• « Préparez vos adieux aux armes »
    Lettre ouverte au général Petraeus, commandant des forces impériales en Iraq
    par James Petras
     
    J’ai été informé par le Manchester Guardian, le New York Times, le Wall Street Journal et le Washington Post que vous avez d’impeccables références académiques et militaires. Bush vous a désigné  comme "Commandant des forces multinationales en Iraq". Vous avez ainsi donc le pouvoir de mettre en application vos théories contre-insurrectionnelles si médiatisées. Vous êtes presque mon homonyme – ayant une version romanisée, de mon nom hellénisé [Petraeus/Petras]. Vous avez été surnommé "guerrier" ou "intellectuel contre-insurrectionnel". Pour ma part j’ai les références d’un intellectuel "insurgé" ou plutôt, selon la définition d’Alex Cockburn, d’"un adhérent, depuis cinquante ans, à la lutte de classe". Ceux qui font votre publicité vous ont décrit comme la dernière meilleure chance que possèdent les USA pour sauver (l’empire) en Iraq. Il n’est pas étonnant que les Démocrates au Congrès, conduits par la sénatrice Hillary Clinton, se soient mis à genoux pour louer et soutenir votre professionnalisme, ainsi que vos états de service en Iraq du Nord. Soit, admettons que vous jouissez d’un avantage: le soutien des deux partis, de la Maison Blanche, du Congrès et des mass-médias. Cependant, étant un intellectuel insurgé, je ne suis pas du tout convaincu que vous allez ou même que vous devriez, réussir à préserver l’Iraq pour l’empire. Mieux encore, je crois véritablement à votre échec. Vos hypothèses de départ, vos stratégies basées sur des analyses politiques fondamentalement fausses, auront des conséquences militaires profondes.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p>

    </o:p>

     “Cet homme peut-il sauver l’Irak ? L’universitaire guerrier forme les Irakiens à se battre pour eux-mêmes. Mission d’initié impossible »<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Commençons par vos succès militaires, qui ont été tant vantés, en Iraq du Nord – particulièrement dans la province de Ninive. L’Iraq du Nord, Ninive en particulier, est dominée par des chefs militaires et tribaux, ainsi que des patrons de partis politiques, kurdes. La stabilité relative de la région doit peu, pour ne pas dire rien, à vos prouesses contre-insurrectionnelles, et bien plus aux aspirations des Kurdes de la région à "l’indépendance" ou au "séparatisme". Dit crûment, le soutien militaire et financier des USA et d’Israël au séparatisme kurde a produit un État kurde indépendant de facto, matérialisé par le nettoyage ethnique brutal de grandes concentrations de citoyens turkmènes et arabes. Général Petraeus, en donnant libre cours aux aspirations à un "Grand Kurdistan" ethniquement purifié qui empiète sur la Turquie, l’Iran et la Syrie, vous vous êtes assuré la loyauté des milices kurdes et en particulier des meurtrières "forces spéciales" Peshmerga, pour vous aider à éliminer la résistance à l’occupation usaméricaine à Ninive. En plus, les Peshmerga ont fourni aux USA des unités spéciales pour infiltrer des groupes de la résistance iraquienne, ainsi que pour provoquer des frictions intercommunautaires, y compris des incidents terroristes contre la population civile. En d’autres termes, le succès du général Petreaus en Iraq du Nord n’est pas reproductible dans le reste de l’Iraq. En fait vos succès dans le découpage de la portion kurde de l’Iraq ont aggravé les hostilités dans le reste du pays.

    <o:p></o:p>



    Petraeus, frais émoulu de Princeton, en 1987 ...<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    …et sur le terrain en 2007<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

     

    Votre théorie "Sécuriser et Tenir" un territoire présuppose une force militaire hautement motivée, fiable et capable de résister à l’hostilité d’au moins 80% de la population colonisée. Le fond de la question est que le moral des soldats étatsuniens - ceux qui sont déjà en Iraq ainsi que ceux qu’il prévu d’y envoyer - est très éprouvé. Maintenant, parmi ceux qui cherchent un moyen rapide pour quitter les forces armées, on  trouve aussi des soldats et des sous-officiers de carrière – l’ossature de l’armée. (Financial Times, 3-4 mars 2007 p.2).<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Les absences non-autorisées (AWOL) [désertions - NdT] sont montées en flèche – 14.000 entre 2000 et 2005 (FT ibid.) en mars plus de mille en soldats en service actif, réservistes et fusiliers-marins ont soumis une pétition au Congrès pour que les USA se retirent de l’Iraq. L’opposition manifestée par des généraux à la retraite et en activité, contre l’escalade des effectifs décidée par Bush, se propage vers le bas de la hiérarchie militaire et on entend une grogne, particulièrement parmi les réservistes en service actif dont le temps de service a été prolongé à répétition ("conscription par la porte de service"). Les longs séjours ou rotations rapides ont un effet démoralisateur et sapent tout effort qui vise à "consolider les liens" entre les officiers étatsuniens et iraquiens et pour gagner la confiance de la population locale. Si les troupes étatsuniennes  sont profondément perturbées par la guerre en Iraq, et de plus en plus enclines à la désertion et à la démoralisation, l’armée mercenaire iraquienne est encore moins fiable. Les Iraquiens recrutés sur la base de la faim et du chômage (causés par la guerre que les USA leur ont imposée), avec des attaches familiales, ethniques et nationales pour un Iraq libre et indépendant, ne font pas des soldats sur qui on peut compter. Tout expert sérieux vous dira que les divisions de la société iraquienne se reflètent dans la loyauté des soldats.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Général Petraeus, comptez vos troupes chaque jour, parce que quelques-unes de plus s’égareront et peut-être dans l’avenir vous trouverez-vous face à un terrain d’exercices vide ou pire encore une révolte dans vos casernes.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Le taux élevé persistant de pertes parmi les soldats étatsuniens et les civils iraquiens au cours du premier mois de votre commandement, suggère que votre plan de "Tenir et Sécuriser" Bagdad n’a pas réussi à modifier la situation dans son ensemble.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Petraeus, votre « manuel de règles » donne la priorité à la "sécurité et au partage des tâches comme des moyens pour transmettre le pouvoir aux civils et encourager la réconciliation nationale". La sécurité est fugace  parce que ce que, pour le commandant US , la « sécurité », cela veut dire le libre mouvement des troupes étatsuniennes  et celles de leurs collaborateurs, et qu’elle est basée sur l’insécurité où vit la majorité iraquienne colonisés est assujettie à des fouilles maison par maison, des effractions de leur domiciles, de fouilles au corps humiliantes et des arrestations. "Le partage des tâches" sous un général usaméricain et ses forces militaires n’est qu’un euphémisme pour "la collaboration iraquienne" "exécutant" vos ordres. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Le "partage" implique un rapport de force particulièrement asymétrique: les USA ordonnent et les Iraquiens exécutent. Les USA définissent la "tâche" d’informer sur les insurgés, et la population est censée fournir des "informations" sur leurs familles, leurs amis et leurs compatriotes, autrement dit trahir leur peuple. Cependant, cela semble plus facile à écrire dans votre manuel qu’à réaliser sur le terrain. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    "Transférer le pouvoir aux civils" comme vous dites, assume que ceux qui "ont le pouvoir" le cèdent aux "autres". Autrement dit, les militaires étatsuniens cèdent la gestion du territoire, de la sécurité, des ressources financières et de leur distribution au peuple colonisé. Mais ce sont précisément ces gens qui protègent et soutiennent les insurgés qui s’opposent à l’occupation usaméricaine et à son régime fantoche.
     <o:p></o:p>

