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Par demhaitam le 21 Octobre 2006 à 19:41« Le Moyen-Orient est malade du paradigme de la force »11 septembre 2001
Entretien avec Jean-Paul Chagnollaud.
Quel bilan dressez-vous des cinq ans de « guerre au terrorisme » de ladministration Bush ?Jean-Paul Chagnollaud. Si on prend le Moyen-Orient dans sa globalité, on voit que cette guerre contre le terrorisme est partie dun plan nébuleux et très idéologique, concocté par lentourage du président Bush bien avant les attentats du 11 septembre 2001. Les gens qui ont pensé tout cela étaient présents dans tous les « think tanks » néoconservateurs, au moins depuis la première guerre du Golfe. Ils ont simplement utilisé une menace bien réelle - al Qaeda et le 11 septembre 2001 - comme prétexte pour mettre en oeuvre des politiques aveugles basées sur cette idéologie floue qui, en fait, ignorait les réalités de la région. Ainsi, lattaque contre lIrak a-t-elle été justifiée par la prétendue menace darmes de destructions massives et de réseaux terroristes, qui nexistaient pas, comme la suite la démontré. En réalité, il sagissait de dominer la région par tous les moyens, et avant tout par la force. Car toute lidéologie des néoconservateurs est basée sur le paradigme de lusage de la force.
En Irak, très clairement, son application a créé un terreau fertile pour le développement dun terrorisme qui nexistait pas avant lintervention américaine. Cette politique révélait une méconnaissance totale de la structure sociale de lIrak par Bush et son entourage. Une « ignorance alliée à larrogance », selon lexpression de certains de mes confrères américains, et qui conduit aujourdhui lIrak à la guerre civile.
Peut-on appliquer la même grille de lecture à la Palestine et au Liban, où, loin de la paix et de la démocratie promises, on a de nouvelles guerres et de nouvelles tragédies ?
Jean-Paul Chagnollaud. Je dirais que si George W. Bush avait vraiment voulu mener la guerre contre le terrorisme - qui, jy insiste, est une réalité, car on ne peut nier qual Qaeda existe -, il aurait mieux valu faire la paix en Palestine plutôt que la guerre en Irak. Clinton, en janvier 2001, avait failli réussir. Il nen était pas loin. Bush navait quà reprendre le fil. Au lieu de cela, il a préféré écouter la clique des Cheney, Rumsfeld et autres Pearl. À lépoque, ils étaient obsédés par leur projet de défense antimissile. Ils avaient du mal à limposer. Le 11 septembre 2001 a ouvert une brèche qui leur a permis de le faire passer. Il a légitimé leur approche unilatérale et occulté toute analyse sérieuse.
Pendant la guerre contre le Liban, Bush na cessé de répéter que cétait « une guerre entre démocratie et terrorisme totalitaire » ! Pour lui, cétait une nouvelle étape de sa « guerre contre le terrorisme », menée cette fois par Israël. Il ne fait aucune différence entre al Qaeda, le Hezbollah ou le Hamas. Il est allé jusquà dire, au moment où lon a révélé le complot contre Londres - comme par hasard en pleine guerre au Liban - que les auteurs du complot étaient « de même nature que le Hezbollah ». Cest à partir de ce même genre damalgame quil apporte un soutien inconditionnel à Israël dans son refus de négocier avec le Hamas. On peut donc affirmer que Bush, au nom de cette nébuleuse mentale quil appelle « guerre contre le terrorisme », a certainement contribué aux violences actuelles au Moyen-Orient, que ce soit en Irak, en Israël et Palestine ou au Liban.
Nest-ce pas totalement contre-productif, y compris dans la volonté de soutenir Israël, qui se trouve aujourdhui affaibli et lui-même victime de cette politique ?
Jean-Paul Chagnollaud. Contre-productive est le mot juste, car cette politique aboutit exactement à linverse des objectifs poursuivis. Au lieu de vaincre le terrorisme, on le suscite en Irak. Au lieu daffaiblir le Hezbollah au Liban, on le renforce. Au lieu de renforcer Israël, on lisole. On veut la démocratie en Palestine, mais on rejette le résultat délections où la volonté du peuple palestinien sest exprimée, malgré loccupation. La raison de ces échecs, cest quun seul paradigme inspire cette politique : le Proche-Orient est malade du paradigme de la force, du refus du politique, du refus de la reconnaissance de lAutre. Et je crains le pire, en ce qui concerne lIran, car Bush et les siens nont tiré aucune leçon des erreurs commises. Pas plus quOlmert et Peretz, en Israël, ne semblent capables de saisir les propositions que vient de faire lEurope de retour à la « feuille de route », pourtant infiniment plus fécondes.
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