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Par demhaitam le 19 Octobre 2006 à 19:47
La prochaine guerre nattend que son prétexte
Dans son édition du mois doctobre, le magazine américain Harpers publie un éditorial dans lequel Daniel Ellsberg appelle à la désobéissance civile pour prévenir la guerre en préparation au sein de ladministration américaine contre lIran.
Daniel Ellsberg est cet ancien analyste militaire américain qui a provoqué une crise nationale aux États-Unis en 1971 en publiant dans le New York Times les Papiers du Pentagone dans lesquels on trouvait un compte-rendu de la planification des activités militaires du gouvernement américain pour la guerre du Viêt Nam. Leur publication a entraîné la chute de lappui populaire à la guerre. Ellsberg fut poursuivi pour vol, conspiration et espionnage.
Il raconte dans le magazine Harpers le regret qui la tenaillé pendant de longues années de ne pas avoir rendu publics ces documents dès 1964. Le sénat votait alors la résolution sur le Golfe du Tonkin qui allait précipiter lengagement militaire des États-Unis contre le Viêt Nam. Un des deux seuls sénateurs à avoir voté contre la résolution, le sénateur Wayne Morse, a raconté vingt-cinq plus tard à Ellsberg que le congrès aurait pu voter autrement, sil avait pris connaissance des Papiers du Pentagone.
Le tout premier Papier du Pentagone, publié dans le New York Times du 13 juin 1971, révélait que lincident du Golfe du Tonkin était une tromperie, les États-Unis ayant accusé faussement le Nord-Viêt Nam davoir attaqué deux destroyers américains.
Daniel Ellsberg trace un parallèle entre cette situation et celle relatée par Richard Clarke dans Against All Enemies. Dans ce livre, Richard Clarke, chef du contre-terrorisme dans ladministration de George W. Bush et conseiller de trois présidents antérieurement, raconte que, dès le 12 septembre 2001, soit le lendemain des attentats terroristes, il découvrait avec stupeur Bush, Rumsfeld et dautres conseillers du président en train de discuter dune attaque contre lIrak.
Clark raconte quil rappela alors à Bush et Rumsfeld que lIrak nétait pour rien dans les attentats du 11 septembre et que le pays de Saddam Hussein navait pas de relations avec les auteurs de lattentat, soit Al-qaïda. Laprès-midi de ce même 12 septembre, il déclare au secrétaire dÉtat Colin Powell : « Bombarder lIrak comme Rumsfeld nous y incite prestement après avoir été attaqué par Al-qaïda, cest comme si nous avions envahi le Mexique après lattaque japonaise contre Pearl Harbour. »
Daniel Ellsberg se demande quel aurait été leffet de la publication du livre de Richard Clarke relatant ces événements au début de 2002 plutôt quen 2004 ? Ces révélations auraient-elle pu prévenir la guerre ? La situation est dautant plus ironique que Clarke a déclaré en 2004 au magazine Vanity Fair quil sétait engagé dans les services de la sécurité nationale en 1973 précisément pour « empêcher la répétition dune catastrophe comme celle du Viêt Nam ».
« Aujourdhui, écrit Ellsberg, nous faisons face à une crise similaire à celles de 1964 et 2002 ». Pour appuyer ses dires, il cite les articles du journaliste Seymour Hersh, parus dans la revue New Yorker, qui démontre, au terme dune série dentrevues réalisées auprès de hauts dirigeants de ladministration Bush et de létat-major américain, que lobsession véritable de lentourage du président est non pas lIrak, mais lIran.