    Sinon, Commandant, ce que vous voulez dire c’est "transférer le pouvoir" à une petite minorité de civils volontaires à collaborer avec l’armée d’occupation. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    La minorité civile que vous aurez "habilité" aura besoin d’une protection militaire usaméricaine pour la protéger des représailles.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Jusqu’à présent rien de tel n’est arrivé, il n’y a pas de collaborateurs de quartier auxquels ont été délégués de vrais pouvoirs. Ceux qui en ont eu, sont morts, se cachent ou sont en fuite. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Petraeus, votre but de "réconciliation nationale" présume que l’Iraq existe en tant que nation souveraine libre. Ceci est une condition préalable à la réconciliation de deux adversaires en guerre. Mais la colonisation usaméricaine de l’Iraq est un déni flagrant des conditions de réconciliation. Ce n’est que lorsque l’Iraq se sera libéré de vous, Commandant Petraeus, de votre armée et des diktats de la Maison Blanche, que les adversaires pourront négocier et chercher la "conciliation". Il n’y a que les groupes politiques fondés sur la souveraineté populaire iraquienne, qui peuvent participer à ce processus. Autrement, ce dont vous parlez n’est en fait rien d’autre que l’imposition par des moyens militaires de la "réconciliation" entre groupes collaborationnistes adversaires, mais qui n’ont aucune légitimité auprès de l’électorat iraquien. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    L’ancienne clintonette Sarah Sewall (ex-vice- secrétaire adjointe à la Défense et "experte aux Affaires étrangères" basée à Harvard) était extatique à l’annonce de votre nomination. Elle prétend que "le faible rapport troupes/tâche" pourrait avoir un effet adverse sur votre stratégie (Guardian, 6.3.2007). Le rapport "troupes/tâche" forme la base de la "critique" des sénateurs Démocrates Hillary Clinton et Charles Schumers, concernant la politique de Bush en Iraq. Leur solution consiste à envoyer "encore plus de troupes". Cet argument nous interpelle: la nécessité d’améliorer le « rapport » en envoyant un plus grand nombre de soldats reflète l’intensité de l’opposition de la masse populaire à l’occupation usaméricaine,, ce qui est en rapport direct avec l’augmentation du soutien de voisinage à la résistance iraquienne. Si la majorité de la population et la résistance ne s’opposaient pas aux armées impériales, alors n’importe quel rapport aurait été adéquat – même quelques centaines de soldats qui traîneraient dans la Zone Verte, l’ambassade usaméricaine ou dans les bordels locaux.

    <o:p></o:p> 

    <o:p></o:p>


     <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    Friedberg, Allemagne, 25 juin 1964: Le ministre de la Justice Robert Kennedy avec le Général-Lieutenant Creighton W. Abrams, commandant du 5ème Corps d’armée, qui vient d’être nommé vice-chef d’État-major. Il sera bientôt commandant des forces US au Vietnam et chef d’État-major. Il est enterré à Arlington, comme il se doit.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Les préceptes de votre fascicule piochent lourdement dans la doctrine contre-insurrectionnelle "Nettoyez et tenez" du général Creighton Abrams de l’époque de la guerre du Vietnam. Abrams avait ordonné une vaste offensive chimique, qui a pulvérisé des milliers d’hectares avec le mortel "agent orange" dans le but de "nettoyer" le territoire contesté. Il a approuvé le plan Phœnix – l’assassinat systématique de 25.000 chefs de village pour "nettoyer" les insurgés locaux. Abrams avait mis en place le programme des "hameaux stratégiques", le déplacement forcé de millions de paysans vietnamiens dans des camps de concentration. À la fin sa stratégie de "Nettoyer et Tenir" a échoué parce que chaque mesure étendait et renforçait l’hostilité populaire, et simultanément augmentait le nombre de recrues pour l’armée de libération nationale vietnamienne. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Petraeus, vous êtes en train de suivre la doctrine d’Abrams. Entre le 5 et le 7 mars 2007 ont eu lieu des bombardements à grande échelle de quartiers sunnites, densément habités, des arrestations massives de chefs locaux suspects ont été accompagnées d’encerclements militaires de quartiers entiers, alors que les fouilles abusives maison par maison ont transformé Bagdad en un grand camp de concentration. Comme votre prédécesseur, le général Creighton Abrams, vous voulez détruire Bagdad pour la sauver. En fait votre politique consiste tout simplement à punir des civils et aggraver l’hostilité de la population de Bagdad. Pendant ce temps les insurgés se fondent dans la population locale ou dans les provinces avoisinantes de Al Anbar, Diyala et Salaheddine, Petraeus. Vous oubliez que bien que vous puissiez "tenir" un peuple otage avec des véhicules blindés, vous ne pouvez pas administrer le pays par les armes. L’échec du général Creighton Abrams n’était pas dû au manque de "volonté politique" de la part des USA comme il s’en était plaint, mais au fait que le "nettoyage" d’une région n’a qu’un effet temporaire. L’insurrection est fondée sur sa capacité à se fondre dans le peuple. Vous vous partez de présupposés de base faux : que le "peuple" et les "insurgés" sont deux groupes distincts et opposés, et que vos forces au sol et vos mercenaires iraquiens sont capables de reconnaître et d’exploiter cette divergence, "nettoyer" les insurgés et "tenir" le peuple. Quatre années d’invasion, d’occupation et de guerre impériale témoignent du contraire. Il a été démontré que - malgré plus de 140.000 soldats US, près de 200.000 mercenaires iraquiens et plus de 50.000 mercenaires étrangers, et après quatre années de guerre coloniale - l’insurrection a bénéficié d’un large et constant soutien de la population. La taux élevé de civils tués, par les Étatsuniens et leurs mercenaires, de civils par rapport à celui des insurgés, suggère que nos troupes n’ont pas été capables de faire la différence entre civils et insurgés (ou alors qu’ils ne tenaient pas à la faire). L’insurrection bénéficie de liens de soutien avec des membres de familles étendues, des amis proches, des voisins, des chefs religieux, des nationalistes et des patriotes. Ces liens au premier, second et troisième degré, attachent l’insurrection à la population. Il n’est pas de même pour les militaires étatsuniens et leurs politiciens fantoches. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Général, vous avez déjà reconnu après un mois de commandement que votre plan "de protéger et de sécuriser la population civile" est en train d’échouer. Alors que vous inondez les rues de Bagdad avec vos véhicules blindés, et vous reconnaissez que les "forces anti-gouvernementales se regroupent au Nord de la capitale". Vous êtes condamné à jouer ce que le Général de division Robert Gaid appelait, si peu poétiquement, "taper la taupe: Les insurgés seront éliminés à un endroit pour reparaître à un autre".<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Ce serait présomptueux, Général, de croire que la population ignore que les "forces spéciales" de l’occupation, avec lesquelles vous êtes intimement lié, sont responsables en grande partie du conflit ethnico-religieux. Le journaliste d’investigation Max Fuller dans son examen détaillé des documents souligne que la vaste majorité des atrocités …attribuées à des milices "racaille" chiites ou sunnites "étaient en fait l’œuvre de commandos des ‘forces spéciales’ contrôlés par le gouvernement; entraînées et ‘conseillées’ par des Étatsuniens et commandés en grande partie par des anciens agents de la CIA" (Chris Floyd Ulster sur Euphrate. La guerre sale anglo-usaméricaine truthout.org). Votre tentative de jouer au jeu du "bon flic/méchant flic" pour "diviser et régner" a mal tourné. Elle est voué à l’échec.<o:p></o:p>

