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Par demhaitam le 20 Octobre 2006 à 19:15LOccident, avec laide des Arabes « modérés »,essaie de ramener le monde arabeà lAge de pierre.
Des manifestations des forces de sécurité à Gaza qui exigent le paiement de leurs arriérés de salaire ont tourné à la violence. En apparence ça ressemble à une action syndicale qui a mal tourné. Mais quelque chose de beaucoup plus sinistre au niveau politique se cache là-dessous.
Bien sûr les fonctionnaires veulent être payés, comme tous les travailleurs, surtout maintenant pendant le Ramadan quand on consomme davantage. Mais les fonctionnaires, comme les autres travailleurs, sont soumis au blocus économique qui a pourtant été imposé pour des motifs politiques.
Ici la division nest pas horizontale, entre fonctionnaires et dautres classes de travailleurs ; elle est verticale et elle traverse et déchire la société sur la base daffiliations politiques. Dun côté il y a ceux qui font lobjet du blocus à cause de leur position collective contre les conditions du Quartette. De lautre il y a ceux qui voient dans le blocus une attaque contre leurs adversaires politiques et donc une forme de soutien à leurs propres positions.
Les Palestiniens ont encore à gagner leur libération et leur Etat nation Mais ils ont déjà établi une identité, un mouvement national et la volonté de se battre pour la libération. Prendre parti pour un blocus colonialiste, cest se prêter à la mise en danger de cette modeste réussite, obtenue par tant dénormes sacrifices.
La situation semblait limpide : il y a eu des élections démocratiques. Leurs résultats ont déplu aux puissances étrangères, qui ont décidé de les contourner dune façon particulièrement vicieuse, cest à dire de soumettre cet électorat à un étranglement économique.
Bon, on pourrait penser que tous les gens qui possèdent un sens minimum de leur identité patriotique considèreraient cette action comme un affront flagrant à leur volonté nationale et uniraient leurs forces pour y répondre.
Au minimum, même ceux qui se sont présentés contre les vainqueurs devraient seffacer et laisser les vainqueurs gouverner, quelles que soient leurs croyances et attitudes respectives. Après tout, aucune résolution internationale appelant à des sanctions contre le gouvernement palestinien na été votée et il ny a donc aucune raison pour que les pays arabes se plient au boycott de ce gouvernement et quils refusent den rencontrer les représentants. De plus, longtemps avant quils aient décidé de tirer avantage du boycott, les Palestiniens opposés au gouvernement auraient pu travailler à y mettre fin, ce qui naurait pas été une tâche très difficile, si lon en juge par la Turquie, la Russie et dautres.
On a beau se frotter les yeux, on a du mal à y croire. Une partie du peuple palestinien a décidé de manifester contre une autre partie de ce même peuple, lui disant de se plier aux trois exigences des boycotteurs ou alors de se retirer et de laisser dautres gouverner. Les manifestants disent : « Nous sommes soumis à un boycott dIsraël, des Etats-Unis et de lEurope. Ca, cest évident, et comme cest évident cest sans importance. Ce qui importe, ce sont les conditions. Cest elles que lAutorité palestinienne (ANP) doit accepter afin de mettre fin au boycott, parce que cest en refusant ces conditions que le gouvernement élu a déclenché le boycott. »
Voilà comment des gens se couchent devant la logique et les objectifs des boycotteurs. Voilà comment les conditions exigées par des forces extérieures hostiles deviennent lagenda politique dune partie des forces intérieures. Ce faisant, la liberté de choisir et lunité nationale sont mises au rebut en échange de la promesse de pain pour les masses. A leur tour, les masses deviennent un instrument pour renverser le gouvernement et en élire un autre, qui aura lapprobation de lOccident. Quand ce nouveau gouvernement arrivera aux affaires, sa plus grande réussite sera de donner de la nourriture aux gens. Ainsi finit la glissade vers le précipice, des principes vers des instincts plus rudimentaires.
Ce que nous voyons se dérouler nest pas seulement le retour à la période davant lunion du mouvement de libération, cest aussi la régression vers la politique pré-moderne. Cest déjà difficile de croire quà notre époque lOccident et les Arabes ont pu tomber si bas quils utilisent la nourriture comme arme pour sopposer à un choix démocratique. Cest encore plus dur de croire que certaines des personnes qui subissent cette tactique en arrivent à participer à ce jeu alors quelles auraient pu lempêcher.
