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Par demhaitam le 18 Mars 2007 à 22:39
La vérité dOlmert
Les Américains nous utilisent comme une menace. Ils nous retiennent sur une ligne comme un chien dattaque, et disent à Assad : si vous ne faites pas ce que nous voulons, nous lâcherons le chien.Si Dieu le veut, même un manche à balai peut tirer des coups de feu. Cest un vieil adage yiddish. Aujourdhui, on pourrait ajouter : Si Dieu le veut, même Olmert peut parfois dire la vérité.
La vérité, daprès le témoignage du Premier ministre devant la commission denquête présidée par le juge Vinograd, témoignage divulgué hier aux média, est que la guerre nétait pas une réaction spontanée à la capture des deux soldats, mais quelle était planifiée depuis longtemps. Cest ce que j'avais dit dès le début.
Olmert a déclaré à la commission que, juste après sa prise de fonction comme Premier ministre en exercice, en janvier 2006, il a consulté les chefs de larmée à propos de la situation sur la frontière nord. Jusqualors, la doctrine dominante était conforme à la décision dAriel Sharon - logique de son point de vue - de ne pas réagir par la force aux provocations dans le nord, afin que larmée israélienne puisse se concentrer sur le combat contre les Palestiniens. Mais cela a permis au Hezbollah de constituer un stock important de roquettes de toutes sortes. Olmert décida de changer cette politique.
Larmée a préparé un plan en deux étapes : une opération terrestre ayant pour but lélimination du Hezbollah, puis une offensive aérienne visant à détruire linfrastruture libanaise, afin de mettre la pression sur les Libanais qui à leur tour mettraient la pression sur le Hezbollah. Comme la déclaré le chef détat-major, Dan Halutz, au début de la guerre « Nous allons reculer de 20 ans les pendules du Liban » (un but plutôt modeste comparé à la célèbre proposition dun collègue américain : « Bombarder le Vietnam jusquà ce quil retourne à lâge de pierre. ») Laviation avait également pour mission de détruire larsenal de roquettes du Hezbollah.
Mais de nos jours, il nest plus question dattaquer un pays sans raison convaincante. Déjà avant la première guerre du Liban, les Américains demandèrent quIsraël nattaque quaprès une provocation pouvant convaincre le reste du monde. La justification nécessaire fut donnée à point nommé par le gang dAbou Nidal, qui avait tenté dassassiner lambassadeur israélien à Londres. Dans la guerre récente, il avait été admis à lavance que la capture de soldats israéliens constituerait une telle provocation.
Un cynique pourrait dire que cette décision transformait les soldats israéliens en appât. On savait que le Hezbollah voulait capturer des soldats afin dobtenir un échange de prisonniers. Les patrouilles de larmée régulière israélienne le long de la frontière constituaient, en quelque sorte, une invitation au Hezbollah de mettre à exécution son plan néfaste.
LA CAPTURE du soldat Gilad Shalit par les Palestiniens près de la frontière de Gaza constitua un signal dalarme en Israël. Olmert a déclaré dans son témoignage que, à partir de ce moment-là, il fut convaincu que le Hezbollah était sur le point de réaliser un exploit semblable.
Dans ce cas, le Premier ministre aurait peut-être dû ordonner à larmée de mettre fin aux patrouilles le long de la frontière nord, ou les renforcer de manière à dissuader le Hezbollah. Cela na pas été fait. Les pauvres membres de la patrouille fatale sont partis comme sils se rendaient à un pique-nique.
Le même cynique pourrait dire quOlmert et les chefs de larmée avaient besoin dun prétexte pour exécuter leurs plans de guerre. Ils étaient convaincus, de toute façon, que les soldats rentreraient en moins de deux. Mais, comme le dit la devise royale britannique « Honni soit qui mal y pense »
Quoiquil en soit, le Hezbollah a attaqué, deux soldats ont été faits prisonniers, et lopération programmée aurait dû se dérouler sans problème. Mais ce nest pas ce qui sest passé. La guerre, bien sûr, a éclaté, comme prévu, mais à partir de là, presque rien ne sest passé selon le plan. Consultations hâtives, décisions confuses, opérations indécises. Il apparaît aujourdhui que le plan navait pas été totalement terminé ni entériné.