      <o:p></o:p>

    Vous avez reconnu le contexte politique plus large de la guerre! "Il n’y a pas de solution militaire à un problème tel que l’Iraq, tel que l’insurrection…. En Iraq l’action militaire est nécessaire pour améliorer la sécurité… mais c’est insuffisant. Il faudrait aussi qu’il y ait un aspect politique" (BBC 8/3/2007). Pourtant "l’aspect politique clé" - comme vous dites – est la réduction, et non pas l’augmentation des troupes étatsuniennes , l’arrêt des attaques interminables contre les quartiers civils, la mise à terme des opérations spéciales et des assassinats qui visent à fomenter des conflits ethnico-religieux, et par-dessus tout un calendrier de retrait des forces étatsuniennes  et de démantèlement de la chaîne de bases militaires étatsuniennes . Général Petraeus, vous ne voulez pas ou vous n’êtes pas en position de mettre en oeuvre ou de configurer un contexte politique approprié pour mettre fin à ce conflit. Votre référence à la "nécessité d’engager des pourparlers avec quelques groupes d’insurgés" soit ne sera pas entendue, soit elle sera considérée comme la continuation des tactiques de diviser pour régner (ou celle du "salami"), qui jusqu’à présent n’ont attiré aucun secteur de l’insurrection. Contrairement à vos impeccables états de service contre-insurrectionnels de Princeton/West Point, vous êtes surtout un tacticien, sage quand il s’agit de technique, mais médiocre quand il s’agit d’affronter un cadre politique de "décolonisation", dans lequel vos tactiques pourraient marcher. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Commandant Petraeus, vous avez été vif à saisir la difficulté de votre mission coloniale. Juste un mois après avoir pris le commandement vous vous êtes engagé dans les mêmes sophismes et discours à double sens que n’importe quel colonel «  de brousse ». Pour maintenir le flux de fonds et de troupes de Washington, vous parlez de "réduction des tueries et du mécontentement à Bagdad", omettant subtilement l’augmentation des victimes civiles et usaméricainbes ailleurs. Vous avez parlé de quelques "signes encourageants" et admis aussi qu’il était "trop tôt pour entrevoir des tendances significatives"! <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Vous vous êtes déjà donné une mission à calendrier illimité en prolongeant la durée de vos opérations de sécurité à Bagdad de quelques jours à des semaines et à des "mois" (et plus encore?) N’est-ce pas là un manière curieuse de préparer les politiciens étatsuniens à une guerre prolongée – avec peu de résultats significatifs? Il n’y a pas de mal qu’un guerrier philosophe couvre son derrière en anticipation d’un échec. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Général, je suis sûr qu’en tant qu’ intellectuel militaire vous avez lu 1984 de George Orwell, parce que vous parlez couramment le double langage. Dans le même souffle vous dites qu’il n’y a « pas de nécessité immédiate de demander que d’avantage de troupes soient déployées en Iraq" (autres que les 21.500 déjà en route), et vous demandez 2.200 policiers militaire supplémentaires pour se charger, à Bagdad, de la prochaine incarcération massive de suspects civils. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Dans le "franc parler" concernant le nombre de troupes dans le temps présent pour votre guerre, vous préparez les conditions pour une escalade dans le futur proche. "Pour l’instant nous ne voyons pas la nécessité d’autres troupes. Mais cela ne veut pas dire qu’une tâche ou une mission émergente [souligné par l’auteur], n’en nécessiterait pas, et si c’est le cas, nous les demanderons"(Al Jazeera, 8.3.2007). Tout d’abord il y a un déferlement de troupes puis il y a une "mission émergeante" et avant de se rendre compte, il y a un autre lot de 50.000 soldats qui arrivent sur le sol alimenter ce hachoir à chair qu’est l’Iraq. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Oui général, vous êtes un fin maître en "double langage" - mais au-delà de ça, vous êtes, avec vos collègues de la Maison Blanche et le Congrès, voués à suivre le chemin de la défaite comme vos prédécesseurs en Indochine. Votre police militaire emprisonnera des milliers de civils, ou même d’avantage. Ils seront interrogés, torturés et peut-être que certains seront "cassés". Mais beaucoup d’autres prendront leur place. Votre politique de sécurité par l’intimidation "tiendra" tant que vos véhicules blindés dans chaque quartier pointeront leurs canons sur chaque bâtiment. Mais combien de temps pourriez-vous rester dans cette situation? Aussitôt que vous serez parti, les insurgés reviendront , ils peuvent continuer pendant des mois et des années parce que c’est là qu’ ils vivent et travaillent. Pas vous. Vous dirigez une armée coloniale coûteuse, qui subit des pertes sans fin. Tôt ou tard, les gens de chez nous vous forceront à partir. <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Vos ambitions, général Petraeus, dépassent vos compétences. Il vaut mieux commencer à préparer vos adieux aux armes et espérer une promotion à Washington. Rappelez-vous vos chances sont maigres. Il n’y a que des généreux vainqueurs ou ceux qui ont resquillé leur service militaire qui peuvent être élus à la présidence. Mais y a toujours un professorat à l’École Kennedy de l’Université de Harvard pour un "intellectuel guerrier", qui est bon dans les livres, mais un désastre sur le terrain.  <o:p></o:p>

     
    James Petras est l’auteur et éditeur de 67 livres en 31 langues.
    Son dernier ouvrage est The Power of Israel in the United States (Clarity Press). Ses écrits peuvent être consultés sur www.petras.lahaine.org


    votre commentaire
  • Tornados afghans, rebelles à Berlin

    Le lieutenant-colonel Jürgen Rose n’a aucune intention d’être impliqué dans la guerre afghane qui fait rage au sud du pays. Même indirectement. Il a pour cette raison présenté à ses supérieurs  une demande expresse d’être muté du service de support logistique des missions extérieures de l’armée allemande. « L’utilisation du Tornado est contraire au droit international. On soutient la croisade du président étasunien Bush  contre le terrorisme avec les avions de chasse allemands »,  a déclaré l’officier, âgé de 48 ans. Le lieutenant-colonel fait référence aux six Tornado-Recce de la Bundeswehr qui seront utilisés à partir de mi-avril dans des missions de reconnaissance au sud de l’Afghanistan, comme l’a décidé le parlement allemand vendredi dernier, malgré 74 votes contre, à l’intérieur même de la majorité de la Grande coalition.

     <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

    Pour Rose la décision du Bundestag serait « décisivement antidémocratique », alors que la majorité de la population – 77%, selon les sondages- est opposée  à l’envoie des Tornado. « La guerre qui se mène au sud du pays n’a rien à voir avec la protection  de la population civile et les troupes étasuniennes qui se battent au sud n’ont pas de mandat du conseil de sécurité », avait déclaré le lieutenant-colonel.

     <o:p></o:p>

    La nouvelle de son transfert, dans la division administrative des biens immobiliers de la même caserne, est arrivée hier après-midi. Le ministre de la Défense, le chrétien-démocrate Frantz Joseph Jung, avait recommandé  au 4 ième Commandement  militaire en Bavière une décision rapide sur l’épineuse affaire, afin d’éviter que la discussion ne prenne de l’ampleur dans l’opinion publique. Il n’a fallu que trois jours.

     <o:p></o:p>

    Mais le problème n’est pas résolu parce que Rose n’est pas seul. Selon des informations du Bureau central pour le droit et la défense des objecteurs au service militaire, pendant ces deux dernières semaines, quatre autres réservistes, âgés de 40 à 50 ans, ont présenté  une demande d’exonération du service. « Pour ce que j’en sais, a déclaré le lieutenant-colonel objecteur, de nombreux soldats pensent la même chose que moi ».