« Cest une guerre contre le terrorisme, résumait sous le sceau de lanonymat lune de ses sources à Hersh, dans laquelle lIrak ne constitue quune campagne. Ladministration Bush lenvisage comme une vaste zone de guerre. La prochaine campagne sera lIran. »
Daniel Ellsberg cite également les propos de Philip Giraldi, un ancien officier de la CIA, rapportés dans The American Conservative, selon lesquels le bureau du vice-président Dick Cheney a dirigé la mise sur pied dun plan durgence pour « un assaut aérien de grande portée contre lIran avec lutilisation darmes conventionnelles et darmes nucléaires tactiques ». Selon Giraldi « plusieurs hauts gradés de lArmée de lair » engagés dans la planification des opérations étaient « consternés devant les implications de ce quils faisaient soit préparer une attaque nucléaire préventive contre lIran mais personne nétait prêt à risquer sa carrière en soulevant des objections. »
Ellsberg implore ceux qui, au sein de ladministration américaine, sont au fait de ces préparatifs, ceux qui possèdent des documents pour appuyer leurs dires, à les rendre publics dès maintenant, AVANT le déclenchement de la guerre.
Cet appel à la désobéissance civile pourrait également sappliquer aux fonctionnaires et aux responsables militaires canadiens au courant de tels préparatifs. Déjà, le premier ministre Stephen Harper a laissé entendre, lors de son discours devant lEconomic Club et en dautres occasions, que le Canada appuierait sans réserve les initiatives de ladministration Bush contre lIran. Le renforcement de la présence militaire canadienne en Afghanistan, un pays limitrophe de lIran, nest pas étrangère à ces plans guerriers.
Une écoute et une lecture attentives des médias nous montrent quon est déjà en train de préparer lopinion publique à une telle guerre. Lors de lémission Y va y avoir du sport de Marie-France Bazzo qui portait sur le pacifisme du peuple québécois (16 septembre), le sociologue de droite « chouchou » des médias Mathieu Bock-Côté reprenait quasiment mot pour mot le discours bushien sur lislamo-fascisme et invoquait lexemple chéri de tous les va-ten-guerre, soit la politique dapaisement des grandes puissances devant lAllemagne hitlérienne à Munich en 1938.
Dans le Devoir du 23 septembre, le chroniqueur Gil Courtemanche signe un papier intitulé « LIran, maître du jeu » qui présente le gouvernement de Téhéran et son programme nucléaire comme se trouvant « au cur de toutes les crises dans la région, lIrak, le Liban, Israël, le prix du pétrole, le terrorisme ». Son président, Ahmadinejad est décrit par Courtemanche qui, rappelons-le, appuie la mission canadienne en Afghanistan comme « le fanatique président iranien » qui possède « toutes les cartes pour mener le terrible poker qui se joue dans la région. »
Israël et les États-Unis sont présentés comme des valeurs négligeables et lIran comme la seule superpuissance de la région. Pourtant, dans les faits, contrairement à Israël et aux États-Unis, lIran na envahi et noccupe le territoire daucun pays de la région et ce sont Israël et les États-Unis qui détiennent des armes nucléaires.
Lors de la Guerre du Golfe de 1990 et linvasion récente de lIrak, les dirigeants américains et les médias ont diabolisé Saddam Hussein en le qualifiant de nouvel Hitler et présenté lIrak comme une menace militaire digne du IIIe Reich. Les faits ont démontré que cela nétait que foutaise.
Il en va de même aujourdhui. Dans sa confrontation militaire avec lIrak (1980-1988), lIran a été incapable de vaincre de façon décisive les armées de Saddam Hussein qui lavait attaqué avec la bénédiction américaine. Comment croire aujourdhui que lIran représenterait une telle menace dans la région?
« La guerre est la continuation de la politique par dautres moyens », écrivait le grand stratège militaire Clausewitz et la politique qui nous mène aujourdhui vers la guerre, sous le fallacieux prétexte de lutte contre le terrorisme, est la politique de domination du Moyen-Orient et de lAsie centrale par les États-Unis et ses alliés pour contrôler les champs pétrolifères et les oléoducs.
Ce sont ces enjeux quil faut mettre en lumière, tout en refusant de se laisser aveugler par la campagne anti-islamique menée tambour battant par les gouvernements, les médias et le Vatican.
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