La commission Vinograd est censée répondre à quelques questions épineuses : Si la guerre était planifiée depuis si longtemps, pourquoi larmée ny était-elle pas prête ? Comment se fait-il que le budget militaire ait été réduit ? Comment se fait-il que les entrepôts darmes étaient vides ? Pourquoi les forces de réserve, supposées réaliser les opérations au sol, nont-elles été appelées que quand la guerre était déjà très avancée ? Et quand finalement elles furent déployées, pourquoi ont-elles reçu des ordres confus et contradictoires ?
Toutes ces questions montrent quOlmert et les généraux étaient largement incompétents concernant les décisions militaires. Mais aussi quils ne comprenaient rien à la scène internationale.
HASSAN NASRALLAH a ouvertement admis quil avait fait une erreur.
Il navait pas compris quil y avait eu un changement en Israël : au lieu de Sharon, un vétéran qui ne recherchait pas laction dans le nord, un nouvel homme était arrivé, un politicien inexpérimenté, que la guerre démangeait. Ce que Nasrallah avait en tête, cétait un nouvel épisode de la routine habituelle : la prise de quelques soldats et un échange de prisonniers. Au lieu de cela, une guerre généralisée a éclaté.
Mais lerreur dOlmert fut encore pire. Il était convaincu que les Etats-Unis lui donneraient leur bénédiction totale et lui permettraient de se balader au Liban à loisir. Mais les intérêts américains aussi avaient changé.
Au Liban, le gouvernement de Fouad Siniora a réussi à unir toutes les forces pro-américaines. Elles ont exécuté loyalement tous les ordres de Washington, ont chassé les Syriens et ont soutenu lenquête sur le meurtre de Rafik Hariri, ce qui fournit aux Américains un prétexte pour une frappe massive contre la Syrie.
Selon les révélations dOlmert, Condoleezza Rice la appelé juste après le déclenchement de la guerre et lui a transmis les tout derniers ordres américains : ils désiraient vraiment quIsraël donne un coup fatal au Hezbollah, les ennemis de Siniora, mais il était absolument interdit de faire quoique ce soit qui puisse faire du tort à Siniora, comme bombarder les infrastructures libanaises hors du territoire du Hezbollah.
Cela émasculait les plans de létat-major. Lidée centrale avait été que, si la population civile au Liban était suffisamment frappée, elle ferait pression sur le gouvernement pour que celui-ci agisse résolument contre le Hezbollah, assez pour liquider lorganisation ou, au moins, pour la désarmer. On ne peut vraiment pas savoir si cette stratégie aurait réussi si elle avait été mise en uvre, mais en raison de lintervention américaine, elle ne la pas été.
Au lieu du bombardement massif qui aurait détruit les industries et les installations de base, Halutz devait se contenter - après lappel téléphonique de Condoleezza - de bombarder les routes et les ponts qui desservaient le Hezbollah et la population chiite (y compris les voies de ravitaillement pour les armes syriennes vers Hezbollahland). Les dégats étaient étendus mais pas suffisants pour mettre les Libanais à genoux - si cela avait été possible. Dautre part, les forces aériennes réussirent à détruire quelques missiles de longue portée, mais les missiles de courte portée ne furent pas frappées, et ce furent celles qui causèrent des dégâts dans la population du nord dIsraël.
Sur le terrain, lopération fut encore plus confuse. Cest seulement au cours des dernières 48 heures de la guerre, alors quil était tout à fait clair que le cessez-le-feu était sur le point dêtre conclu, que loffensive majeure, dans laquelle 33 soldats israéliens sont morts, fut lancée. Pour quelle raison ? Dans son témoignage, Olmert affirme quelle était nécessaire pour changer en faveur dIsraël quelques points de la résolution de lONU. Nous savons aujourdhui (comme nous lavons dit à lépoque) que ces changements ne valaient rien et ils restèrent sur le papier.