     <o:p></o:p>

    L’opposition aux décisions du gouvernement et au parlement est en train de se radicaliser chez les militaires. Dans une lettre ouverte écrite aux parlementaires avant le vote de vendredi dernier (9 février), et reprise  hier par tous les médias allemands, la Arbeitskreises Darmstädter Signal (Ak DS) – une association d’ « officiers et ex-officiers critiques » -  avait accusé le ministre Jung et les parlementaires favorables à l’emploi des Tornados de « tromper » leurs électeurs. Le lieutenant-colonel Rose est aussi un membre de cette association. Le groupe, fondé en 1983 pour tenter de ralentir  la course aux armements nucléaires, travaille depuis lors pour la réduction des effectifs de l’armée allemande, et pour l’élimination de tout moyen de destruction de masse. En Afghanistan, la Ak DS soutient le remplacement de troupes de l’Isaf par des Casques bleu.

     <o:p></o:p>

    Se cacher derrière le fait que les jet allemands n’accomplissent que des actions de reconnaissance va à l’encontre de toute logique, ont écrit les militaires de l’Ak DS : la reconnaissance est une partie fondamentale des actions militaires « pour soutenir les mouvements des troupes et des chasseurs bombardiers ». Les informations  recueillies par les pilotes allemands seront fournies au contingent Isaf et, avec quelques limitations, aux militaires étasuniens impliqués dans l’opération Enduring Freedom.

     <o:p></o:p>

    La nouvelle qualité de l’engagement guerrier allemand plonge de plus en plus le pays dans la guerre, ont écrit les militaires, selon lesquels l’Allemagne devrait au contraire commencer à organiser le retrait progressif d’Afghanistan avec les autres pays de l’OTAN.


    Un soutien décisif aux accusations de « tromperie » est arrivé du groupe de la gauche parlementaire die Linke. Après la tentative  de deux  parlementaires démocrates-chrétiens, qui a échoué pour vice de forme, die Linke a décidé de présenter un recours à la cour constitutionnelle de Karlsruhe, contre  l’emploi des Tornado, comme étant contraire à la Constitution et au droit international.

     <o:p></o:p>

    Selon les requérants, l’Allemagne avaliserait ainsi la violation des principes défensifs de l’OTAN, violation perpétrée  par la guerre préventive du président étasunien. Si le recours était accepté, les avions de chasse  devraient rester dans leurs hangars jusqu’à la décision définitive de la cour.

     <o:p></o:p>

    Pour le compte de son gouvernement, le ministre Jung s’est jusqu’à présent contenté de réaffirmer la position inconfortable de la Grande Coalition : il s’agit « seulement de reconnaissance ». Pour les six avions de chasse, la décision du gouvernement d’Angela Merkel était arrivée à la suite de pressions répétées de l’OTAN pour l’envoi des troupes en Afghanistan.


     <o:p></o:p>

    Edition de samedi 17 mars 2007 de il manifesto


    votre commentaire
  • Irak : l’escalade promise à l’échec

    Quatre hommes en arme, une femme victime d’une crise de nerfs, un fils qui tente de la rassurer et dont le regard reflète tout autant la terreur que la haine. Pour M. Greenway, du Boston Globe, cette image montre à quel point la tâche assignée aux soldats américains est une mission impossible. Jamais les Irakiens n’accepteront de vivre sous la botte étrangère.

    par H.D.S. Greenway, pour le Boston Globe

    Ce que le président Bush et les partisans de l’escalade en Irak ont sous estimé c’est la détestation qu’ont les irakiens des troupes étrangères qui font irruption dans leurs maisons, des check points ou l’on tire à vue, et de toutes les humiliations nées de l’occupation. La présence des troupes étrangères légitime l’insurrection.

    Une photographie de l’Agence France Presse fait voir à quel point l’escalade n’apportera vraisemblablement rien de plus qu’un succès temporaire, et est condamnée à l’échec.

    Elle montre quatre soldats américains harnachés de pieds en cap avec leur inquiètant attirail de combat, campés dans le living room d’un appartement de Bagdad. Au centre, sur le sol couvert de tapis, git une femme effondrée, vêtue de ses habits noirs traditionnels.

    Un homme, identifié comme son fils, la tient dans ses bras. Il a les pieds nus, comme si il avait été pris par surprise. Mais ce qui retient le regard, c’est l’expression de terreur et d’horreur de son visage, pendant qu’il regarde un soldat en arme, le pointant du doigt. Un autre soldat a pris la liberté de faire comme chez lui, en profitant du sofa. La légende de l’image nous apprend que la mère a défailli pendant l’interrogatoire de son fils.

    Joshua Parlow a récemment décrit dans le Washington Post comment les soldats US tentaient d’être amicaux et sympathiques : « durant les six heures qu’a duré la patrouille, ils distribuaient des paquets de chewing-gum et des journaux.... Mais les soldats armés de mitraillettes, fouillant les chambres à coucher, cherchant des armes et demandant les papiers irritaient visiblement les résidents ».

    Ils font plus qu’irriter. Un soldat US a confié à Parlow : « Je suis déjà venu ici au début. Maintenant cela a complétement changé. Ils ne nous respectent même plus. Ils nous crachent dessus, ils nous jettent des pierres. Cela ne ressemblait pas à ça, auparavant ».

    Quand le président Bush, et les partisans de l’escalade parlent de restaurer la loi et l’ordre à Bagdad, ils sous estiment le fait que c’est précisemment la présence des soldats américains qui provoque la résistance, séme le chaos dont les criminels profitent pour agir, et fait des milices le seul recours pour la population. Les américains peuvent essayer d’accomplir leur mission humainement, mais c’est la nature même de leur tâche que d’être coercitive, brutale, et finalement contreproductive.

    Les soldats américains ne sont-ils pas là pour mettre fin à la violence confessionnelle - empêcher les irakiens de s’entre tuer ? Les pouvoirs colonialistes, quand ils occupent un pays étranger, peuvent conserver l’appareil de pouvoir préexistant, comme les britanniques l’avaient fait en Irak, en gouvernant via les sunnites, ou bien ils peuvent choisir de mettre à bas l’ordre établi et de porter au pouvoir les anciens dominés, comme les USA ont décidé de le faire avec les chiites.

    Mais les USA n’ont pas obtenu ce qu’ils avaient espéré, et en décidant de combattre dans le même temps les milices chiites et les rebelles sunnites, ils sont au milieu de la guerre civile.

    Pourtant, au bout du compte, autant les chiites que les sunnites s’opposeront à nous car ils ne veulent pas voir de soldats étrangers sur leur sol. Alors que l’occupation entre dans sa cinquième année les irakiens travaillant pour les américains sont vus de plus en plus comme des collaborateurs.

    Aussi longtemps que les troupes US resteront, aussi longtemps elles seront perçues commes des oppresseurs, et parce qu’elles devront remplir leur mission , nous verrons de plus en plus de photos d’irakiens apeurés et humiliés.

    Les britanniques ont leur propres raisons d’entamer leur désengagement, mais ils ont aussi compris que leur présence est plus une partie du problème que de sa solution. La « coalition de la volonté » [1] est de moins en moins volontaire au fur et à mesure qu’elle se rend compte que les troupes étrangères ne sont pas une solution.