Un processus semblable sest dailleurs produit au Liban. Là aussi les raisons de lagression israélienne étaient supposées aller de soi et on accusait ceux qui les remettaient en cause davoir provoqué lagression israélienne pour commencer. De plus, ici, non seulement lagresseur na reçu aucun blâme et cest la victime qui a été accusée, mais quand cest la victime qui a gagné, on a nié sa victoire, ne serait ce que pour maintenir un équilibre.
On est bien obligé de se demander pourquoi aucun démocrate ou néo-libéral palestinien de renom ne sest levé pour protester contre ce siège que lOccident démocratique impose pour contrer les résultats des élections législatives palestiniennes - saluées par la communauté internationale pour leur clarté et leur honnêteté, bien quelles aient eu lieu sous occupation et bien que pour certains des participants, comme le Hamas, le simple fait dy participer était une concession majeure, au regard de leur opposition aux structures même (lANP) créées par loccupation.
Pas une seule ONG na annulé ses conférences en faveur de la démocratie, qui sont financées par lOccident, afin de protester contre le boycott. Pas un seul expert en démocratie membre des organisations américaines et européennes pour lélargissement de la démocratie ne sest vu boycotté en retour. A vrai dire, pas un seul démocrate na rappelé que le boycott a frappé longtemps après que le Hamas sest engagé à une trêve et quil a arrêté toutes ses opérations -suicide. Cest ce pourquoi le Hamas est puni ? Parfois on le dirait. Et ce simple fait devrait inciter certaines personnes à tenir leur langue et à arrêter de donner des conseils au Hamas.
La gauche non plus, la nouvelle ou lancienne, financée maintenant par des fonds de développement démocratiques américains et européens et fermement pro -démocratique aujourdhui, après une longue histoire de vociférations dans la solidarité avec divers régimes totalitaires ou dictatoriaux, tant que ce nétaient pas des Arabes, la gauche donc na pas non plus proclamé sa solidarité avec le gouvernement élu assiégé, contrairement à ce que ferait tout patriote démocrate en Occident où cest une seconde nature que de mettre de côté ses divergences politiques et de sunir derrière un gouvernement démocratique attaqué par létranger,
Peut-être le problème est -il que la liberté de lier démocratie et patriotisme est une prérogative du seul Occident. Car dans le monde arabe, au moins, il semble quon attend du démocrate arabe quil mette des limites, et en conséquence il ne vit ni dans lun ni dans lautre monde mais dans celui des Ong financées par lOccident, qui au moins lui garantit la sécurité économique.
Pendant ce temps, les élites arabes, récemment rebaptisées "modérées," ont échoué à leurs examens en démocratie et en patriotisme.
Le premier était un examen stupide quelles ne voulaient pas passer de toute façon, mais on les a honteusement traînées dans la salle dexamen où elles ont effectivement prouvé quelles étaient incapables dintroduire les réformes démocratiques même les plus simples que Washington les forçait à faire par le chantage.
Et puis, quand Washington le leur a demandé, elles ont resserré leurs liens avec Israël en échange de laccord de Washington de ne plus se mêler de leurs affaires internes. Mais le boycott du gouvernement palestinien élu a été un test plus pointu parce que dans ce cas les sujets de la démocratie et du patriotisme étaient liés.
Ici les régimes "modérés" se sont surpassés pour leurs maîtres occidentaux. Ils ont répondu que toute personne qui défie la position dune autorité colonialiste ou doccupation ou toute autre autorité en situation de pouvoir, mérite ce qui lui tombe dessus et que la seule attitude rationnelle est de faire ce que disent et les Etats-Unis.
Cest précisément ce que les modérés font, alors quils sont passés au premier plan de la dernière phase du processus de régression désolante. Bien entendu tout le monde sait, aux Etats-Unis, à gauche comme à droite, quil ny a rien de modéré dans la manière de penser de ces régimes ou dans leur comportement. La corruption, les violations des droits humains, le népotisme et le contrôle du mécanisme du gouvernement, la vengeance contre des adversaires politiques et même la préparation de fils à la succession, tout cela nest jamais fait à moitié.
En fait, la seule raison pour quon les appelle modérés cest quils feront tout ce que disent les Etats-Unis afin de rester au pouvoir, ils soutiendront y compris une solution qui sera préjudiciable à la cause palestinienne. Et il ny a là rien de modéré.
