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Par demhaitam le 22 Janvier 2007 à 04:45
« Larmée américaine terrifie les gens pour
leur faire faire ce quelle veut »
Chris Teske, vingt-sept ans, a été déployé deux fois en Afghanistan. Il a été témoin de violences contre les civils afghans, avant de déserter en octobre.
« Dans ma famille, cest une tradition : un homme a combattu dans chaque guerre depuis la révolution américaine. Je me suis engagé dans larmée - début 2001. Javais commencé luniversité, mais jai vite été à court dargent. Larmée moffrait une bourse. Un mois après le 11 septembre 2001, jai participé à linvasion de lAfghanistan comme mitrailleur dans linfanterie. Jétais volontaire pour le combat, jétais très en colère à lidée quon sattaque aux - civils américains.
Mais là jai été témoin de la manière dont les prisonniers et les habitants étaient maltraités. Quand on partait pour une mission, le commandant choisissait un point sur une carte. On - défonçait la maison, on parquait les femmes dans une pièce et on perquisitionnait les lieux. En clair, on démolissait la maison. On na quasiment jamais rien trouvé. Lidée, cétait que tout le monde était taliban jusquà preuve du contraire. Latmosphère était très hostile, des soldats traitaient les civils de hadji (1). On na - jamais fait quoi que ce soit dhumanitaire, ne serait-ce que distribuer des vivres. En 2001, les Afghans étaient chaleureux et ouverts, il arrivait même quils nous invitent à dîner. Quand je suis revenu dans le pays, en juillet 2003, la situation avait complètement changé. La résistance des taliban était plus dure, notre présence dans une ville les - attirait comme un aimant. Jai essayé de men ouvrir à mes supérieurs. Ils mont dit : "Tais-toi et occupe-toi de tes affaires."
Je suis rentré aux États Unis en décembre 2003, où jai été congédié avec les honneurs. Comme javais signé pour trois ans de service, je pensais en avoir fini avec larmée. Je navais pas compris que mon contrat courait sur huit ans. Ce contrat, cétait un paquet de 50 pages avec tout un tas de clauses, et cette phrase : "Ce contrat est fondé sur les besoins de larmée." En août 2005, un sergent sest pointé chez moi pour me dire de me préparer. Les factures, la voiture, la maison, le travail : tout cela navait aucune importance.
Ma femme et moi avons - déménagé en Allemagne, où je devais être stationné, pour un travail non combattant dans les communications. En arrivant là-bas, ils mont mis comme mitrailleur. Exactement comme avant. Jenseignais des techniques de combat et le maniement de la mitrailleuse lourde de calibre 50 à des jeunes de dix-huit ans qui allaient partir en Irak. Un jour, je leur expliquais que cette arme était très puissante et dangereuse, quen essayant de viser quelquun dans une maison on pouvait tuer les autres personnes qui sy trouvaient. Tout le monde a ri. Personne navait envie dentendre ces - recommandations morales.
Dans le même temps, mes supérieurs mont dit darrêter la thérapie que je suivais pour soigner mon stress post-traumatique, parce que ça me faisait partir une demi-heure plus tôt de mon travail. Cest la mentalité "dur à cuire" : si vous ne saignez pas, vous navez aucun problème. Avec ma femme, on a décidé de partir. En octobre 2006, nous avons vidé notre compte en banque, pris des billets aller-retour pour ne pas éveiller les soupçons et sommes rentrés en Caroline du Nord avec deux valises. Heureusement, ma voiture navait pas encore été envoyée en Allemagne. Nous avons passé un moment avec nos familles, puis nous avons traversé le Peace Bridge près de Buffalo pour nous retrouver au Canada. On parle de lAmérique comme du pays de la liberté. Mais je ne me suis vraiment senti libre quaprès avoir traversé ce pont.
« La décision fut difficile à prendre : larmée américaine a cette façon de terrifier les gens pour leur faire faire ce quelle veut. Mais cest une bonne décision. Quand jaurai des enfants, je veux quils sachent que je suis fier dune chose dans larmée : davoir déserté. Ma famille a bien - réagi. Elle a vu le changement radical qui sétait opéré en moi après mon retour dAfghanistan. Jétais toujours armé, je pensais à la guerre tout le temps, je faisais des cauchemars. Aujourdhui, je me sens mieux. Je pense que jétais un bon soldat. Mais cest dur dêtre un bon soldat dans une mauvaise guerre. Certaines guerres sont nécessaires, mais pas cette guerre illégale. Jai des amis en Irak, à qui on demande de rassembler les gens aux check-points et de tirer dans le tas. Je nai jamais commis un crime de ma vie. Mon plus grand crime, cest davoir refusé daller tuer des gens. »
NOTES
(1) Ce terme désigne dans lislam les musulmans qui ont accompli le pèlerinage à La Mecque.
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