    Et les envahisseurs étrangers seront combattus en Irak, comme ils l’ont été toujours et partout au cours des siècles.


    votre commentaire
  • La vérité d’Olmert

    Les Américains nous utilisent comme une menace. Ils nous retiennent sur une ligne comme un chien d’attaque, et disent à Assad : si vous ne faites pas ce que nous voulons, nous lâcherons le chien.

    Si Dieu le veut, même un manche à balai peut tirer des coups de feu. C’est un vieil adage yiddish. Aujourd’hui, on pourrait ajouter : Si Dieu le veut, même Olmert peut parfois dire la vérité.

    La vérité, d’après le témoignage du Premier ministre devant la commission d’enquête présidée par le juge Vinograd, témoignage divulgué hier aux média, est que la guerre n’était pas une réaction spontanée à la capture des deux soldats, mais qu’elle était planifiée depuis longtemps. C’est ce que j'avais dit dès le début.

    Olmert a déclaré à la commission que, juste après sa prise de fonction comme Premier ministre en exercice, en janvier 2006, il a consulté les chefs de l’armée à propos de la situation sur la frontière nord. Jusqu’alors, la doctrine dominante était conforme à la décision d’Ariel Sharon - logique de son point de vue - de ne pas réagir par la force aux provocations dans le nord, afin que l’armée israélienne puisse se concentrer sur le combat contre les Palestiniens. Mais cela a permis au Hezbollah de constituer un stock important de roquettes de toutes sortes. Olmert décida de changer cette politique.

    L’armée a préparé un plan en deux étapes : une opération terrestre ayant pour but l’élimination du Hezbollah, puis une offensive aérienne visant à détruire l’infrastruture libanaise, afin de mettre la pression sur les Libanais qui à leur tour mettraient la pression sur le Hezbollah. Comme l’a déclaré le chef d’état-major, Dan Halutz, au début de la guerre « Nous allons reculer de 20 ans les pendules du Liban » (un but plutôt modeste comparé à la célèbre proposition d’un collègue américain : « Bombarder le Vietnam jusqu’à ce qu’il retourne à l’âge de pierre. ») L’aviation avait également pour mission de détruire l’arsenal de roquettes du Hezbollah.

    Mais de nos jours, il n’est plus question d’attaquer un pays sans raison convaincante. Déjà avant la première guerre du Liban, les Américains demandèrent qu’Israël n’attaque qu’après une provocation pouvant convaincre le reste du monde. La justification nécessaire fut donnée à point nommé par le gang d’Abou Nidal, qui avait tenté d’assassiner l’ambassadeur israélien à Londres. Dans la guerre récente, il avait été admis à l’avance que la capture de soldats israéliens constituerait une telle provocation.

    Un cynique pourrait dire que cette décision transformait les soldats israéliens en appât. On savait que le Hezbollah voulait capturer des soldats afin d’obtenir un échange de prisonniers. Les patrouilles de l’armée régulière israélienne le long de la frontière constituaient, en quelque sorte, une invitation au Hezbollah de mettre à exécution son plan néfaste.

    LA CAPTURE du soldat Gilad Shalit par les Palestiniens près de la frontière de Gaza constitua un signal d’alarme en Israël. Olmert a déclaré dans son témoignage que, à partir de ce moment-là, il fut convaincu que le Hezbollah était sur le point de réaliser un exploit semblable.

    Dans ce cas, le Premier ministre aurait peut-être dû ordonner à l’armée de mettre fin aux patrouilles le long de la frontière nord, ou les renforcer de manière à dissuader le Hezbollah. Cela n’a pas été fait. Les pauvres membres de la patrouille fatale sont partis comme s’ils se rendaient à un pique-nique.

    Le même cynique pourrait dire qu’Olmert et les chefs de l’armée avaient besoin d’un prétexte pour exécuter leurs plans de guerre. Ils étaient convaincus, de toute façon, que les soldats rentreraient en moins de deux. Mais, comme le dit la devise royale britannique « Honni soit qui mal y pense »

    Quoiqu’il en soit, le Hezbollah a attaqué, deux soldats ont été faits prisonniers, et l’opération programmée aurait dû se dérouler sans problème. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. La guerre, bien sûr, a éclaté, comme prévu, mais à partir de là, presque rien ne s’est passé selon le plan. Consultations hâtives, décisions confuses, opérations indécises. Il apparaît aujourd’hui que le plan n’avait pas été totalement terminé ni entériné.

    La commission Vinograd est censée répondre à quelques questions épineuses : Si la guerre était planifiée depuis si longtemps, pourquoi l’armée n’y était-elle pas prête ? Comment se fait-il que le budget militaire ait été réduit ? Comment se fait-il que les entrepôts d’armes étaient vides ? Pourquoi les forces de réserve, supposées réaliser les opérations au sol, n’ont-elles été appelées que quand la guerre était déjà très avancée ? Et quand finalement elles furent déployées, pourquoi ont-elles reçu des ordres confus et contradictoires ?

    Toutes ces questions montrent qu’Olmert et les généraux étaient largement incompétents concernant les décisions militaires. Mais aussi qu’ils ne comprenaient rien à la scène internationale.

    HASSAN NASRALLAH a ouvertement admis qu’il avait fait une erreur.

    Il n’avait pas compris qu’il y avait eu un changement en Israël : au lieu de Sharon, un vétéran qui ne recherchait pas l’action dans le nord, un nouvel homme était arrivé, un politicien inexpérimenté, que la guerre démangeait. Ce que Nasrallah avait en tête, c’était un nouvel épisode de la routine habituelle : la prise de quelques soldats et un échange de prisonniers. Au lieu de cela, une guerre généralisée a éclaté.

    Mais l’erreur d’Olmert fut encore pire. Il était convaincu que les Etats-Unis lui donneraient leur bénédiction totale et lui permettraient de se balader au Liban à loisir. Mais les intérêts américains aussi avaient changé.

    Au Liban, le gouvernement de Fouad Siniora a réussi à unir toutes les forces pro-américaines. Elles ont exécuté loyalement tous les ordres de Washington, ont chassé les Syriens et ont soutenu l’enquête sur le meurtre de Rafik Hariri, ce qui fournit aux Américains un prétexte pour une frappe massive contre la Syrie.

    Selon les révélations d’Olmert, Condoleezza Rice l’a appelé juste après le déclenchement de la guerre et lui a transmis les tout derniers ordres américains : ils désiraient vraiment qu’Israël donne un coup fatal au Hezbollah, les ennemis de Siniora, mais il était absolument interdit de faire quoique ce soit qui puisse faire du tort à Siniora, comme bombarder les infrastructures libanaises hors du territoire du Hezbollah.

    Cela émasculait les plans de l’état-major. L’idée centrale avait été que, si la population civile au Liban était suffisamment frappée, elle ferait pression sur le gouvernement pour que celui-ci agisse résolument contre le Hezbollah, assez pour liquider l’organisation ou, au moins, pour la désarmer. On ne peut vraiment pas savoir si cette stratégie aurait réussi si elle avait été mise en œuvre, mais en raison de l’intervention américaine, elle ne l’a pas été.

    Au lieu du bombardement massif qui aurait détruit les industries et les installations de base, Halutz devait se contenter - après l’appel téléphonique de Condoleezza - de bombarder les routes et les ponts qui desservaient le Hezbollah et la population chiite (y compris les voies de ravitaillement pour les armes syriennes vers Hezbollahland). Les dégats étaient étendus mais pas suffisants pour mettre les Libanais à genoux - si cela avait été possible. D’autre part, les forces aériennes réussirent à détruire quelques missiles de longue portée, mais les missiles de courte portée ne furent pas frappées, et ce furent celles qui causèrent des dégâts dans la population du nord d’Israël.