Ce sont ces forces là qui se voient au pouvoir longtemps après que ladministration actuelle à Washington ne sera plus là. Ils dérouleront le tapis rouge pour Bush, son ancien Secrétaire dEtat et dautres hommes dEtat âgés qui font des tournées de conférence aux coûts exorbitants. Ils se sentiront pleins dune nouvelle vigueur quand les conservateurs ordinaires seront revenus à la Maison Blanche -choix plus rationnel que celui des néo-conservateurs, en tout cas dans latmosphère de nouvelle Guerre froide qui a débuté le 11- septembre. Après tout le chantage qui a tellement affaibli leur assurance quils faisaient tout ce que vouaient les Etats-Unis, les conservateurs ordinaires considèreront quils sont beaucoup plus fiables que les « horreurs » que les démocraties arabes entraînent.
Afin de contrebalancer les résultats des élections démocratiques en Palestine ils utilisent les privations pour manipuler le processus politique. Afin de démanteler un édifice dEtat en Irak, ils ont élevé les affiliations communautaires au- dessus de la pluralité politique. En laissant libre cours à une telle faim et à de tels instincts tribaux élémentaires, ils catapultent la région jusquà laube de la politique moderne, démocratique ou autre. Ils reviennent en arrière jusquà une ère où il nexistait rien qui soit une sphère publique distincte, celle qui a donné naissance à des concepts politiques modernes comme lindividu, lEtat, la nation et la société civile. Grâce à lAmérique démocratique, à Israël et à leurs alliés dans la région, nous en revenons à nous battre pour des miettes, à la loi de la jungle et à considérer que cest par le lien organique seul que lindividu peut assurer sa survie.
Nous vivons la dissolution de la politique et la dissociation de la politique. "Les droits individuels," "le citoyen," "la pluralité politique" - sans parler de l "unité nationale" sans laquelle rien de ça ne peut fonctionner - restent jaunir sur les pages de brochures que personne ne lit bien quelles soient distribuées gratuitement par des ONG pour la démocratisation. Aujourdhui, si quelquun suggère -sans plus- de mettre ces termes en pratique dans le monde arabe, on le traitera au mieux comme sil avait perdu tout lien avec la réalité.
A une époque, les centres de recherche, les médias et dautres organisations variées dans le monde étaient plongés dans des discussions profondes sur la nécessité détendre la démocratie afin de combattre le terrorisme. Tout le monde proclamait luniversalité des principes démocratiques, et quiconque ne le faisait pas se faisait traiter de raciste, puisque lon tenait pour acquis que lIslam et la démocratie nétaient pas compatibles.
Et voilà que la " révolution permanente " de la démocratie sest retirée et que la voix des néo-conservateurs sest réduite à un murmure. Un murmure de fumée, qui cache lespoir quaucun des survivants dun attentat à la voiture piégée en Irak, quaucun de ceux qui grattent dans les ruines de Dahiya à Beirut pour retrouver un souvenir, quaucun de ceux qui ont perdu leur emploi ou la liberté parce quils avaient le courage de manifester pour la démocratie, lespoir quaucun dentre eux ne remarquera que les alliés arabes de lOccident sont devenus « modérés ».
Que nous ont légué la révolution démocratique et le nouveau Moyen-Orient qui avaient si fièrement choisi l Afghanistan et l Irak comme modèles dune transition démocratique ? Lécroulement total des processus démocratiques, la fragmentation de lunité nationale et le démantèlement de pans entiers de lEtat dans lun et les autres. Si vous êtes arabe, jespère que vous nêtes pas partisan de lunité nationale car cela vous amènera à être accusé dêtre un nationaliste arabe. Le nationalisme est la chasse gardée dIsraël et de lOccident, car il est la condition sine qua non de la construction de la démocratie. Nous ne pouvons pas avoir ça ici, quand le Nouveau Moyen-Orient de Perez requiert lalliance entre les " forces modérées" dans la région et Israël contre les forces de lextrémisme.
Cest donc la quen est la situation aujourdhui. Dun côté il y a les USA et Israël, ralliés par les régimes arabes modérés, de lautre ces forces qui refusent de reconnaître la réalité. Pour ce qui est des « modérés dans cette équation, leur modération, sans parler de leur démocratie, ne résiste pas à lobservation. Sauf si lon définit la modération comme la volonté de contribuer à la destruction de leurs sociétés et le démantèlement de leur politique nationale si cest nécessaire à leur maintien au pouvoir.
En attendant, il est prévu que luniversalité si vantée des valeurs démocratiques finira à la poubelle afin de laisser prévaloir la loi de linstinct. Et on ne peut nier luniversalité des instincts naturels.
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