujourdhui, les conservateurs 15 autres pour cent tandis que le reste est constitué par la majorité silencieuse. Avec le président Khatami linfluence des réformistes était montée à 70 pour cent, mais leil y a alors eu le problème du conflit entre Khatami et Khameyni (le guide spirituel, ndr) qui na pas laissé le gouvernement développer une bonne politique économique. Du coup les iraniens ont pensé quavec un gouvernement conservateur ce duel sévanouirait et que le pays irait mieux. En outre, Khatami navait pas de parti derrière lui, ses soutiens et amis nont formé un parti quaprès sa victoire, un parti proche du gouvernement. Khatami navait même pas de programme : être un homme de culture ne veut pas dire être un bon président. Et de plus il navait pas beaucoup de courage pour le changement.
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Mais est-il possible de réformer une théocratie ?<o:p></o:p>
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Certains disent que oui, et ce sont ceux qui ont soutenu le gouvernement réformiste (ceux quon a appelés constitutionnalistes), dautres disent que non et sont les réformistes radicaux (dits républicains), qui soutiennent que ce régime ne peut pas être réformé de lintérieur : il doit être détruit. Peut-être que cest juste mais ça nest pas facile à réaliser. On peut faire des changements petit à petit, Khatami a obtenu quelques résultats parce quil a obligé les conservateurs à prendre en considération démocratie et droits de lhomme, mais seulement de façon superficielle. Avant, les dissidents étaient tués par des sicaires, maintenant ils sont arrêtés avec une décision de la Cour et les prisonniers sont traités un peu mieux quavant. Les républicains (radicaux) trouvent que ce régime ne peut absolument pas être réformé mais ils ne parlent pas de révolution, parce que le terme de révolution aujourdhui a une connotation négative. Cest ici quil y a une contradiction : ils croient en une république séculière, pas seulement avec une séparation entre religion et état, mais aussi sans aucun lien avec la religion.
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Si létat est séculier, comment peut-il être lié à la religion ?<o:p></o:p>
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Dans notre pays, la culture religieuse est un élément très important et on ne peut pas ignorer le rôle de la tradition. Il faut trouver la voie entre modernisation et tradition. La meilleure façon de changer est le constitutionnalisme, la tradition change avec la modernisation, en allant vers un régime musulman et démocratique. Il ny a pas de contradiction entre islam et démocratie, il y a des contradictions entre certaines conceptions de lislam et certaines conceptions de la démocratie. On peut avoir un état qui reprenne les valeurs musulmanes mais gouverne de façon démocratique. Comme il existe des partis religieux en Turquie ou comme en ont existé en Italie, comme la Démocratie Chrétienne. Le parlement doit être élu démocratiquement, sans droits particuliers réservés aux religieux. Si un parti religieux obtient la majorité aux élections, ce sera à lui de gouverner mais il devra respecter les droits des minorités : la minorité doit avoir les mêmes droits que la majorité. 98 % des iraniens sont musulmans, dont 90 % de chiites.
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Les religieux sont puissants et ne cèderont pas facilement <o:p></o:p>
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Nous devons être réalistes : les religieux sont forts et puissants. Si je veux des élections libres, si je veux la démocratie, il y a plusieurs possibilités. Des partis religieux ou même dautres peuvent participer aux élections mais limportant est que ce soit de véritables élections. Pas comme celles de lassemblée dexperts, qui doivent contrôler la politique du guide suprême, choisir son successeur en cas de mort ou dimpossibilité dassurer sa charge. Les quatre vingt experts moudjahiddines (le plus haut niveau de la préparation en théologie musulmane, NDR) sont de fait choisis sur la base de leur fidélité au guide religieux quils devraient contrôler. Moi-même jai été candidat mais comme je navais pas des vues concordant avec celles des gardiens qui contrôlent les élections, non seulement je nai pas été élu mais je me suis retrouvé en prison avec laccusation de mêtre exprimé contre le guide suprême et contre la politique de Khomeiny, le velayat-al-faqih ; avec cette tâche dans mon CV je ne pourrai plus jamais être candidat. La république en Iran nest que nominale, le pouvoir du président ne représente que 20 pour cent, les quatre vingt autres pour cent sont dans les mains du guide suprême. Le pouvoir du président est symbolique. Et pour changer la constitution il faut lassentiment du guide suprême. Même une nouvelle constitution ne suffirait pas, cest une pratique démocratique qui est nécessaire : éducation, culture, affaires sociales, économie, avant tout. Et cette révolution ne se fait pas en une nuit, il faut du temps. Cette phase a déjà commencé et on ne pourra pas revenir en arrière ; les conservateurs aussi le savent et mettent des obstacles, mais lavenir sera meilleur, même si ça nest pas dans limmédiat.