    Sur le terrain, l’opération fut encore plus confuse. C’est seulement au cours des dernières 48 heures de la guerre, alors qu’il était tout à fait clair que le cessez-le-feu était sur le point d’être conclu, que l’offensive majeure, dans laquelle 33 soldats israéliens sont morts, fut lancée. Pour quelle raison ? Dans son témoignage, Olmert affirme qu’elle était nécessaire pour changer en faveur d’Israël quelques points de la résolution de l’ONU. Nous savons aujourd’hui (comme nous l’avons dit à l’époque) que ces changements ne valaient rien et ils restèrent sur le papier.

    L’INTERVENTION de Condoleezza Rice dans la conduite de la guerre est également intéressante d’un autre point de vue. Elle met en lumière une question qui préoccupe les experts depuis un certain temps : dans les relations entre Etats-Unis et Israël, les intérêts américains l’emportent-ils sur ceux d’Israël ou est-ce le contraire ?

    Ce débat a réapparu quand les professeurs américains Stephen Walt et John Mearsheimer ont publié le résultat de leurs recherches selon lequel Israël impose aux Etats-Unis une politique contraire à l’intérêt national américain. La conclusion a troublé beaucoup de gens qui croient le contraire : qu’Israël n’est qu’un petit rouage dans la machine impériale américaine. (Je me suis permis de défendre l’idée que les deux versions sont justes : l’Américain remue sa queue israélienne et la queue israélienne remue le chien américain).

    Quand Condoleezza Rice a encouragé Israël à faire la guerre mais mis un veto à une partie essentielle du plan de guerre, il semble qu’elle a donné tort aux deux professeurs. En fait Olmert n’a eu le feu vert des Américains pour sa guerre qui servait les intérêts américains (élimination du Hezbollah, qui s’opposait au gouvernement Siniora pro-américain tout en en faisant officiellement partie), qu’avec des limites strictes (afin de ne pas faire du tort au gouvernement Siniora).

    LE MÊME PRINCIPE est appliqué aujourd’hui sur le front syrien.

    Bashar al-Assad propose à Israël des négociations sans conditions préalables. Ainsi, il espère éviter une attaque américaine contre son pays. Comme les deux professeurs, il croit que le lobby israélien gouverne Washington.

    Presque tous les experts importants en Israël sont d’accord pour dire que la proposition syrienne est sérieuse. Même dans les « cercles de la sécurité », certains demandent à Olmert de profiter de l’occasion et de faire la paix dans le nord.

    Mais les Américains y mettent un veto absolu, qu’Olmert a accepté. Un intérêt vital israélien a été sacrifié sur l’autel américain. Même aujourd’hui, alors que Bush est déjà engagé dans une certaine forme de dialogue avec la Syrie, les Américains nous interdisent de faire la même chose.

    Pourquoi ? Très simple : les Américains nous utilisent comme une menace. Ils nous retiennent sur une ligne comme un chien d’attaque, et disent à Assad : si vous ne faites pas ce que nous voulons, nous lâcherons le chien.

    Si les Américains arrivent à un accord avec les Syriens, en utilisant entre autres cette menace, ce sont eux qui engrangeront les bénéfices politiques de tout accord auquel nous parviendrons avec la Syrie au bout du compte.

    Cela me rappelle les événements de 1973. Après la guerre d’octobre, les négociation israélo-égyptiennes de cessez-le-feu ont commencé au kilomètre 101 (à partir du Caire). A un certain moment, le général Israël Tal a pris la direction de la délégation israélienne. Beaucoup plus tard, il m’a raconté l’histoire suivante :

    « A un certain moment, le général Gamasy, le représentant égyptien, s’est approché de moi et m’a dit que l’Egypte était maintenant prête à signer un accord avec nous. Fou de joie, j’ai pris un avion et me suis précipité chez (le Premier ministre) Golda Meir, pour lui apporter la bonne nouvelle. Mais Golda m’a dit de tout arrêter immédiatement. Elle m’a dit : J’ai promis à Henry Kissinger que si nous parvenons à un accord, nous lui transfèrerons l’ensemble du dossier pour qu’il règle tous les détails. »

    Et c’est bien sûr ce qui s’est passé. Les négociations au km 101 furent arrêtées et Kissinger a pris les choses en main. C’est lui qui aboutit à l’accord et ce sont les Etats-Unis qui en furent crédités. Les Egyptiens sont devenus les loyaux compagnons de route des Etats-Unis. L’accord israélo-égyptien a été reporté de cinq ans. Il fut conclu par Anouar el-Sadate qui avait planifié son voyage historique à Jérusalem dans le dos des Américains.

    Aujourd’hui, il se passe la même chose sur le front syrien. Dans le meilleur des cas. Dans le pire des cas, les Américains ne parviendront pas à un accord avec les Syriens, ils nous empêcheront de parvenir à un accord par nous-mêmes, et ce sont des milliers d’Israéliens, de Syriens et de Libanais qui en paieront le prix dans la prochaine guerre.


    votre commentaire
  • La torture à Abou Ghraïb : le témoignage sous serment d’ Ali Shalal

     


    Note de l'éditeur

    Le texte qui suit est le témoignage présenté par le Professeur Ali Shalal, qui a été torturé à la prison d’ Abou Ghraïb. Cette déclaration a été faite devant la Commission des crimes de guerre mise en place sous les auspices de l’ancien Premier ministre, et constitue une preuve dans la procédure judicaire engagée à Kuala Lumpur contre le Président US Tun George W. Bush, le Premier ministre britannique Tony Blair et le Premier mnistre australien John Howard. <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Ali Shalal, connu dans le monde comme « l’homme encagoulé », est un homme d’un courage et d’une détermination extaordinaires. J’ai écouté son témoignage et j’ai eu l’occasion de parler à plusieurs reprises avec lui au cours de la conféence sur les crimes de guerre. Nous avons établi des liens d’amitié et de solidarité. Nous partageons une même détermination à faire déférer en justice les criminels de guerre revêtant de hautes charges.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Ali Shalal est professeur de théologie. Il est une grande source d’inspiration. Il est important de comprendre que ce qu’il a subi fait partie d’un processus routinier de torture, qui est appliqué systématiquement à ceux qui sont arrêtés. Beaucoup de ses compagnons d’Abou Ghraïb sont morts des suites des tortures ou ont été exécutés après leur libération de manière ce qu’ils ne révèlent pas les horreurs et atrocités commises sur ordre de l’administration Bush.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Un autre fait significatif, confirmé par son témoignage est que des « civils » israéliens ont été partie prenante dans les interrogatoires menés par des agents US en prison.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Ali Shalal a survécu et a fourni son témoignage au nom de tous ceux qui ont été torturés à mort. Ses paroles entreront dans l’histoire.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Les criminels de guerre haut placés finiront devant la justice. Nous sommes aussi déterminés à ce qu’ils bénéficient d’un procès équitable.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Michel Chossudovsky, Global Research, 19 février 2007<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Ali Shalal et Michel Chossudovsky à Kuala Lumpur, 7 février  2007<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

      <o:p></o:p>

    Déclaration légale<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Le soussigné Ali Sh. Abbas (alias Ali Shalal), citoyen irakien majeur, déclare solennellement et sincèrement ce qui suit : <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    1.            J’ai 45 ans.