LINTERVENTION de Condoleezza Rice dans la conduite de la guerre est également intéressante dun autre point de vue. Elle met en lumière une question qui préoccupe les experts depuis un certain temps : dans les relations entre Etats-Unis et Israël, les intérêts américains lemportent-ils sur ceux dIsraël ou est-ce le contraire ?
Ce débat a réapparu quand les professeurs américains Stephen Walt et John Mearsheimer ont publié le résultat de leurs recherches selon lequel Israël impose aux Etats-Unis une politique contraire à lintérêt national américain. La conclusion a troublé beaucoup de gens qui croient le contraire : quIsraël nest quun petit rouage dans la machine impériale américaine. (Je me suis permis de défendre lidée que les deux versions sont justes : lAméricain remue sa queue israélienne et la queue israélienne remue le chien américain).
Quand Condoleezza Rice a encouragé Israël à faire la guerre mais mis un veto à une partie essentielle du plan de guerre, il semble quelle a donné tort aux deux professeurs. En fait Olmert na eu le feu vert des Américains pour sa guerre qui servait les intérêts américains (élimination du Hezbollah, qui sopposait au gouvernement Siniora pro-américain tout en en faisant officiellement partie), quavec des limites strictes (afin de ne pas faire du tort au gouvernement Siniora).
LE MÊME PRINCIPE est appliqué aujourdhui sur le front syrien.
Bashar al-Assad propose à Israël des négociations sans conditions préalables. Ainsi, il espère éviter une attaque américaine contre son pays. Comme les deux professeurs, il croit que le lobby israélien gouverne Washington.
Presque tous les experts importants en Israël sont daccord pour dire que la proposition syrienne est sérieuse. Même dans les « cercles de la sécurité », certains demandent à Olmert de profiter de loccasion et de faire la paix dans le nord.
Mais les Américains y mettent un veto absolu, quOlmert a accepté. Un intérêt vital israélien a été sacrifié sur lautel américain. Même aujourdhui, alors que Bush est déjà engagé dans une certaine forme de dialogue avec la Syrie, les Américains nous interdisent de faire la même chose.
Pourquoi ? Très simple : les Américains nous utilisent comme une menace. Ils nous retiennent sur une ligne comme un chien dattaque, et disent à Assad : si vous ne faites pas ce que nous voulons, nous lâcherons le chien.
Si les Américains arrivent à un accord avec les Syriens, en utilisant entre autres cette menace, ce sont eux qui engrangeront les bénéfices politiques de tout accord auquel nous parviendrons avec la Syrie au bout du compte.
Cela me rappelle les événements de 1973. Après la guerre doctobre, les négociation israélo-égyptiennes de cessez-le-feu ont commencé au kilomètre 101 (à partir du Caire). A un certain moment, le général Israël Tal a pris la direction de la délégation israélienne. Beaucoup plus tard, il ma raconté lhistoire suivante :
« A un certain moment, le général Gamasy, le représentant égyptien, sest approché de moi et ma dit que lEgypte était maintenant prête à signer un accord avec nous. Fou de joie, jai pris un avion et me suis précipité chez (le Premier ministre) Golda Meir, pour lui apporter la bonne nouvelle. Mais Golda ma dit de tout arrêter immédiatement. Elle ma dit : Jai promis à Henry Kissinger que si nous parvenons à un accord, nous lui transfèrerons lensemble du dossier pour quil règle tous les détails. »
Et cest bien sûr ce qui sest passé. Les négociations au km 101 furent arrêtées et Kissinger a pris les choses en main. Cest lui qui aboutit à laccord et ce sont les Etats-Unis qui en furent crédités. Les Egyptiens sont devenus les loyaux compagnons de route des Etats-Unis. Laccord israélo-égyptien a été reporté de cinq ans. Il fut conclu par Anouar el-Sadate qui avait planifié son voyage historique à Jérusalem dans le dos des Américains.
Aujourdhui, il se passe la même chose sur le front syrien. Dans le meilleur des cas. Dans le pire des cas, les Américains ne parviendront pas à un accord avec les Syriens, ils nous empêcheront de parvenir à un accord par nous-mêmes, et ce sont des milliers dIsraéliens, de Syriens et de Libanais qui en paieront le prix dans la prochaine guerre.
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