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Quel est le poids sur lIran de linfluence de la situation régionale, avec les troupes étasuniennes qui occupent lIrak et qui continuent à se battre en Afghanistan ? LIran est encerclé.<o:p></o:p>
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Bien entendu les conservateurs et Ahmadinejad lui même profitent des erreurs des Usa au Moyen-Orient, qui rendent lIran de plus en plus important. LIran est devenu un modèle non seulement génériquement pour les pays musulmans mais aussi de façon particulière pour les pays arabes. LIran est un laboratoire pour la démocratie, les droits de lhomme et lindépendance au Moyen-Orient. Et il pourra devenir lexemple gagnant de pays indépendant dans la région, si les réformistes arrivent à battre linterprétation conservatrice de lIslam et arrivent à imposer une voie démocratique.
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Certains pensent que les valeurs qui ont soutenu la révolution khomeyniste en Iran nexistent plus,et cela, aussi, parce que les jeunes nont pas connu Khomeiny ni même sa pensée. Est-ce vrai ?<o:p></o:p>
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Ce qui est resté de Khomeiny cest la valeur de lindépendance. Les critiques concernent le régime : même Khomeiny, sil était encore vivant, aurait du changer quelque chose. Mais de toutes façons, en Iran, il y a plusieurs interprétations de la pensée de Khomeiny, qui opposent les conservateurs aux réformistes.
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Pouvez-vous expliquer davantage quelles sont vos critiques au régime actuel ?<o:p></o:p>
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Les critiques du modèle de théocratie sont très explicites : le leader dune théocratie est comme si le roi et le pape se trouvaient réunis en une seule personne et si cette personne était nommée par Dieu. Donc : 1) le devoir des jurisconsultes qui doivent choisir le leader nest pas une élection mais la reconnaissance de celui qui a été choisi par Dieu. Alors que ce sont les citoyens qui doivent choisir leur dirigeant et cela ne doit pas dépendre de Dieu. 2) En affirmant que le pouvoir dérive de Dieu, le dirigeant sarroge un pouvoir absolu : la légitimation vient de Dieu qui est au dessus de la constitution, donc la constitution ne peut mettre aucune limite. 3) Le leader doit être un religieux, alors que je pense que pour pouvoir gouverner un pays, il faut des connaissances économiques, politiques, etc. Il ne sagit pas de diriger un séminaire. En outre, dans une théocratie, le leader doit être un homme et musulman. Les bases de cette école de pensée, qui remonte à un siècle en arrière, ne se trouvent pas dans le Coran et, donc, beaucoup de musulmans ny croient pas. Peu à peu les modernistes (ou modérés) gagnent du terrain, on le voit aussi chez les étudiants. Mais ça demandera beaucoup de temps.
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Il y a des représentants du monde démocratique qui pensent que laffrontement en cours dans les pays musulmans amènera à la sécularisation de lIslam, comme cest déjà arrivé dans le christianisme.<o:p></o:p>
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Nous nous trouvons face à différents modèles de sécularisme et de sécularisation. La sécularisation est obligée dans le sens dune division entre la mosquée et létat : ceci ne signifie pas quil faut abandonner notre culture et notre tradition. Je crois quil faut penser à un nouveau modèle de sécularisation : moi je crois dans la politique de sécularisation mais pas dans le sécularisme comme philosophie, parce que ça conduit à lathéisme.
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