    <o:p></o:p>


    2.            Je vis actuellement à Amman, Jordanie.

    <o:p></o:p>


    3.            J’étais chargé de cours islamiques dans la ville d’Al Alamiya en Irak.

    <o:p></o:p>


    4.            Mon but en faisant cette déclaration légale et d’enregistrer mon expérience de la torture à la prison d’Abou Ghraïb.

    <o:p></o:p>





    5.            Les troupes américaines m’ont arrêté le 13 octobre 2003 alors que je me rendais à la mosquée Al Amraya pour y prier. Ils m’ont attaché les mains dans le dos et m’ont mis un sac sur la tête. Ils m’ont emmené dans une petite prison dans un camp militaire US à Al Amraya.

    <o:p></o:p>


    6.            Le commandant de ce camp militaire, un certain capitaine Philips m’a dit qu’il avait reçu l’ordre de son supérieur de m’arrêter et qu’il ignorait ls raisons de mon arrestation. En prison, j’ai été en détention solitaire. 

    <o:p></o:p>

    7.            Deux jours plus tard, on m’a transféré à la prison d’Abou Ghraïb. Ils ont commencé par me faire subir un examen physique et des abus. Avec d’autres détenus, on nous  a fait asseoir par terre puis on nous a traînés dans le local d’interrogatoire, qui était en fait une toilette d’environ 2X2 mètres, inondée d’eau et d’excréments qui nous arrivaient aux chevilles. On m’a fait asseoir dans cette eau sale pendant que l’interrogateur américain se tenait devant la porte, avec l’interprète.

    <o:p></o:p>


    8.            Après l’interrogatoire, j’ai été déplacé de la toilette et avant que le prochain détenu y entre à son tour, les gardiens ont uriné dans l’eau sale devant les autres détenus.

    <o:p></o:p>


    9.            La première question qu’ils m’ont posée a été : "Êtes-vous sunnite ou chiite?" J’ai répondu que c’était la première fois de ma vie qu’on me posait une telle question. J’étais surpris par cette question, car en tant qu’Irakiens, nous ne faisons aucune distinction ou différence de ce genre. L’interrogateur américain a rétorqué que devais donner des réponses directes et ne pas répondre à côté des questions. Il a dit ensute qu’en Irak, il y a des sunnites, des chiites et des Kurdes.

    <o:p></o:p>


    10.        Les interrogateurs étaient en civil et l’interprète, un Afro-Américain, portait un uniforme de l’armée américaine.

    <o:p></o:p>


    11.        Quand j’ai répondu que j’étais un Musulman irakien, l’interrogateur a refusé d’accepter ma réponse et m’a accusé des crimes suivants :

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    a-  J’étais antisioniste et antisémite<o:p></o:p>

    b-  Je soutenias la Résistance<o:p></o:p>

    c-  Je poussais les gens à s’opposer à l’occupation<o:p></o:p>

    d-  Je savais où se trouvait Oussama Ben Laden<o:p></o:p>


    12.        J’ai protesté en disant que les musulmans et les juifs descendent de la même famille historique. J’ai dit que je ne pouvais être dans la Résistance car je suis handicapé et j’ai une main blessée.

    <o:p></o:p>


    13.        L’interrogateur m’a accusé de m’être blessé à la main en attaquant de soldats américains.

    <o:p></o:p>


    14.        L’interrogateur m’a informé qu’ils savaient que j’étais une personne importante dans la communauté et que je pourrais donc les aider. Il m’a offert des soins médicaux pour ma main blessée comme récompense en cas de coopération.

    <o:p></o:p>


    15.         Comme je ne coopérais pas, l’interrogateur m’a demandé si je considérais l’armée américaine comme des « libérateurs » ou des « occupants ». Quand j’ai répondu qu’ils étaient des occupants, il a perdu son sang-froid et m’a menacé.  Il m’a dit que je serais envoyé à Guantanamo où même des animaux ne pourraient pas survivre.

    <o:p></o:p>


    16.        Ils m’ont emmené dans une autre pièce et ont relevé mes empreintes digitales, pris une photo de mon oeil et des échantillons de salive pour des analyses ADN. Après cette procédure, ils m’ont marqué en me mettant un bracelet au poignet portant mention de mon nom, un numéro, mon appartenance religieuse et mes antécédents judiciaires.

    <o:p></o:p>


    17.        Puis ils m’ont battu à plusieurs reprises et m’ont mis dans un camion pour me transférer dans une autre partie de la prison d’Abu Ghraïb.

    <o:p></o:p>


    18.        Cette partie de la prison était un espace ouvert divisé en cinq secteurs entourés de murs et de barbelés et appelé « le pays de Fiji ». Chaque secteur comprenait cinq tentes et était entouré de barbelés. Quand on m’a fait descendre du camion, les soldats ont marqué en rouge sur mon front "Big Fish" (gros poisson). Tous les détenus de ce camp étaient considérés comme « gros poissons ». Je me trouvais au camp "B".

    <o:p></o:p>


    19.        Les conditions du camp étaient vraiment mauvaises. Chaque tente hébergeait de 45 à 50 détenus et chacun de nous diposait d’un espace de 30X30 centimètres. Il nous fallait attendre deux ou trois heures pour aller aux toilettes. Il y avait très peu d’eau. Chaque tente ne recevait que 60 litres d’eau par jour à partager entre tous les détenus. Cette eau nous sevrait à boire, à nous laver et à nettoyer les blessures infligées pendant les sessions de torture. Ils nous oblgeaient aussi à rester debout pendant de longues heures.<o:p></o:p>



    20.        Parfois, en guise de punition, il ne nous donnaient pas à manger. Quand ils nous en donnaient, c’était petit déjeuner à 5 heures, repas à 8 heures et dîner à 13 heures. Pendant le Ramadan, ils nous donnaient deux repas, l’un à minuit et l’autre durant la période de jeûne, afin d’obliger les détenus à rompre le devoir religieux du jeûne.

    <o:p></o:p>


    21.        Pendant ma captivité, dans le camp, j’ai été interrogé et torturé deux fois. Chaque fois, j’ai été menacé d’être envoyé à la prison de Guantanamo Bay. Pndant cette période, j’ai entendu mes codétenus raconter qu’ils avaient été soumis à des brûlures de cigarettes, qu’on leur avait injecté des produits hallucinogènes et qu’on les avait sodomisés avec divers instruments, par exemple des baguettes de bois et des tuyaux. Quand ils revenaient au camp, ils saignaient abondamment. Certains avient des os brisés.

    <o:p></o:p>


    22.        Dans mon camp, j’ai vu des détenus qui avaient été conduits là depuis une prison secrète, dont j’ai su plus tad qu’elle était hébergée dans le bâtiment de l’Institut arabe du pétrole, dans le nord de Bagdad. Ces détenus étaient gravment blessés.

     <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    23.        Au bout d’un mois de détention, juste avant le coucher du soleil, mon numéro a été appelé ; on m’a mis un sac sur la tête et on m’attaché les mains dans le dos. On m’a aussi entravé les pieds. Puis on m’a transféré dans une cellule.

    <o:p></o:p>


    24.         Une fois dans la cellule, ils m’ont demandé en arabe de me déshabiller mais comme j’ai refusé, ils m’ont arraché mes vêtements et m’ont à nouveau entravé. Puis ils m’ont entraîné dans des escaliers, tout en me battant lorsque je n’avançais pas assez vite. Une fois arrivés en haut des escaliers, ils m’ont attaché à des barres d’acier. Puis ils m’ont aspergé d’excréments et ont uriné sur moi.

