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Par demhaitam le 7 Novembre 2006 à 17:32
Bolivie : La carotte et le bâton de Morales
font céder les transnationales
(Si la loi cest le droit davoir faim, La Révolution est un droit.)
Les dix transnationales qui exploitent les hydrocarbures boliviens ont accepté de nouveaux contrats beaucoup plus favorables à lEtat. La Paz prend le contrôle de la commercialisation et voit ses revenus exploser.Le Courrier, mardi 31 octobre 2006.
Dimanche matin, à peine quelques heures après léchéance fixée par le gouvernement, la dixième transnationale pétrolière active en Bolivie posait à son tour son paraphe. La « nationalisation soft » des hydrocarbures annoncée par Evo Morales le 1ermai dernier devenait réalité. Dès la ratification parlementaire, la société dEtat YPFB reprendra à son compte leur commercialisation et cogérera lexploitation des 54 gisements boliviens avec les transnationales devenues « prestataires de service » pour le compte de la puissance publique. Financièrement, la Bolivie annonce une multiplication par huit de ses revenus dici 2011. Pour le président bolivien, qui a besoin de ces pétrodollars pour financer son projet socio-économique, cest un succès incontestable. Au point dêtre célébré jusque dans les rangs de lopposition !
Pour mesurer le chemin parcouru, il suffit de se souvenir quil y a quatre ans exactement, le gouvernement néolibéral de Gonzalo Sanchez de Lozada faisait donner la troupe contre les mouvements sociaux mobilisés en faveur de la nationalisation des hydrocarbures. La fameuse « Guerre du gaz » allait coûter la vie à une septantaine de manifestants et pousser « Goni » à lexil->. Elle marquait aussi un tournant historique pour ce pays comptant deux tiers de pauvres, malgré les deuxièmes réserves continentales de gaz naturel.
Confiée aux transnationales cinq ans plus tôt, la principale richesse bolivienne rapportait alors à peine 300 millions de francs par an aux caisses de lEtat. Sous la pression de la rue, le successeur de « Goni », Carlos Mesa, doublait limposition des hydrocarbures mais refusait leur « nationalisation », arguant du risque de faire de la Bolivie un « paria » de la communauté internationale.
Cogestion Etat-privés
Lorsquil prend le pouvoir en janvier 2006, Evo Morales est bien conscient de ce risque, dautant que les principaux investisseurs étrangers proviennent de lincontournable voisin brésilien. Le nouveau chef de lEtat sait également que la petite société publique YPFB serait incapable dexploiter seule, du jour au lendemain, les cinquante-quatre puits du pays.
Sous linfluence de son vice-président Alvaro García Linera, M.Morales opte alors pour une stratégie de cogestion quil présente le 1ermai : lEtat nationalise le commerce et le raffinage de lor noir et augmente sa part des recettes, tout en garantissant à ses « partenaires » privés un retour sur investissement suffisant pour éviter leur départ du pays. Une nationalisation partielle -« sans expropriation »- qui doit prévenir la multiplication de contentieux entre la Bolivie et ses concessionnaires devant les tribunaux. Décidé à mettre les transnationales sous pression, M.Morales leur donne 180jours pour se conformer aux nouvelles règles du jeu ou abandonner leurs puits.
Autorité et souplesse
Cet audacieux pari - que nombre danalystes jugèrent alors comme téméraire -, la Bolivie est en passe de le remporter (la question des raffineries nest pas encore réglée). Non seulement les revenus fiscaux de La Paz vont prendre lascenseur - 1,25 milliard de francs annoncés en 2007 ou 23% du PIB - mais les dix compagnies transnationales ont promis quelque 2,5milliards de francs dinvestissements durant les prochaines années !
Un miracle ? Bien plus le fruit dune analyse lucide de la situation et dune méthode éprouvée de longue date : la carotte et le bâton. Par son décret de « nationalisation » prononcé - militaires à lappui - depuis un champ gazier, M.Morales a su marquer lautorité nouvelle de lEtat bolivien. A des compagnies soudainement conscientes quelles pouvaient tout perdre, il a fait ensuite miroiter trois marchés captifs - le bolivien, largentin et le brésilien -, des contrats de dix à trente ans et une rentabilité assurée (le chiffre de 15% est avancé contre 40% environ aujourdhui).
Encourager linvestissement
En outre, La Paz a proposé un système dencouragement à linvestissement qui garantit des gains exponentiels selon la manne dévolue par la transnationale au développement de « ses » installations. A contrario, un forage déjà rentabilisé sera surtaxé. Voire, cette fois, réellement nationalisé.
Outre ce système dit de « contrat dexploration et dexploitation avec risques », les derniers doutes ont été levés grâce à un barème dimpôt adapté à la taille de lexploitation et à la perte globale subie par lentreprise lors de la « nationalisation ». Selon des chiffres non officiels, les prélèvements sétaleraient entre 50% (pour les plus petits gisements) et 82% (taux le plus fréquemment appliqué).
Questions en suspens
Bien sûr, le triomphalisme dEvo Morales - qui célèbre sa « nationalisation sans indemnisation » - doit être observé avec circonspection. Il faudra dabord connaître le détail des contrats et jauger de la bonne foi des signataires pour savoir si le gouvernement dEvo Morales a réellement trouvé la bonne formule. Linexpérimentée YPFB saura-t-elle contrôler réellement les opérations de ses partenaires sans se faire gruger ? Combien coûtera à lEtat la nationalisation manquante des raffineries et du système de transport des hydrocarbures ? Celle-ci permettra-t-elle dindustrialiser davantage le gaz en Bolivie, afin dapporter emplois et valeur ajoutée ? Brasilia acceptera-t-elle de revoir à la hausse son prix dachat du gaz bolivien ? On le voit, les 5 milliards de francs de recettes annuelles annoncées par Evo Morales pour 2010 demeurent encore théoriques.
Où sont les réalistes ?
Mais au-delà des interrogations qui subsistent, quelques leçons peuvent déjà être tirées. En premier lieu, la confirmation est donnée que les gouvernements néolibéraux des années 1990 -qui ont soldé les ressources naturelles boliviennes au nom du « réalisme économique »- étaient composés de fieffés escrocs. Sinon comment expliquer que les multinationales qui ont vu leurs impôts passer de 18% à 82% annoncent unanimement leur intention de poursuivre leurs investissements en Bolivie ?
En second lieu, on constate avec plaisir quun gouvernement sachant allier fermeté et souplesse peut faire plier les multinationales les plus puissantes de la planète. Même lorsquon est à la tête du pays le plus démuni dAmérique du sud.
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