    <o:p></o:p>


    25.        Puis ils ont pointé un fusil sur ma tête et ont dit qu’ils allaient m’excéuter sur-le-champ. Un autre soldat me criait dessus avec un mégaphone, m’insultant et m’humiliant. Pendant ce temps, je pouvais entendre les cris d’autres détenus qu’on torturait. Cela a duré jusqu’au lendemain matin.

    <o:p></o:p>


    26.        Le matin, un Israélien se tenait devant moi ; il enleva le sac de ma tête et me dit en arabe qu’il était un Israélien qui avait interrogé et torturé des détenus en Palestine. Il me dit que quand les détenus ne voulaien pas coopérer, ils étaient tués. Il me demanda à plusieurs rprises des noms de combattanst de la résistance. Je lui ai dit que je ne connaissais aucun combattant de la résistance mais il ne voulait pas me croire et continua à me frapper. <o:p></o:p>


    27.        Cet Israélien habillé en civil m’a sodomisé d’abord avec une baguette de bois déchiquetée puis avec un canon de fusil. J’ai eu des déchirures internes et j’ai saigné abondamment. Pendant tout ce temps, chaque fois qu’un garde passait devant moi, il me frappait. Ils ne m’ont rien donné à manger pendant 36 heures.<o:p></o:p>


    28.         Le matin suivant l’interrogateur israélien est venu dans ma cellule, m’a attaché à la grille de la cellule et s’est mis à jouer la chanson pop "By the Rivers of Babylon" par le groupe Boney M, et cela sans interruption jusqu’au matin suivant. L’effet sur moi a été que j’ai perdu  l’audition et j’ai perdu l’esprit. C’était très douloureux et j’ai perdu conscience. Je ne me suis réveillé que quand le garde israélien m’a versé de l’eau sur la tête et le visage. Quand j’ai repris connaissance, il a  recommencé à me frapper et m’a demandé de lui donner les noms de combattants de la résistance et de lui dire quelles activités j’avais menées contre les soldats US. Chaque fois que je lui disais que je ne connaissais aucun combattant de la résistance, il me donnait des coups. <o:p></o:p>


    29.        J’ai été en cellule, sans vêtements, pendant deux semaines. Pendant ce temps, un garde américan appelé Graner, accompagné d’un Juif marocain appelé Idel Palm ( aussi connu sous le nom d’ Abou Hamid) est venu dans ma cellule et m’a interrogé sur ma main bandée, qui avait été blessée avant mon arrestation. Je lui ai dit que j’avais été opéré. Il a alors enlevé le bandage imbibé de sang et en faisant cela, il a arraché de la peau et de la chair de ma main. Je souffrais horriblement et lorsque je lui ai demandé des calmants, il a marché sur mes mains et il a dit en riant : Ça, c’est les calmants américains ».<o:p></o:p>


    30.        Au quinzième jour de détention, on m’a donné une couverture. J’étais soulagé qu’on m donne un peu de réconfort. Comme je n’avais pas de vêtements, j’ai fait un trou au centre de la couverture en la frottant contre le mur et j’ai donc pu couvrir mon corps. C’était la manière dont tous les détenus s’habillaient quand on leur donnait une couverture. <o:p></o:p>


    31.        Un jour, un détenu passant devant ma cellule me dit que les interrogateurs voulaient accélérer leur enquête et allaient utiliser des méthodes plus brutales pour avoir les réponses qu’ils attendaient des prisonniers. J’ai été conduit à la salle d’interrogatoires, après qu’ils avaient mis un sac sur ma tête.  Quand je suis entré dans la salle d’enquête, ils ont enlevé le sac de ma tête pour me faire voir les fils électriques qui étaient attachés à une prise électrique au mur. Étaient présents dans la salle le Juif marocain, Idel Palm, l’interrogateur israélien, deux Américains,  "Davies" et "Federick" et deux autres. Ils étaient tous en civil, sauf les Américains, qui étaient en uniformes de l’armée US. Idel Palm m’a dit en arabe que si je ne coopérais pas, je perdrais ma dernière chance de rester en vie. Je lui ai dit que je ne savais rien sur la résistance. On m’a lors remis le sac sur la tête et on m’a laissé seul pendant un long moment. Pendant ce temps, je pouvais entendre les cris et les hurlements de détenus qu’on torturait. <o:p></o:p>


    32.        Les interrogateurs sont revenus et m’ont forcé à monter sur un carton contenant des boîtes de conserves. Puis ils ont branché les fils électriques sur mes doigts, m’ont ordonné d’étendre mes mains à l’hrizontale et ils ont branché le courant électrique. Lorsque le courant a traversé tout mon corps, j’ai eu l’impression que mes yeux sortaient de leurs orbites et que je faisais des étincelles. Mes dents claquaient et mes jambes tremblaient violemment. Tout mon corps était secoué.  <o:p></o:p>


    33.         J’ai été électrocuté en trois séances distinctes. Dans les deux premières séances, j’ai été électrocuté deux fois, chaque fois quelques minutes. Durant la troisième séance, pndant que j’étais électrocuté, je me suis mordu la langue accidentellement et je me suis mis à saigner de la bouche. Ils ont arrêté l’électrocution et ils ont appelé un médecin. J’étais allongé par terre. Le médecin a versé un peu d’eau dans ma bouche et a utilisé ses pieds pour ouvrir ma bouche de force. Puis il a dit : « Rien de grave, continuez ! » et il a quitté la pièce. Mais le garde a arrêté l’électrocution comme j’étais en train de saigner abondamment et qu’il y avait du sang partout sur mon corps et sur la couverture. Ils ont continué à me fapper. Après un certain temps, ils ont interrmpu le tabassage et m’ont ramené à ma cellule. Pendant toute la séance de torture, les interrogateurs prenaient des photos.<o:p></o:p>


    34.         J’ai ensuite été laissé seul dans ma cellule pendant 49 jours. Pendant cette période de détention, ils ont cessé de me torturer. À la fin du 49ème jour, j’ai été raméné au camp, dans la tente C et je suis resté là pendant 45 jours. Un détenu m’a dit qu’il avait entendu des gardes dire que j’avais été arrêté par erreur et que j’allais être libéré.<o:p></o:p>


    35.        J’ai été libéré au début de mars 2004. J’ai été mis sur un camion, dont on m’a éjecté sur une autoroute. Une voiture qui passait m’a pris en stop et m’a conduit à la maison. <o:p></o:p>


    36.        Le résultat de cette expérience a été que j’ai décidé de fonder une association pour venir en aide à toutes victimes de tortures, avec l’aide de douze autres victimes de la torture. <o:p></o:p>


    37.        Je suis très triste d’avoir à me remémorer et à revivre encore et encore cette horrible expérience et j’espère que le peupel malaysien répondra à notre appel à l’aide. Qu’il plaise à Dieu.<o:p></o:p>


    Et je fais cette déclaration sollennelle en toute conscience et connaissance de cause en vertu des dispsitions de la loi sur les déclarations légales de 1960.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Le susnommé Ali Sh. Abbas alias Ali Shalal, Kuala Lumpur, février 2007, par l’interpétation  d’ABBAS Z. ABID (Passeport irakien N° S379532), lequel a déclaré avoir traduit de manière véridique, dinstincte et audible le contenu de la présente déclaration légale du requérant Ali Sh. Abbas alias Ali Shalal <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Nom: ABBAS Z. ABID <o:p></o:p>

    (Passeport irakien N° S379532)<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Comparaissant devant moi,<o:p></o:p>

    Saw Ah Leong<o:p></o:p>

    Commissaire des serments,<o:p></o:p>

    Kuala Lumpur, Malaysia <o:p></o:p>


    votre commentaire